Ascension - France Catholique
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Saint Benoît, un patron pour l'Europe
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Ascension

Traduit par Pierre

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Il arrive qu’on s’intéresse à certains livres, puis qu’on les mette de côté. Si on tombe dessus quelques années plus tard, ils semblent souvent moins conséquents que le souvenir qu’on en avait. D’autres, par contre, tout comme un bon vin, gagnent à prendre de l’âge. Ou bien, est-ce le lecteur qui a mûri et prend mieux la dimension de l’ouvrage ?

Suivant la providentielle suggestion d’un ami, je me suis replongé dans Liturgie de source par Jean Corbon. Comme je note la date et le lieu de ma lecture sur la page de garde de mes livres, je constate que j’ai lu cet ouvrage en novembre 1988. (Une réédition plus récente est parue chez Ignatius Press).

Sa relecture cette année à l’occasion des fêtes pascales fut rien moins qu’une révélation. Tout se passait comme si ce que j’avais peiné à exprimer théologiquement et par la voie pastorale lors des années précédentes se révélait d’un coup, don précieux apporté par le splendide ouvrage de Jean Corbon.

Jean Corbon, dominicain français, a passé une longue partie de sa vie au Liban, où il fut prieur du diocèse grécocatholique, et enseigna la liturgie à Beyrouth. Il a fortement influencé la présentation de la liturgie dans la deuxième partie du Catéchisme de l’Église catholique : « Célébration du Mystère Chrétien ». Il fut également un des auteurs de la Quatrième partie du Catéchisme : « La prière du Chrétien » qu’il rédigea dans Beyrouth attaquée, travaillant parfois sous les bombardements.

Liturgie de source révèle la vie profonde du Dieu Trois en Un, vie féconde coulant du Père, du Fils, et de l’Esprit Saint. C’est cette vie intime qui implique la mise en forme de la Liturgie dans l’Église, tout particulièrement par le Sacrement de l’Eucharistie. Ciel et terre s’y rejoignent, illuminés par l’ascension du Christ portant l’humanité au sein même de la Divinité.

Par son Incarnation, Jésus-Christ unit divinité et humanité. Par Son Ascension il entraîne l’humanité auprès de Dieu. Pour Corbon, l’Ascension est le tournant décisif… le début d’une nouvelle ère : la liturgie des derniers temps. Cette liturgie eschatologique est célébrée en sa plénitude par le Christ monté siéger à la droite du Père. Mais elle est célébrée sur terre in via, en vérité par ce sacrum convivium in quo Christus sumitur : le saint banquet où on reçoit le Christ. Liturgie en ce bas monde, inséparable : memoria passionis ejus et pignus futurae gloriae, souvenir de la passion du Christ et promesse d’un glorieux futur.

C’est là que passé, présent et futur convergent, trouvent leur ultime chemin et s’accomplissent dans la montée du Christ. Car il est en personne l’eschatos : l’ultime Adam, humanité voulue par Dieu et réalisée en définitive par le Christ, Fils bien-aimé.

La grande mosaïque de l’Ascension du Seigneur dans l’abside des basiliques anciennes inspire à Corbon ce commentaire : « Lorsque les fidèles se réunissaient pour célébrer et devenir le corps du Christ, ils voyaient leur Seigneur à la fois présent et de retour. Il est la tête menant son corps vers le Père tout en lui donnant vie par Son Esprit. »

Si nos célébrations sur terre semblent médiocres, ce peut être moins dû aux cantiques sentimentaux ou aux traductions (hélas lamentables) qu’à un manque d’attention au message du Christ porté par l’Esprit.

Car le message de l’Ascension se perpétue et ne sera parfait que par l’union totale du corps des fidèles avec leur guide. Il est donc périlleux, sinon perfide, de séparer dans la catéchèse comme dans la liturgie (tant dans nos cœurs que dans nos esprits) la Pentecôte de l’Ascension. Car l’œuvre de l’Esprit est exactement de nous assimiler au Christ. Les forces de l’Esprit se consacrent à promouvoir la Christianisation, transfigurant l’humanité et le monde entier vers le Christ, au plein sens, selon Paul, de en Christos. La Liturgie de source n’a pas d’autre but.

Jean Corbon insiste : l’Ascension représente le retour perpétuel du Christ. Il n’y a peut-être aucun témoignage véritable et authentique plus puissant que dans l’Apocalypse. C’est Jésus élevé au ciel qui vient dire les mots d’encouragement, d’exhortation et de jugement pour les Églises. Il n’est pas un lointain seigneur, Il est présent, Lui qui revient toujours.

S.S. François a récemment publié une Exhortation Apostolique, Gaudete et Exsultate, inspirée (d’urgence) par le Chapitre cinq de la Constitution du Concile Vatican II sur l’Église, Lumen gentium. Ce chapitre, comme l’Exhortation, traite de l’appel universel à la sainteté pour tout le peuple de Dieu.

Ma suggestion : il nous faut absolument retrouver et nous concentrer sur un chapitre hélas trop négligé de Lumen gentium : le chapitre sept sur « le côté eschatologique de l’Église en marche en union avec L’Église du Ciel ». Il nous faut reconstruire l’imagination catholique eschatologique : reconsidérer l’Ascension de Jésus-Christ comme un préambule à la transfiguration de l’humanité et envisager l’aspect cosmique des conséquences de cet événement fondamental.

Jésus-Christ, vivant par Sa Résurrection, règne en vertu de Son Ascension. Ainsi, reconnaître et célébrer l’Ascension comporte inévitablement un aspect politique, même si on déguise cette célébration par des mini-messes inconsistantes et des cantiques insipides.
Noyée dans le jargon et la médiocrité de notre société actuelle, et sa prétendue culture, l’Ascension proclame une parole de promesse et incite à une action généreuse et à une attitude de contemplation.

L’espérance eschatologique et l’imagination des premiers chrétiens se trouvent de façon poignante dans la prière à la fin de la Bible, dans l’Apocalypse : « Amen, viens, Seigneur Jésus ! » Quel que soit le lieu d’où montent nos cœurs vers le Seigneur, l’antique Laodicée (Turquie) ou la moderne Los Angeles, nous découvrons, avec Corbon, que l’espace authentique pour un cœur en prière se trouve dans l’événement de l’Ascension.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/05/10/ongoing-ascension/