« EN FAIRE DES DISCIPLES »
La vie paroissiale est un des piliers de la préparation au baptême, témoigne l’abbé François Dedieu, curé de la paroisse Saint-Urbain Sainte-Marie, à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine).
Comme ailleurs, depuis deux ans, nous observons une très forte augmentation du nombre de catéchumènes, entre 14 et 40 ans, sans oublier la vingtaine d’adultes qui demandent la confirmation et la première communion. C’est exponentiel car ceux qui se convertissent sont très missionnaires et amènent des amis !
Ils ont tous un accompagnement individuel, avec des laïcs bien formés depuis quelques années pour les missions de rue, avec une vie chrétienne solide. Je donne aussi une formation mensuelle en grand groupe, sur le catéchisme, et un dimanche matin par mois, sur la messe. Ils prennent part à la vie paroissiale, pour développer des liens fraternels avec les paroissiens.
La durée du catéchuménat dépend de chacun, il n’y a pas de règle. Certains qui arrivent sont déjà très bien formés, d’autres ressentent le besoin de s’engager à fond, ou de freiner à certains moments de leur parcours. Beaucoup sont baptisés au bout d’un an et d’autres prennent plus de temps. La seule chose importante, c’est qu’ils vivent un cycle liturgique entier en paroisse.
Il y a deux critères pour discerner si une personne est prête : son attachement au Christ est-il suffisant pour entraîner une conversion et se prolonger après le baptême – sur le plan de la prière, de l’intelligence de la foi, de la vie morale et affective. Et son attachement à l’Église, par la paroisse, est-il suffisant ? Ainsi, s’il décroche un peu sur le plan de la foi, il pourra se rattacher par la communauté.
Le Christ, en envoyant ses disciples en mission, leur dit : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les […], apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé » (Mt 28, 19). On a souvent tendance à mettre le « apprenez-leur » avant le « faites des disciples : baptisez-les », en voulant qu’ils soient parfaitement formés. S’ils sont disciples, leur formation va continuer après, dans les groupes de paroissiens et ailleurs. Nous avons aussi un couple responsable des néophytes, qui maintient le lien avec eux, comme des grands frères. Les parrains et marraines sont essentiels aussi après le baptême. Mais n’exigeons pas d’eux d’être des chrétiens parfaits, alors que nous ne le faisons pas avec les autres ! En vivant ainsi l’Église comme une famille – c’est particulièrement important pour ceux qui viennent de l’islam, qui souvent perdent toute leur vie sociale –, nous avons très peu de désaffections.
« UNE FORMATION SOLIDE »
Dans la paroisse Saint-Roch, à Paris, une cinquantaine de jeunes, majoritairement des hommes, se prépare au baptême en un an. Explication de son vicaire, l’abbé Éric Iborra.
Depuis deux ans, le nombre de catéchumènes varie autour d’une cinquantaine par an, âgés de 18 à 30 ans. Beaucoup, qui viennent de banlieue, cherchent à retrouver leurs racines françaises chrétiennes, au contact de l’islam. D’autres sont issus de tradition bouddhiste, ou sont d’origine juive ou musulmane. La paroisse propose la messe dans les deux rites et 90 % des jeunes demandent le baptême dans la forme traditionnelle. Cette messe les attire en raison de sa verticalité très forte, du silence, de la beauté, de la langue sacrée,
des sermons catéchétiques… Ils aiment tout ce qui tranche avec l’ordinaire et qui donne des repères forts. En général, quelques années plus tard, ils passent d’un rite à l’autre.
« Des cours sur l’histoire de l’Église »
Comme ils déménagent régulièrement, nous avons décidé de leur proposer un parcours sur un an, en grand groupe hebdomadaire, avec la vingtaine de jeunes qui se préparent à la confirmation. Tous cherchent une formation solide, pour comprendre la foi et pouvoir l’expliquer dans leurs groupes de jeunes. Je leur dispense donc moi-même ces cours sur la doctrine, l’histoire de l’Église, la Bible, la liturgie – deux formes –, l’église, le matériel liturgique… Je leur envoie également chaque semaine un mail avec mon cours – pour ceux qui n’ont pas pu venir –, les informations de la paroisse…
Ils sont également accompagnés individuellement par des laïcs, en fonction de leur profil, parmi lesquels de nombreux néophytes. En effet, si l’adhésion à la foi peut être très rapide, il faut du temps pour convertir aussi sa nature et vivre en chrétien. C’est le rôle des accompagnateurs de les aider à ne pas se décourager. Je les encourage fortement aussi à se confesser régulièrement après leur baptême et à s’engager dans des groupes. Le choix des parrains et marraines est aussi déterminant.
« FAVORISER LES AMITIÉS CHRÉTIENNES »
L’afflux de catéchumènes est tel que la paroisse étudiante de Toulouse a dû se restructurer. Témoignage du curé, le Père Antoine Laviale.
