À propos de faits et de vérités - France Catholique

À propos de faits et de vérités

À propos de faits et de vérités

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Le 30 décembre 1996, le Croyez-le ou pas de Ripley contenait le sujet suivant : le Sky Dome de Toronto utilise plus de quinze kilomètres de fermetures éclair pour fixer son gazon artificiel. De manière cavalière, je ne parviens pas à imaginer quelqu’un demandant à une autre personne : « Au fait, George, combien de milliers de zips y a-t-il dans le stade de Toronto ? ». Mais bien sûr, si j’étais le fabricant des zips ou du gazon artificiel, l’information ne serait pas hors de propos.

Les capsules des boissons Snapple affichent de nombreux morceaux d’informations inutiles. « Plain Fact #887 » nous dit : « La Vallée des Arbres Carrés, à Panama est le seul lieu connu au monde où les arbres ont des troncs rectangulaires. » Cette information, je l’avoue, me fait me demander : « Pourquoi carrés et pas ronds ? » Évidemment, chaque exemple d’information inutile peut soulever dans nos esprits le même « Pourquoi ? » de curiosité. Une relation entre n’importe quel fait et l’esprit semble évidente.

L’information complètement « inutile » n’existe pas. Aujourd’hui, plus de la moitié de la population mondiale dispose d’un petit moyen portable. En un instant, celui-ci permet de connaître la température du moment à Perth, en Australie, le vainqueur de la « World Series » de 1934, ou quand la Grande Muraille de Chine a été construite.

Les conversations de table reviennent fréquemment sur qui peut trouver le plus rapidement une information. La réponse à la question piège de qui était le vice-président de Millard Fillmore est à la portée de toutes les mains. Nous transportons avec nous des informations qui pourraient remplir la plupart des bibliothèques. De tels instruments nous font nous demander si les bibliothèques ne sont pas obsolètes.

Et pourtant, lorsque nos têtes (ou nos mains) sont pleines de « faits », est-ce que nous « savons » pour autant beaucoup de choses ? Y a-t-il une différence entre un « fait » et une « vérité » ? Le mot « fait » vient du participe passé du verbe latin facere, faire ou fabriquer. Un « fait » est ce qui est fait ou fabriqué. Dans ce sens, le mot même est un « fait ». Il est là, qu’on le veuille ou non. Les « faits » sont des choses contre lesquelles nous nous « cognons », des choses qui ne peuvent pas être autrement. Mais ils changent selon un certain ordre. Les chiens ne font pas des chats.

Le premier objet de l’éducation est-il d’apprendre des « fait » ? La plupart des livres de sciences nous diront que la vie humaine commence au moment de la conception. C’est un fait, cela n’a guère de sens de le nier, à moins que nous ne choisissions de nous abuser nous-mêmes sur ce qui est, quelque chose que nous pouvons faire librement.

Initialement, un fait est quelque chose que nous méditons. Un fait ne devient une « vérité » que lorsqu’il est affirmé à un esprit qu’il est ce qu’il indique être. La vérité regarde la réalité du point de vue du « vide » initial de nos esprits vis-à-vis de l’abondance et de la variété que l’on trouve dans l’univers.

Nous sommes nés avec un esprit. Il n’y a rien dedans (tabula rasa) jusqu’à ce que l’on y mettre quelque chose, jusqu’à ce que nous affirmions ou nions qu’un fait est ce qu’il est.

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Le terme « vérité » signifie que ce qui nous est extérieur est désormais assimilé en nous. Nous « devenons » ce qu’il est dans l’ordre de la connaissance. Nous le possédons parce que nous le connaissons et affirmons que ce qui est là est vrai. Sauf si nous agissons dessus, notre connaissance de quelque chose ne change pas la chose connue. Elle ne fait tout simplement qu’apparaître telle qu’elle est. Mais la connaissance nous transforme en nous rendant conscient de l’existence de ce qui ne fait pas partie de nous. La connaissance de ce qui est vrai nous restitue le monde.

Fait intéressant dans ce contexte, le Christ, qui est désigné comme le Verbe dans la Trinité, a énoncé deux déclarations mémorables à propos de la vérité : 1) « La vérité vous rendra libre. » 2) « Je suis la Vérité. ». Notre liberté suit la vérité, elle ne la constitue pas. Si le Christ est la vérité, ce qui suit est une relation entre de qu’Il est et ce qu’est Son Père.

« Au commencement était le Verbe. » Toute vérité en tant que vérité est reliée avec « Je suis la Vérité ». Toute liberté en tant que liberté est reliée à la Vérité qui nous rend libres.

La série de Ripley s’intitule « Croyez-le ou pas ». Les faits peuvent aussi être connus selon la croyance ou la confiance. Le fait que Socrate est mort en 399 av. JC est un fait fondé sur la confiance dans ceux qui en furent témoins. Nous ne « croyons » des faits que lorsque nous ne pouvons pas les vérifier ou les tester. « Heureux sont ceux, Thomas, qui croient sans avoir vu. »

On entend l’expression « Voir, c’est croire. » Voir signifie que nous croyons le témoignage de nos sens pour nous dire la vérité de ce qu’ils perçoivent. Si nous doutons de nos sens, nous ne pouvons que spéculer sur ce qui se trouve là, s’il y a bien quelque chose. Beaucoup pensent que le monde moderne commence avec ce « doute ». Ce faisant, il perd le contact avec ce qui est. « Je suis la Vérité » est également un fait.


*Image: L’incrédulité de Saint Thomas par Le Caravage, v. 1601 [Sanssouci Picture Gallery, Potsdam, Germany]

James V. Schall, S.J., qui a servi comme professeur à l’Université de Georgetown pendant trente-cinq ans, est un des écrivains catholiques les plus prolifiques d’Amérique. Parmi ses récents ouvrages figurent The Mind That Is Catholic (« L’esprit qui est catholique »), The Modern Age (« l’Âge moderne »), Political Philosophy and Revelation: A Catholic Reading (Philosophie politique et révélation : une lecture catholique »), Reasonable Pleasures (« Plaisirs raisonnables »), Docilitas: On Teaching and Being Taught (« Docilité : sur le fait d’enseigner et d’être enseigné ») et Catholicism and Intelligence « Catholicisme et Intelligence).