Comprendre l'infaillibilité pontificale - France Catholique
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Comprendre l’infaillibilité pontificale

Traduit par Pierre

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En comparaison avec nos démocraties infaillibles, notre infaillible corps médical, nos infaillibles astronomes, nos juges infaillibles, nos infaillibles parlements, le Pape, genoux en terre, confesse son ignorance devant le trône divin, demandant seulement qu’en certains domaines historiques où il possède plus que quiconque un accès total aux sources d’information sa décision soit acceptée comme irrévocable.

George Bernard Shaw.


Exercice intellectuel : mettons-nous à la place de ceux qui, au dix-neuvième siècle, lors du premier Concile de Vatican, ont été les premiers à entendre la déclaration d’infaillibilité pontificale. Bien des catholiques ne croyaient pas alors à l’infaillibilité du Pape. Cette nouvelle déclaration pouvait-elle, devait-elle induire la croyance parmi eux ? Et la déclaration d’infaillibilité était-elle vraiment infaillible ?

Actuellement, nous comprenons que l’infaillibilité du Pape et des conciles œcuméniques consiste en déclarations définitives sur la foi et la morale impliquant l’Église universelle. Mais le terme « infaillibilité » semble s’appliquer à la vérité et à la certitude — questions epistémologiques, pour user du langage technique des philosophes. Cette déclaration a-t-elle secoué ou renforcé la foi des Catholiques ?

L’annonce initiale de l’infaillibilité prend sa signification dans le contexte de courants durables en philosophie et en théologie. En métaphysique médiévale, l’idéal était de s’appuyer sur des principes primordiaux évidents, et d’en tirer méthodologiquement les conclusions; cette approche portait aussi sur l’éthique de la loi naturelle, tout d’abord avec des principes tels que « il faut faire le bien, et se garder du mal ».

Saint Thomas et d’autres scholastiques admettaient que les secondes et tierces règles découlant de ces principes étaient parfois moins que limpides. Les réformateurs Protestants, en rupture avec la légitimité de l’autorité de l’Église, désignaient la Bible comme source de certitudes. Descartes, déçu par les « principes premiers » de la scolastique aristotélicienne, et encouragé par ce qui semblait être en rêve une directive de Notre Dame, tenta de poser les principes d’un nouveau système philosophique fondé sur la conscience intime (« Je pense, donc, je suis »).

Les empiristes britanniques ont pris la suite de la quête subjective du Cartésianisme, insistant sur « les idées claires et nettes » d’où des idées plus élaborées pouvaient être tirées. Entre temps, la physique Newtonienne devenait un modèle de certitudes, et la philosophie se mit à jouer les seconds violons de la méthode scientifique. Enfin, la croyance Darwinienne en la sélection naturelle et la survie des mieux adaptés a non seulement défié les notions philosophiques traditionnelles sur la destinée de la nature, mais a publiquement détrôné la Bible de sa position de référence en matière d’origine de l’homme, et de notion de Création.

C’est dans cet environnement culturel que survint la proclamation de l’infaillibilité pontificale. Il s’agissait évidemment d’un repère de certitudes planté comme guide parmi les doutes croissants qui pénétraient les fondements philosophiques et théologiques.

Il se peut qu’un des effets les plus forts de cette proclamation fut la remise en question de la nature de la foi. Des définitions de doctrine infaillibles pouvaient-elles vraiment servir la foi, la faire grandir, la préserver ?

Une tendance durable dans le catholicisme consiste à confondre la foi avec une acceptation intellectuelle — non seulement la Nativité du sein d’une vierge, ou l’incarnation et autres doctrines énoncées dans le Symbole des Apôtres, mais l’Assomption de la Vierge Marie et, y-compris, selon l’interprétation en 1995 par la Congrégation pour la Défense de la Foi, l’exclusion de la prêtrise pour les femmes.

On relève une nette différence entre le concept de foi attaché à ces déclarations et les notions de foi énoncées dans la Bible. L’unique « thèse intellectuelle » qu’on puisse trouver dans les Évangiles est la croyance que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu (Jean, 20:31). Cette foi est ancrée dans les promesses de l’Ancien Testament à Abraham, aux patriarches et à Moïse (Jean, 5:46) et la croyance en la promesse d’un Messie par les prophètes (Luc, 24:25). On peut voir l’Incarnation, la Nativité, etc. .. comme corollaires de ces textes.

D’autres interprétations dominent dans les Évangiles: Jésus décrit la foi du centurion Romain — certes pas fondée sur la tradition messianique — comme plus grande qu’aucune foi en Israël (Luc, 7:9). La foi qui peut « soulever les montagnes » ou inciter le mûrier à se transplanter dans la mer (Mat. 21:21, Marc 11:23, Luc, 17:6). indique une source de pouvoirs intérieurs surnaturels, ainsi que la foi permettant aux disciples de chasser les démons et de parler en d’autres langues (Marc, 16:17).

La foi qui nous permettra de recevoir tout ce que nous demandons par la prière (Marc, 11:24) et la foi en la divine providence qui nous nourrit et nous vêt (Luc, 12:28), c’est une union d’amour avec le Père, et une confiance inébranlable qui en résulte.

Jean promulgue une notion encore plus mystique de la foi quand il écrit « croyez en la lumière » (Jean, 12:36). Et dans les nombreuses occasions où la foi est citée comme préalable à la guérison (Mat. 9:2, 9:29, 15:28 – Marc, 5:36, 10:52 – Luc, 5:20, 8:48 – Jean, 11:40) la foi s’ouvre à l’accueil des dons venus de l’intervention bénéfique de Dieu.

Il peut être malaisé de donner une signification commune à toutes ces citations, mais il se peut que l’auteur de l’épitre aux Hébreux s’en approche quand il déclare que « la foi est la garantie des biens… des réalités qu’on ne voit pas. » (Heb. 11:1): elle nous mène à croire en l’existence de Dieu et qu’IL « se fait le rémunérateur de ceux qui le cherchent » (Heb. 11:6). Il semble parler d’une illumination de l’âme par l’Esprit, d’un don nous permettant de transcender le visible et le périssable. Cette illumination peut amener les chrétiens à croire en l’indéfectibilité de l’Église (Mat. 28:20) et les catholiques à croire que la faculté de « lier et délier » (Mat. 16:19, 18:18) appartient au Pape, successeur de Pierre.

Rapprochée de ce pouvoir de transcendance accordé par la foi, la déclaration d’infaillibilité se comprend mieux non comme une doctrine nouvellement promulguée mais simplement comme une reformulation, pour les catholiques fidèles, de la direction indiquée par la Barque de Pierre, à une époque où les certitudes traditionnelles sont menacées — une époque que nous vivons nous aussi.

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Howard Kainz professeur émérite à l’Université Marquette (Milwaukee, Wisconsin).

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Illustration : Le Concile Vatican I.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/understanding-papal-infallibility.html