Nous avons actuellement 250 étudiants qui préparent un sacrement : baptême, première communion ou confirmation. J’identifie quatre facteurs qui entraînent cet élan de foi. Le premier, c’est que les catholiques de France ont compris qu’ils étaient en mission : les jeunes témoignent sans complexe de leur foi. Par ailleurs, tous nos catéchumènes partagent une très forte recherche du sens de la vie. Beaucoup portent aussi une quête d’identité : ils ont compris que la beauté du patrimoine français vient de l’Église, que ce sont leurs racines, et ils veulent s’attacher à elle, pour être Français. Notre rôle de prêtres est de leur faire comprendre que, derrière la beauté de ces pierres, il y a un Dieu qui les aime et qui est mort pour eux. Enfin, paradoxalement, je pense que c’est la faiblesse actuelle de l’Église qui permet au Seigneur de manifester sa toute-puissance…
Nous travaillons à faire de tous ces jeunes des chrétiens mûrs, qui ne s’accrochent pas qu’à la forme et à l’ambiance. L’enseignement d’une bonne doctrine est essentiel, mais la vie chrétienne passe aussi par l’amitié avec le Christ, dans la vie spirituelle, et les amitiés entre chrétiens.
Face à l’afflux de catéchumènes, nous avons donc décidé de transformer la paroisse en paroisse catéchuménale. Tous les étudiants reçoivent la même formation, autour de cinq activités : les parcours Alpha – un très bon lieu de découverte de la foi – ; les petites fraternités bimensuelles, où ils apprennent ensemble la doctrine – nous leur fournissons le contenu – ; la vie spirituelle ; l’amitié et le service. Nous leur proposons aussi des conférences catéchétiques et théologiques mensuelles. Enfin, nous valorisons particulièrement le dimanche. Nous formons par ailleurs des étudiants pour en faire des leaders engagés dans l’accompagnement des catéchumènes, des missionnaires bien formés, qui iront semer la foi ensuite là où ils vivront.
« LES RÉSEAUX SOCIAUX ONT UN IMPACT TRÈS FORT »
Désormais, beaucoup de jeunes commencent leur chemin spirituel sur les réseaux sociaux. Témoignage de l’abbé Matthieu Raffray, supérieur de l’Institut du Bon Pasteur… et missionnaire du numérique.
Je me considère comme un « missionnaire du continent numérique », à l’invitation du pape Benoît XVI, qui disait qu’il fallait envoyer des missionnaires sur ce nouveau continent, pour annoncer l’Évangile à ses autochtones ! Je produis donc de petites vidéos pour répondre aux questions des jeunes, et je propose un catéchisme en podcast : des leçons de 25 minutes sur le dogme et les sacrements. Je réponds aussi à des questions directes, mais je renvoie toujours les jeunes vers les prêtres près de chez eux : il faut que leur foi s’incarne.
Il y a trois ans, les prêtres me disaient qu’ils ne voyaient pas les effets concrets des réseaux sociaux dans leurs paroisses. Aujourd’hui, tous me disent qu’ils voient des jeunes arriver en catéchuménat grâce aux réseaux. La plupart des jeunes qui me « suivent », et avec qui je communique, ont une vraie recherche spirituelle, un besoin de transcendance, dans un monde très matérialiste. D’autres se posent des questions sur leur identité, pour se reconnecter à un passé qui les enracine… Beaucoup vivent ces deux quêtes – spirituelle et culturelle – en même temps. Ceux qui ont une quête d’identité passent très souvent des racines culturelles de la France à la découverte de la foi. Vivre dans un monde culturellement chrétien la favorise : la France est devenue catholique quand Clovis s’est converti avec ses soldats ; l’Empire romain est devenu chrétien quand Constantin s’est converti. L’Église a toujours su utiliser la quête d’identité comme une porte vers la conversion spirituelle. Ce serait une grave erreur de regarder cela avec suspicion en les considérant comme des conversions de seconde zone…
« Fiers d’être catholiques »
Je suis « suivi » par beaucoup de jeunes qui viennent de milieux non chrétiens. Certains ont été baptisés, mais leurs parents ne leur ont rien transmis. Ils veulent se réapproprier cet héritage spirituel et culturel. Pour beaucoup, leurs grands-parents, croyants et pratiquants, ont joué un rôle très important. Je vois aussi beaucoup de jeunes pères de famille qui, à la naissance de leur premier enfant, veulent renouer avec cet héritage perdu, pour le transmettre à leurs enfants. Enfin, il y a aussi des jeunes pratiquants qui cherchent des « hérauts » qui défendent les raisons de croire dans l’espace public. Les jeunes n’ont plus honte d’être catholiques, ils veulent afficher leur foi : c’est très branché sur les réseaux !
Beaucoup me disent qu’ils sont très bien accueillis dans les paroisses ! Mais également qu’ils sont déçus d’être peu formés sur le contenu de la foi. L’Église, ce n’est pas d’abord la vie communautaire : c’est adhérer au contenu de la foi révélé par le Christ, qui rejaillit dans la vie de charité. Il ne faut pas inverser. Le catéchuménat semble révéler un grand déficit de formation dans les paroisses. Les fortes attentes des jeunes convertis vont pousser les paroisses à plus d’exigence et sans doute entraîner un grand renouveau de la foi en France mais aussi à l’intérieur de l’Église !





