Chantal Delsol - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

Chantal Delsol

Copier le lien

Idées

.

par Jean Étèvenaux © Acip

.

Un grand penseur reconnu : Chantal Delsol

.

Le 18 avril, juste dix mois après son élection, l’écrivain Chantal Delsol a été officiellement accueilli à l’Académie des sciences morales et politiques. L’événement est important pour deux raisons, la personnalité de celui au fauteuil — le premier dans la classe philosophie — duquel l’universitaire de Paris-Est a été élue, l’islamologue Roger Arnaldez, et l’œuvre propre du nouveau membre de l’Institut — qui va d’ailleurs prononcer son éloge le 8 décembre prochain.

Roger Arnaldez (1911-2006) était notamment très lié à l’Égypte, où il avait enseigné et exercé des fonctions culturelles. Avant d’achever sa carrière à la Sorbonne, il avait participé à des missions et à des rencontres internationales en Afghanistan, en Algérie, en Égypte, en Inde, en Iran, en Irak, en Jordanie, au Liban, au Maroc, en Mauritanie, au Pakistan, au Sénégal, en Syrie et en Tunisie. Ayant une approche très fine de la pensée musulmane, il avait été cité par Benoît XVI lors de la controverse de Ratisbonne et évidemment dénoncé par certains comme un « ennemi de l’islam ».

Chantal Delsol, elle, a surtout été dénoncée comme épouse — et donc inspiratrice supposée et complice avérée — de l’ancien ministre Charles Millon qui, comme l’a joliment écrit Denis Tillinac dans le numéro du 25 avril de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, a été « victime durant des années d’une démonologie quasi médiévale ». En réalité, elle a su développer une pensée originale, particulièrement marquée par le philosophe Julien Freund, qui allie l’analyse politique à la réflexion sur les fondements de la civilisation occidentale. Pour elle, celle-ci est fondée sur une autonomie de la personne par rapport au pouvoir et sur une nécessité de construire celui-ci sur la singularité — qui s’appuie sur le christianisme — et sur son expression politique et sociale, la subsidiarité — ne rien laisser à l’échelon supérieur de ce qui peut être accompli à un niveau plus proche des citoyens.

Quelques titres expriment la pertinence des analyses de Chantal Delsol. Ainsi son Essai sur le pouvoir occidental : démocratie et despotisme dans l’Antiquité, Le principe de subsidiarité, L’irrévérence, essai sur l’esprit européen, Éloge de la singularité, essai sur la modernité tardive — réédité l’an passé en livre de poche à La Table ronde — , La République. Une question française ou La grande méprise, Justice internationale, gouvernement mondial, guerre juste…

En outre, c’est un écrivain de grande classe. Elle s’est parfois inspirée de situations familiales, comme dans L’enfant nocturne ou, tout récemment, L’expédition Janus (Le Rocher, Monaco, 2008, 156 pages) — où se cache la figure de son père, le biologiste Michel Delsol, qui vient lui-même de sortir une passionnante mise au point, Darwin, le hasard et Dieu (Vrin, Paris, 2007, 144 pages). Elle a parfois retranscrit des expériences politiques : Matin rouge. Elle a aussi créé de toutes pièces des situations romanesques : Quatre. Dans tous les cas, elle retient l’attention du lecteur, qu’elle emmène avec sobriété, précision et à-propos vers son but final.

Elle n’a jamais dédaigné les ouvrages collectifs : on songe à ses remarquables Histoire des idées politiques de l’Europe centrale et Mythes et symboles politiques en Europe centrale, écrits avec Michel Masłowski. Elle vient aussi de publier, avec Mathieu Grimpret, un très utile et très nuancé recueil : Liquider mai 68 ? (Presses de la Renaissance, Paris, 2008, 300 pages) — qu’on peut comparer à la réédition des textes d’Edgar Morin, de Claude Lefort et de Cornelius Castoriadis sortis sous le titre Mai 68 : la Brèche, suivi de Vingt ans après (Fayard, Paris, 2008, 306 pages) ou à la vision très nostalgique de Dominique Grange et Tardi dans 1968-2008… N’effacez pas nos traces ! (Casterman, Parsi, 2008, 80 pages).