Appelés à la communion - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Appelés à la communion

Traduit par Bernadette Cosyn

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Il y a un problème avec beaucoup d’apologétiques catholiques contemporaines. Cela donne quelque chose comme cela : la doctrine protestante A est fausse parce qu’elle est basée sur une mauvaise interprétation des Ecritures ; si les protestants interprétaient correctement les Ecritures, ils reconnaîtraient que la doctrine catholique B est meilleure. Et à ce propos, comme corollaire, sola scriptura, la clarté de l’Ecriture, toutes les autres doctrines protestantes sur l’Ecriture sont également fausses pour différentes raisons scripturaires, théologiques et historiques.

Ici, le dilemme est que les apologistes catholiques entament en réalité le débat en termes protestants, s’engageant dans des débats hautement techniques sur les nuances de l’exégèse biblique. Pourtant, si les catholiques ont raison et que les doctrines protestantes sur l’Ecriture sont erronées, nous tournons en rond. Nous pouvons faire mieux.

Le livre récemment publié de Trent Horn (The case for catholicism : answers to classic and contemporary protestant objections – Plaidoyer pour le catholicisme : réponses aux objections protestantes classiques et contemporaines) succombe par moments à ce dilemme apologétique. Horn mérite de nombreuses louanges pour son approche érudite et méthodique des données bibliques, théologiques et historiques. Toute personne intéressée à comprendre les plus solides critiques protestantes du catholicisme et leurs réfutations point par point tout aussi solides tireront bénéfice de ce livre.

Malgré tout, Horn, comme de nombreux protestants convertis au catholicisme, est coupable d’une certaine « protestantisation » de sa méthode apologétique. L’objectif sous-jacent est de persuader les protestants que le catholicisme est plus biblique qu’aucune théologie protestante. Tout érudit ou théologien catholique digne de ce nom sera d’accord, évidemment. Persuader un protestant est une autre paire de manches, surtout étant données les divergences significatives concernant les propositions philosophiques de base qui sous-tendent la discussion toute entière.

Par exemple, dans son chapitre sur le canon du Nouveau Testament, Horn argumente que « tandis que la Bible nous dit de tester toute chose (1 Thessaloniciens 5:21) et nous donne même des éléments d’analyse pour déterminer si un prophète est véridique (Deutéronome 18:21-22), elle ne nous dit jamais de prier et de nous fier à notre ressenti pour déterminer si un certain écrit est inspiré. »

L’hypothèse non exprimée ici est que si des catholiques et des protestants s’assoient ensemble, ils pourront déterminer « la pleine signification » de la Bible et que la Bible est un texte que les deux parties abordent avec un certain degré de détachement objectif. Pourtant, ailleurs, Horn fait un super boulot démolissant sola scriptura. Un lecteur réfléchi pourrait se demander : cela vaut-il la peine ou non de débattre d’interprétation scripturaire ?

Je contribue au site web catholique « Called to Communion » (Appelés à la communion), dont le public ciblé est constitué de protestants réformés. J’ai passé beaucoup de temps sur le front à débattre de tel ou tel passage des Ecritures. Je n’ai généralement pas trouvé les protestants persuadés par cette approche. En outre, le chassé-croisé sur les complexités des exégèses scripturaires fatigue rapidement.

J’aimerais présenter brièvement une approche différente, une qui emprunte sérieusement au philosophe de Notre-Dame Alasdair MacIntyre et cherche à comparer les « paradigmes interprétatifs » des protestants et des catholiques, ou les manières de comprendre leurs croyances, leurs traditions ou leur lecture des Ecritures.

Comme je l’ai dit, Horn fait un excellent travail en critiquant la sola scriptura tout comme la conception protestante de la constitution du canon biblique. Par exemple, les apologistes protestants ne pratiquent pas vraiment le principe de « uniquement la Bible » : beaucoup d’entre eux, y compris des érudits ayant étudié les Ecritures, croient que des vérités de la foi chrétienne viennent de la Tradition plutôt que des Ecritures.

Par exemple, la croyance que la révélation générale s’arrête à la mort du dernier apôtre, tout comme la tradition du canon des Ecritures. Je souhaite que Horn continue de tirer sur cette ficelle. Il a exposé un problème fondamental avec le paradigme interprétatif protestant, ou PIP.

Le PIP est fondamentalement en désaccord avec l’expérience humaine. Pourquoi ne pourait-il y avoir à la fois l’Ecriture Sainte et une autorité magistérielle ? L’idée d’un canon de textes inspirés présuppose qu’il y a un corps ayant autorité capable de le reconnaître et de le définir, un corps qui ne se trompe pas sur les questions essentielles c’est-à-dire un magistère.

En outre, il y aura indubitablement différentes interprétations de ces textes, certaines légitimes, et d’autres non. Seul un magistère peut procurer un frein à l’inclination humaine à un chaos interprétatif et organisationnel total.

Le jugement protestant de « recevoir » le canon des Ecritures d’une manière non magistérielle est une tentative de créer un paradigme qui limite l’entremise humaine dans la compilation des Ecritures. Ce qui a du sens, étant donné la croyance théologique protestante particulière à la justification, qui oblitère effectivement l’entremise humaine.

Pourtant, comme argumente l’ancien pasteur luthérien devenu catholique Richard John Neuhaus : « l’Eglise n’est pas une école théologique de pensée ou une société construite par allégeance à des formules théologiques – pas même des formules comme « la justification par la foi ». L’Eglise, dans toute lecture équitable de son histoire, a plutôt été définie en son cœur par l’ecclésiologie (c’est-à-dire les évêques) et par sa liturgie (c’est-à-dire l’eucharistie).

Et vraiment, c’est franchement étrange que l’Eglise du seizième siècle ait eu de grosses pertes en raison de l’obscure doctrine sur la justification. Spécialement quand le système de croyance protestant propose que les individus chrétiens puissent en quelque sorte surmonter le fossé linguistique, culturel et historique existant entre eux et les écrivains de la Bible en vue de comprendre sa « pleine signification » sur la justification. Cela en dépit du fait qu’il y a d’autres chrétiens autoproclamés cherchant à accomplir exactement la même tâche et qui arrivent à des interprétations diamétralement opposées.

Le compte-rendu du PIP sur les Ecritures et l’Eglise est donc fondamentalement de rupture : rupture de la liturgie, rupture du Corps du Christ, rupture de foi et rupture d’autorité.

Le paradigme interprétatif catholique (CIP) en revanche, est intrinsèquement cohérent, offre la compréhension des Ecritures, de la Tradition et de l’autorité la plus cohérente, et est par nature logique dans ses croyances et ses pratiques.

Ses interprétations des Ecritures sont vraies et justifiables, oui, mais cela demande trop d’efforts pour le prouver. Une critique ferme du PIP expose rapidement à des dilemmes inéluctables et insolubles au sein du protestantisme.

Une description ultérieure de la façon dont le CIP aborde et résout ces dilemmes remettra les choses en place et permettra en temps voulu, Dieu aidant, que les protestants ouverts d’esprit et conduits par l’Esprit-Saint retrouvent le chemin de Rome.

Du moins, cela a été le cas pour moi, et pour les nombreux anciens protestants (pasteurs, théologiens et séminaristes) qui ont été convaincus par le travail de « Called to Communion ».


Casey Chalk est un des rédacteurs du site internet œcuménique « Called to Communion ». Il est également diplômé de théologie.

Illustration : la couverture du livre évoqué dans l’article

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/04/07/called-to-communion/