Quel dialogue entre les religions ? - France Catholique
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Catéchumènes : baptisés… et après ?
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Quel dialogue entre les religions ?

Il y a soixante ans, la déclaration Nostra ætate posait les bases du dialogue entre les religions. Mais le débat est-il toujours possible au plan théologique ?
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Quelques-uns des Pères conciliaires sur la place Saint-Pierre, à Rome, en 1961.

Le soixantième anniversaire de la déclaration de Nostra ætate a donné lieu à un rassemblement au Vatican. On s’est félicité, à cette occasion, de la volonté manifestée au concile Vatican II d’encourager la paix entre les différentes confessions qui se partagent le monde. N’était-ce pas un des principaux motifs de Nostra ætate ?

Problématiques hétérogènes

Mais ce dialogue n’avait rien d’évident, mettant en cause des problématiques différentes, si ce n’est hétérogènes. Les auteurs de la déclaration en étaient bien conscients, citant d’abord les religions les plus éloignées du christianisme, comme l’hindouisme et le bouddhisme, puis l’islam et enfin la religion juive. Dans un texte aussi succinct, il ne pouvait être question de développement substantiel, même si les travaux de certains théologiens, tel le Père de Lubac sur le bouddhisme, pouvaient permettre le discernement nécessaire. Sur ce qui concernait l’islam et le judaïsme, l’expression se montrait plus explicite sans résoudre pour autant toutes les difficultés.

Il faut se rappeler que, dans le climat de l’époque, aborder les relations du christianisme et du judaïsme n’avait rien d’évident. Le conflit israélo-palestinien pesait sur le concile, avec les réactions très négatives des évêques du Proche-Orient, inquiets des résonances politiques que trop de bienveillance à l’égard du judaïsme pouvait provoquer. Il convenait donc de parler aussi de l’islam pour faire contrepoids, avec le risque d’une trop grande rapidité, éludant les difficultés posées par une religion qui réclamait un examen approfondi. Sur ce point, on doit retenir les remarques d’Alain Besançon : « On peut dire que la question musulmane a été un effet latéral, ou si l’on veut un choc en retour, un simple écho en retour, un simple écho de la discussion brûlante autour du peuple d’Israël considéré dans son passé, dans son présent, par rapport avec la religion chrétienne. »

Source de confusions

De fait, c’est le judaïsme qui dispose dans Nostra ætate de la formulation la plus précise, la tâche ayant été grandement facilitée par le rappel des termes employés par saint Paul dans son épître aux Romains. Entre juifs et chrétiens, le dialogue était possible sur le terrain théologique, ne serait-ce que par la référence incontournable à l’Ancien Testament et à la notion d’Alliance. Il en allait tout autrement avec les musulmans. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, par la suite, Benoît XVI avait décidé de substituer au débat théologique un débat d’ordre plutôt anthropologique. Mais il faut bien constater que le texte conciliaire n’était pas fait pour élucider la difficulté. La sévérité d’Alain Besançon à son égard se justifie d’autant plus qu’il est à la source de confusions qui n’ont pas cessé d’obscurcir les choses.

La bienveillance que l’on croit manifester à l’égard des musulmans ne permet pas de percevoir tous les enjeux théologiques, historiques, politiques qu’impose l’islam depuis ses origines. Il faut d’ailleurs dire qu’à l’intérieur de l’Église les avis sont largement partagés et ne recoupent pas nécessairement les positions des organismes habilités au dialogue interreligieux. Je puis dire qu’à l’occasion d’un entretien privé, le cardinal Lustiger m’avait exprimé toute sa défiance à cet égard.