Charlie Hebdo ne suffit pas ! - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Charlie Hebdo ne suffit pas !

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L’attentat contre Charlie Hebdo était une agression contre le christianisme. Contrairement aux idées reçues, les magazines qui publient des caricatures de potaches raillant la religion sont une partie du Corps du Christ – même si ce n’est que son bas-ventre. Dans une société fondée sur le profond concept chrétien de dignité humaine il y a aussi de la place pour les mauvais chrétiens et les non-chrétiens, tout comme il y en a pour les cellules des carmélites cloîtrées. La vision globale d’une société chrétienne enracinée dans le réel ne se trouve pas dans des traités monastiques, mais dans les Contes de Canterbury.

Les tentatives de « purifier » par la force les communautés chrétiennes de tout péché et de toute dissension se sont toujours terminées par des catastrophes — les « hérétiques » étant enchaînés au pilori, les juifs forcés de porter un insigne infâmant et les œuvres d’art livrées aux flammes. Ces tentatives intermittentes d’amputer le Corps du Christ de ses membres « impurs » ont semé des graines de vengeance qui ont germé en France en 1789 et en Espagne dans les années 1930. Lors du Concile Vatican II, l’Eglise a totalement renoncé à toute aspiration d’assujettir les âmes humaines au moyen du bras armé de l’Etat, en reconnaissant que la persécution religieuse est fondamentalement mauvaise tout comme l’adultère ou l’avortement.

C’est pourquoi il est écoeurant de voir certains commentateurs chercher à excuser l’assassinat des journalistes, en laissant entendre que les victimes avaient provoqué l’attentat en blessant la sensibilité des musulmans. Comme Ross Douthat l’a indiqué, toute religion qui menace de tuer ceux qui la critiquent appelle et mérite des railleries de la part des profanes, soit une espèce d’autodéfense de la part des non-croyants.

Mais même les croyants ont besoin de la liberté de se rebiffer un peu contre les exigences illimitées de la religion, d’affirmer les revendications de la vie terrestre contre ceux qui voudraient donner un sens purement spirituel à chaque petit recoin de l’existence. Ce devoir solennel de tout réprimer explique les débordements frénétiques comme le Mardi Gras, les chants profanes écrits par des moines et les plaisanteries anticléricales des dévots.

La foi chrétienne ne professe pas que dans un monde parfait nous serions tous des moines ou des nonnes et que le mariage, les affaires et la politique sont un triste compromis avec le monde du péché. De nombreux membres du clergé l’ont enseigné au fil des siècles et ont été à juste titre raillés par des laïcs taquins. C’est tout à l’honneur du cardinal John Henry Newman de l’avoir compris. Quand l’évêque Ullathorne lui demanda si l’Eglise avait besoin des laïcs, il répondit : « l’Eglise aurait l’air stupide sans eux ».

Le christianisme peut supporter les railleries et les assimiler. Dieu lui-même s’est incarné pour subir des outrages, des coups et des crachats. Notre religion représente ce même Dieu fait homme aussi bien par des statuettes en plastique que par de merveilleuses œuvres d’art. L’islam, par contre, est axé sur un être qui, selon cette doctrine, était seulement un homme, mais va ensuite jusqu’à quasiment le déifier, en considérant chacune de ses actions (même ses guerres et sa polygamie) comme le modèle de la perfection morale, et en affirmant qu’il est trop sacré pour être dépeint. C’est ainsi que les juifs, que les musulmans ont singés puis diffamés, ont traité le Seigneur – dont ils n’ont jamais représenté l’image ni osé prononcer le nom.

Mais en dépit de leur crainte du Seigneur, les juifs ont aussi pour modèle Abraham qui a marchandé et discuté avec Dieu, et Jacob dans son combat avec l’ange. Les penseurs juifs ont toujours osé affronter Dieu et lui poser des questions difficiles sur sa justice et la souffrance humaine, et plaisanter sardoniquement et hausser les épaules quand les réponses satisfaisantes tardaient à venir. D’une certaine manière, l’islam c’est le judaïsme sans le sens de l’humour.

Donc l’Eglise et l’Occident ont besoin de Charlie Hebdo. Même si la France doit aller jusqu’à défendre les bureaux de ce magazine avec des escadrons de la Légion étrangère, cela vaut vraiment mieux que de renoncer aux libertés occidentales sous la pression des gangsters barbus des banlieues.

Mais Charlie Hebdo ne suffit pas. La France a besoin de Villon, Rabelais, Molière, peut-être même de Voltaire, mais elle n’a pas été bâtie par des hommes de ce genre, ni sauvée à maintes reprises par des humoristes et des cyniques. L’espace de liberté où ces mauvais sujets pouvaient déployer leurs talents avait été peuplé, mis en ordre et magnifié par des êtres d’une autre trempe : Charles Martel, Louis IX et Jeanne d’Arc ; les paysans vendéens, les pèlerins de Lourdes, les braves poilus de Verdun et des patriotes sans retenue comme Charles de Gaulle.

En 1940, de cyniques généraux de droite décidèrent d’arrêter de défendre la Troisième République, en accueillant la victoire de l’Allemagne comme une « divine surprise », et en intronisant le maréchal Pétain (leur copain) comme le sauveur de la nation. Après de longues défaites dans les urnes, les membres de l’extrême droite française se servirent de la victoire des boches pour écraser les Voltaire de leur pays sous leur botte. Qui s’éleva contre eux ? Pas les gens de l’acabit de Sartre qui continua avec entrain à mettre en scène ses pièces pour distraire les Allemands. Pas les cadres communistes dont le maître à Moscou était encore l’allié de Hitler. Ce fut Charles de Gaulle, patriote chauvin et dénué d’humour, qui s’exila pour continuer ce combat « perdu d’avance ».

Aujourd’hui, alors qu’une idéologie tout aussi mauvaise menace la France et l’Occident, ce ne sont pas de courageux cyniques qui en viendront à bout. Ce seront des hommes et des femmes bouillant de rage devant cette attaque contre leur nation. Ils seront la principale cible des bons mots rédigés à la hâte par des adeptes blasés du multiculturalisme qui jugent la ferveur vulgaire. Mais nous le prédisons, de nouveaux De Gaulle écarteront les nouveaux Sartre, et la France et l’Occident seront sauvés.

Les Européens qui réussiront haïront la tyrannie et ses valeurs étrangères, comme la « soumission » aveugle à un capricieux dieu du désert. Mais ce qui l’emportera, c’est leur amour de leur propre peuple – français, allemand, suisse ou anglais – et de ses modes de vie traditionnels. Cet amour qui exige de l’abnégation est le fruit de grandes âmes et d’esprits vigoureux. Seules les âmes bien trempées et dotées de courage, fortitude, tempérance et prudence peuvent espérer connaître la foi ou l’amour.

Nous prions pour que ces patriotes s’abstiennent de tout acte intolérant en vertu de leur éthique chrétienne et que leur combat pour l’Occident respecte les plus hautes valeurs de celui-ci – dont la principale est la personne humaine, reflet et image de Dieu.

Illsutration : La bataille de Tours en octobre 732 par Charles de Steuben (1837)

Jason Scott Jones et John Zmirak sont les coauteurs de l’ouvrage The Race to Save Our Century.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/01/15/charlie-hebdo-not-enough/