Célébration du peintre Georges Brunon en sa partance vers la Maison du Père - France Catholique
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Célébration du peintre Georges Brunon en sa partance vers la Maison du Père

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Le cercle des vivants se rétrécit à nouveau autour de moi, malgré l’augmentation régulière du nombre des êtres humains sur cette planète : un ami poète, Francis Coffinet, m’a fait savoir hier que le peintre George Brunon venait de franchir, à 91 ans, la frontière qu’un de nos philosophes chrétiens, Gabriel Marcel, nommait « le petit ruisseau » et que le Christ désigne comme étant « la Porte étroite », devant et derrière laquelle Il se tient. La cérémonie a été célébrée au Couvent Saint-Jacques dans le XIIIe arrondissement de Paris.

Je le connaissais depuis longtemps : une de mes anciennes relations avait acheté, en 1960, un grand tableau de lui, tout à fait saisissant, ce qui m’avait fortement incité à découvrir son œuvre… En ces années-là j’avais commencé de rendre compte aussi bien de spectacles de théâtre que d’expositions de peintres dans l’hebdo La Nation-Française. Le premier sur ma liste fut Philippe Lejeune… Quant à Georges Brunon, par chance, il venait d’entrer à la Galerie de Presbourg cette même année : elle présenta de lui en 1961 une fort belle et efficace exposition, qui me fascina. J’ai cherché si mon compte-rendu était présent dans mes archives : hélas, il reste introuvable.

Il me faut insister sur la totale indépendance de Brunon par rapport aux diverses modes sévissant à Paris ainsi que la guerre intellectuelle qu’il mena, depuis nombre d’années, contre le totalitarisme des adeptes de l’« art conceptuel ». Il alla son chemin avec une détermination qui, au total, lui a permis de partir en nous laissant une œuvre d’une authenticité indubitable.

J’ai fréquenté longtemps son atelier parisien, rue de la Glacière, mais depuis trois ans son téléphone ne répondait point et le concierge me fit comprendre, il y a peut-être un an et demi, qu’il n’y venait plus. Ne recevant aucune nouvelle, je craignais qu’il ne fut malade, peut-être mort : ce qui a fini par survenir.

J’ai présenté son œuvre de peintre au Centre culturel de Troyes dont je fus un temps le directeur (de 1974 à 1982) et, quelques années après (en 1997), recommencé avec un second artiste peintre que j’aime tout autant, Michel Biot. Œuvres chacune très autonome mais qui s’accordaient dans la grande et belle église servant de chapelle à l’Université des Métiers manuels…

Le critique M.F. Waser fut étonné par « la parenté indéniable qui existe entre ces deux peintres qui ne se sont pourtant jamais rencontrés » ainsi que par « l’énergie, la force primitive de toiles toutes consacrée à la ‘’Célébration de la nature’’ ». Il ajouta : « Autre similitude entre ces deux ‘’célébrants’’ de la nature, leur spiritualité qui les distingue de leurs confrères ‘’minimalistes’’ ou ‘’conceptualistes’’. Enfin des artistes dont l’intelligence n’étouffe pas le cœur ».

Tous les deux furent présents par leurs toiles à Ambierle, site clunisien dans le Forez ; j’avais rassemblé en l’été 1997 au sein du Prieuré une douzaine d’artistes de la région parisienne et aussi de Troyes qui me prêtèrent près de deux cents œuvres. Deux expositions, l’une de tableaux d’inspiration profane, présentés dans les annexes du Prieuré, l’autre d’œuvres sacrées insérées dans la nef de l’abbatiale. Mes deux aînées me prêtèrent mains fortes ainsi que les quatre élèves de mon court du Conservatoire de Troyes, car le nombre de visiteurs dépassa notre espoir, c’est-à-dire la venue de plus de neuf mille amateurs sur deux semaines.

J’ai, cela va de soi, une grande admiration pour le talent très fort de Georges, sans oublier ses qualités d’écrivain, de poète et de philosophe ; c’est ainsi que mes Cahiers Bleus eurent le bonheur de publier deux recueils de ses poèmes : l’un nommé « Au soir et au matin », l’autre « Les noces du cerisier ». Chacun de ces recueils était accompagné de fort beaux dessins. Ici, célébrer ce talent particulier et admirable. Il cherchait à donner à ces tracés une vigueur et un mouvement qui ouvrait le regard sur l’espace.

Il y a quelques mois j’ai mis sur mon site « Parvis des Alliances » un petit dossier le concernant, avec l’espoir que je pourrai le compléter peu à peu, avec notamment l’aide de qui voudra bien participer à cet enrichissement nécessaire de textes critiques ou amicaux, de reproductions couvrant toutes les années où il œuvra avec passion et patience…

Pour l’instant ce site porte le titre « Dessins de G.B. », mais j’espère que rapidement ce sera simplement « Œuvres de G.B. »… J’y insèrerai les textes de Waser (et de bien d’autres) : le lire, dans le Parvis des Alliances, sous le titre « Les hymnes à la nature de Michel Biot et Georges Brunon » ainsi que sa présentation par le responsable de la Galerie Lee, qui fut son dernier havre de peintre.

Il sera bon de consulter le site de la Fondation qu’il a créée en vue de remettre la création au cœur de l’activité humaine.

Pour conclure cet hommage, combien je puis avouer ma tristesse, notamment de ne pas avoir réussi à le retrouver en ces derniers mois et donc de n’avoir pas pu l’accompagner, si peu que ce soit, en ces derniers jours.

Dominique DAGUET