Allez paisiblement - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Allez paisiblement

Traduit par Isabelle

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«  Aucun doute, l’univers se déploie comme il le devrait », comme l’écrit Max Ehrmann dans son poème en prose « Desiderata » (des années 1920), auquel on a été abondamment exposé pour peu qu’on ait grandi comme moi dans les années 1960. L’auteur et son poème sont originaires de l’Indiana, et non de l’ancien Proche Orient, et pourtant par moments, le vent a toujours l’air de souffler de là-bas.

Il ne s’agit pas d’un poème catholique, mais pas non plus méthodiste allemand comme l’était Ehermann, ni hippie comme je l’ai cru tout d’abord. Il est moderne dans un sens multiculturel limité : il est compatible avec à peu près n’importe quoi, et potentiellement tout à fait inoffensif : Un appel palpitant à l’inaction.

Comparons-le, si le gentil lecteur le veut bien, au poème de Ruyard Kipling « If », qui, grâce à l’habileté lumineuse de mon grand-père paternel, est pendu au mur de ma salle de bains depuis mon enfance.

Il n’est pas catholique non plus, plutôt quelque peu païen dans son rythme. Mais indubitablement, il est noble dans ses conseils sur comment être un homme. Il nécessite aussi de la part du lecteur une certaine distance, un désengagement. Le monde est ce qu’il est, et on n’a qu’à se tenir debout tranquille, libéré de ses corruptions.

Chacun des deux poèmes met en garde contre la vanité de la vantardise, ou de « l’affichage de la vertu », dirons-nous pour faire plus moderne.
Mon père dans sa manière personnelle d’être moderne, était très strict là-dessus. Bien que n’étant pas ouvertement religieux, et certainement pas catholique, il nous a sensibilisés à l’idée que « Dieu regarde » que « Dieu est dans les détails », qu’on devrait « aller avec Dieu ». Car « nous avons confiance en Fieu ».

Par méfiance de ce qu’il trouvait être la  culture de l‘autopromotion, empirant chaque année, papa a proposé une déclaration d’indépendance toute personnelle- c’est-à-dire déclarée seulement à soi-même. Fais les choses comme des fins en soi, et non comme un moyen de promotion personnelle. Face à l’adversité, endure calmement et stoïquement.

Sois toujours prêt, comme un scout, mais garde tes préparations pour toi. Quand viendra le temps de faire quelque chose, sois prêt-oui-prêt pour l’épreuve, mais pas pour en faire un spectacle.

L’Amérique du nord où sont nés des anglophones s’est construite sur de tels aphorismes.Et, de ce que j’ai pu détecter quand j’allais à l’école, les romains de l’antiquité qui parlaient latin étaient équipés de la même façon. Dans les deux cas, on « pratiquait sa religion » dans sa forme extérieure, ponctuellement par disposition, mais aucun des deux n’était porté vers une religion mystique. Une rectitude aveugle était prisée dans les deux cas.
J’écris ceci un 4 juillet, comme loyaliste moderne de l’empire uni. De notre point de vue, c’était une guerre civile, que nous avons perdue, et nombreux sont ceux qui ont fui en exil. Les familles ont été déchirées par la politique, frère contre frère, mais cela n’a pas changé le fait que nous sommes tous américains, avec des attitudes typiquement « yankees » qui ont duré au long des années. Nous aimions tous la liberté civile, et détestions qu’on nous marche sur les pieds.

Récemment, j’ai proposé qu’on change un slogan de propagande électorale en : « Rendre à nouveau l’Amérique chrétienne ». Certains lecteurs catholiques n’en n’ont pas été satisfaits, mais, comme j’ai dû le leur expliquer, « rendre l’Amérique catholique » ne serait pas un retour à la tradition, mais une véritable révolution.

Excepté au Québec, l’élément catholique est arrivé par l’immigration, généralement pauvre, mal lavée, et désespérément ethnique. Elle s’est assimilée aux normes protestantes. Parmi ceux qui sont en déclin, beaucoup de catholiques américains me frappent davantage comme post-protestants que comme post-catholiques en esprit, avec juste un petit relent de vieux ressentiment minoritaire.

Ceux qui ne sont pas en déclin représentent un nouveau départ. Encore une fois, j’observe cela depuis mon propre point de vue, qui est limité, mais je dirais avec pas mal d’audace que sur ce continent, (à part Mexico, mais désormais en incluant le Québec) la majorité des catholiques fidèles sont des convertis, ou des « revenus » d’une famille qui n’était catholique que de nom. En majorité, ce n’est plus un phénomène ethnique.

Et là où nous investissons les vieux aphorismes protestants, il ne s’agit pas de nostalgie. Nous ne faisions pas partie de la classe dirigeante, et ne nous identifions pas à la classe dirigeante actuelle, post-protestante et politiquement correcte. Ce que nous lisons dans l’ancien Desiderata, ou le vieil « If » , ce sont les traits caractéristiques de la civilisation occidentale au sens large qui a engendré l’Amérique entre autres choses.

On pourrait dire que nous sommes la minorité d’une minorité qui diminue ; Notre nombre n’est pas vraiment impressionnant. Mais comme j’écris en tant que catholique, je voudrais souligner que les nombres n’ont jamais été impressionnants. Le monde ne fonctionne pas ainsi. Ceux dont la foi est immuable ont un pouvoir qui dépasse toute analyse statistique.

« Renonce à tout tes biens et suis moi » n’a aucun rapport avec le système américain, à mon avis. A la place s’est installée une merveilleuse générosité que le reste du monde a toujours tendance à remarquer, et chaque fois que c’est possible, à exploiter. Mais l’idée qu’il « est glorieux d’être riche » fait tout autant partie du rêve américain qu’il est devenu celui de la Chine rouge.
Prenez note de ceci : un jour ou l’autre, il y aura un test.

L’éthique de la vieille Amérique du nord adoptait le type « fort et silencieux », mais ne s’est pas rendue accessible à la persécution. Nous avons été constamment un peuple fier, et notre patriotisme est fondé – regarde- moi prendre des risques, ici – en définitive sur le même « orgueil 1» investi maintenant dans les mouvements homosexuels et transgenres.
C’est un trait universel, parmi les hommes déchus : cette demande d’être célébrés, avec tous leurs défauts, de s’enorgueillir même de leurs perversions, de nous identifier comme l’avant-garde, le type même d’un bien que nous aurions légalisé, d’une vérité que nous définirons pour nous-mêmes.

Inutile de dire que ceci est plutôt le contraire du penchant catholique. (Et ce qui est « inutile à dire » devrait être dit constamment de peur d’être perdu.)
C’est cela que je trouve si intéressant dans le « renouveau » catholique qui se produit dans les districts les plus inattendus d’Amérique ; aussi bien ruraux qu’urbains. C’est tellement peu américain, dans son défi aux idéaux séculaires et bien établis. Et en même temps, c’est tellement américain dans sa sincérité et sa générosité.

C’est comme si d’une certaine manière, Dieu était derrière tout cela, aimant l’Amérique comme Il l’aime !

https://www.thecatholicthing.org/2019/07/05/go-placidly/

5 juillet 2019