A propos de la crise des Scouts d'Europe - France Catholique

A propos de la crise des Scouts d’Europe

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Mystique et politique

A propos de la crise des scouts d’europe

Le temps de l’exemple et le prix de la paix

L’actualité rappelle Charles Péguy qui constatait, navré : « tout commence en mystique et finit en politique »(Notre jeunesse) Il semble qu’il en soit ainsi de toutes les grandes causes, la mystique, c’est quand on est prêt à se sacrifier pour elles, quand on meurt pour elles ; la politique, c’est quand on en vit, quand on en fait l’instrument de sa réussite. On pense à la deuxième tentation du Christ.

Dans la crise qui secoue aujourd’hui les Guides et scouts d’Europe, il est bien difficile, vu d’en bas, de savoir qui a tort ou qui a raison. On s’’inquiète seulement du sort fait à l’esprit scout et à la fraternité qui le caractérise.

Est-il permis d’exprimer librement, dans une revue du mouvement, ce qu’on en ressent, après une expérience de 38 ans ? Une expérience qui a coûté à son auteur bien des incompréhensions sinon des persécutions.

Que sait-il de la situation ?

Que s’est déroulée une assemblée générale présentée comme « houleuse » mais qui a cependant approuvé à la majorité le rapport moral de l’équipe en place. Majorité réduite qui a entraîné ( ?) le départ d’un président qui n’avait pas besoin du mouvement pour se faire connaître.

Que le Conseil d’administration, issu de cette AG, a élu un nouveau président dont il ne sait rien et que ce Conseil, ou du moins, une partie de ce Conseil, a accepté de se saisir d’une question, hors ordre du jour, concernant l’urgence de remplacer les commissaires généraux. Pour quelles raisons ? On n’en dit rien, laissant supposer qu’elles sont assez graves pour interrompre brutalement un mandat qui était voisin de son terme et pour faire silence sur le ou les motifs. S’agirait-il de protéger la réputation des « accusés » ? Mais le doute n’est-il pas plus inquiétant encore ?

Dirais-je qu’on est à la fois perplexe et indifférent ?

Perplexe, parce qu’on s’étonne de difficultés qui n’ont rien à voir avec celles qu’on rencontre à la base et qu’on trouve quasiment miraculeux que des remplaçants aient été si vite trouvés pour des postes réputés difficiles. Mais le scout n’est-il pas toujours de service pour rendre service ?

Dans une longue lettre que j’ai eu l’honneur de recevoir, la nouvelle équipe fait savoir que la justice qui avait été saisie par ses prédécesseurs, a conclu en sa faveur, assortissant sa décision de dommages et intérêts que l’élégance sinon l’esprit chevaleresque, lui commande évidemment de refuser.

En évoquant une certaine indifférence de la base, il est difficile de ne pas faire allusion à la manière dont est perçue la hiérarchie, depuis plusieurs années, par les unités. Etouffée elle même par les exigences d’une réglementation dictée par une application rigoureuse du principe de précaution, elle apparaît plus souvent comme un frein que comme un moteur. Sans doute ses membres n’oublient-ils pas leur responsabilité d’animation, mais le fait est qu’elle n’est guère ressentie à la base. Son pouvoir pèse plus que son enthousiasme n’entraîne. Alors la tentation est grande de dire : une équipe ou l’autre, quelle importance !

C’est bien dommage évidemment, d’autant que la contagion atteint le comportement des jeunes chefs eux-mêmes par le biais des différents camps de formation. D’année en année, depuis 38 ans, je constate cette évolution. Un phénomène encore aggravé par les NTIC. Mails et téléphones portables peuvent-ils remplacer les contacts ? On « gère » sa troupe ou sa compagnie. Il était donc bien vrai d’écrire (N. Frye) que le triomphe des communications, c’est la mort de la communication.

Ajouterai-je deux autres remarques d’inégale importance ?

La première que les jeunes « brevetés » reviennent dans leurs unités plus convaincus d’inventer enfin le scoutisme que d’en garder l’héritage.

La seconde qu’ils souffrent en général d’une ignorance religieuse abyssale et qu’on n’a pas l’air de s’en soucier avant de leur confier une responsabilité d’éducateur chrétien. Une telle responsabilité demande pourtant bien autre chose que de la piété.

Quoi qu’il en soit de ces difficultés et de ces réserves, 38 ans de pratique me laissent convaincu de la valeur éducative d’une méthode à laquelle l’Eglise fait confiance, depuis Pie XI, en 1939 pour contribuer à former ses élites pour l’avenir. La crise invite les uns et les autres à revenir à l’essentiel : le devoir du scout commence à la maison scoute. Or de loin, j’ai du mal à trouver, dans les comportements, la trace des principes et de la loi.

A la base, les scouts et les guides, les routiers et les guides ainées, les chefs et cheftaines attendent l’exemple d’une réconciliation solennelle et sans arrière- pensée, une réconciliation généreuse et loyale, plus éloquente que tous les discours. C’est « incontournable » comme on dit, si l’on veut éviter que le mouvement ne se perde dans des « courants » dont on peut voir ailleurs le rôle destructeur.

Merci Péguy de nous avertir : « tout parti vit de sa mystique et meurt de sa politique »

Hyacinthe-Marie HOUARD

VOIR AUSSI :

http://www.libertepolitique.com/public/decryptage/article-2143