Comment peut-on regretter l’Union soviétique ? - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Comment peut-on regretter l’Union soviétique ?

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Le Médicis essai vient de couronner un livre venue de Russie et qui témoigne que la fin de l’Union soviétique, saluée comme une victoire par les démocraties occidentales est perçue avec beaucoup plus de nostalgie par les habitants de la Sainte Russie. 9782330023478.jpg Comment ceux qui ont été martyrisés et déportés, arrachés à leurs familles peuvent-ils regretter un régime qui les a privé de toute liberté pendant 70 ans ? C’est un fait que permet de comprendre cet excellent livre salué par toute la critique dès sa parution en septembre, écrit par une journaliste, Svetlana Alexievitch, naguère soviétique et aujourd’hui biélorusse du fait du démembrement de l’Empire. Pour écrire, elle s’est mise à l’écoute et fait ainsi témoigner des dizaines de femmes et hommes qui chacun à leur manière raconte ce qu’a été pour eux cette période. Il ne s’agit pas de faits ni de chiffres précieux à l’analyse historique mais de paroles qui donnent chair à l’histoire ; souvent émouvants, quelquefois très dérangeants, ils livrent leur vécu, leur ressenti et nous restituent ce qu’a été, selon l’ambition folle des bolcheviques, « l’homo sovieticus » à qui on a demandé de renier depuis seulement 24 ans tout ce qu’a été leur vie et leur idéal. Car le problème n’est pas seulement le régime défunt mais ce par quoi il a été remplacé : le capitalisme sauvage qui a succédé sans transition à un modèle où la liberté n’existait pas. Mais la liberté est-elle un bien quand elle est corollaire d’un chaos spirituel, intellectuel et moral où l’argent est la valeur de référence absolue. La fin de l’empire soviétique, c’est aussi le fossé qui se creuse entre deux générations : les sexagénaires et plus qui ont été modelés par un patriotisme né de la Seconde guerre et qui a réuni tout le peuple autour du tyran, et celle de leurs enfants, réduits à n’être que des « homo économicus », dont la valeur se mesure à leur réussite financière, et peu importe qu’elle se fasse au détriment des plus faibles. C’est aussi et on l’oublie trop souvent l’éclatement d’un empire qui conduit les nationalismes et tout ce qui s’ensuit à ressurgir. Le livre est au final très sévère pour modèle triomphant du capitalisme libéral, et interroge sur l’impasse économique dans laquelle nous sommes enfermés. Seul bémol à l’éloge de cet ouvrage : c’est un peu long et peut-être aurait-il fallu élaguer dans les témoignages. 9782021024012.jpg Pour se réconforter, je conseille un tout petit livre très différent, écrit par Mo Yan, le Nobel 2012 de littérature, et qui dépeint la révolution maoïste et ses conséquences dans les campagnes : Le Veau est une fable hilarante qui raconte les méfaits de la révolution culturelle dans un petit village. C’est cruel mais les chinois d’aujourd’hui ne sont-ils pas déjà confrontés au même dilemme que les anciens soviétiques : le libéralisme absolu est-il la vraie solution ? La Fin de l’Homme rouge ou le temps du désenchantement, Actes Sud Littérature – Lettres russes – Septembre 2013 / 14,5 x 24 / 544 pages, traduit du russe par : Sophie BENECH Le veau, suivi de Le Coureur de fond, Point Seuil – Cadre vert, octobre 2013, Traduit par François Sastourné, 264 pages – 18.50 € TTC