Au Café du Commerce, il est une musique que l’on entend souvent en ce 10e anniversaire des attentats du Bataclan : rien n’aurait changé. Un pouvoir pusillanime et des médias complaisants continueraient de fermer les yeux face à une menace terroriste toujours aussi grave. Avant d’examiner les défis à relever, nuançons ce constat. Un connaisseur aussi lucide et ferme que Thibault de Montbrial l’affirme dans le Courrier Picard (13/11) : « On a beaucoup progressé. On est meilleur sur la sécurité. »
Détection des signaux faibles de radicalisation, collecte et partage du renseignement, formation des magistrats et des unités d’intervention… Les avancées sont réelles, permettant de déjouer de nombreux complots, comme celui ourdi par trois femmes qui projetaient un attentat à Paris, et que le Parquet national antiterroriste a mises en examen le 10 octobre. Au total, six projets de cette nature ont été déjoués dans les dix premiers mois de 2025, rappelle l’AFP (09/11).
L’autre avancée constatée depuis le 13 novembre 2015 est le changement du climat médiatique. CNews, Le Journal du Dimanche, le JD News et Europe 1 battent des records d’audience en assumant un parler-vrai. Dépasser le « pas d’amalgame » paralysant et évoquer la menace islamiste en France, ses complicités politiques dans le milieu gauchiste, ou le malaise croissant dans la fonction publique ou dans les entreprises, est désormais possible. Même si le combat est harassant, et les adversaires prêts à tout : Florence Bergeaud-Blackler, spécialiste du frérisme, peut en témoigner.
La stratégie des « 1 000 entailles »
En dépit de ces progrès, la France reste vulnérable. Parce que la menace demeure, et qu’elle n’a pas engagé tous les combats attendus. Le risque a changé de nature, porté par la stratégie des « mille entailles » qui vise à créer un climat d’insécurité permanent, à coups d’attaques au couteau ou à la voiture-bélier, ou, plus « pacifiquement », en portant le hijab dans l’espace public, en imposant le halal dans les cantines d’entreprise, en priant dans la rue ou les transports, en inondant les réseaux sociaux d’« influenceurs » douteux, etc.
Or, c’est bien face à ce risque – et non plus celui d’un commando monté depuis l’étranger – que les fragilités apparaissent. Les solutions sont pourtant martelées depuis des années : appliquer le droit, exécuter les condamnations, mettre à plat les relations diplomatiques avec les pays sources du financement, tarir les flux migratoires, etc. Sur ce dernier point, Nicolas Pouvreau-Monti, directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, observe dans Le Figaro (13/11) qu’il existe une « cause première, fondamentale, qui explique à la fois le profil des assaillants, leurs parcours et leur allégeance à une idéologie qui n’a pas d’ancrage historique en France » et que cette cause, ce sont les « politiques d’immigration menées dans notre pays depuis plusieurs décennies ». Cette question a-t-elle été prise en compte depuis le Bataclan ? Assurément, non.
Toutes les leçons du drame de 2015 n’ont donc pas été tirées, mais une certitude s’impose : la France n’est pas condamnée à l’impuissance et il reste de nombreux leviers identifiés à activer pour qu’elle retrouve le chemin d’une sécurité durable. À une condition : délaisser le compassionnel et faire preuve de courage. Boualem Sansal, enfin libéré le 12 novembre, l’avait dit dans Le Figaro en novembre 2021 lors du 6e anniversaire de l’attentat : « Un chef […] n’enterre pas ses morts, ne fait pas de discours en larmoyant. Il tonne, il agit, il frappe vite et fort. C’est cela que les morts et les vivants réclament. »





