Le court essai qu’Éric Zemmour vient de publier « en faveur d’un sursaut judéo-chrétien » suscitera-t-il le débat nécessaire qu’il mérite ? On peut craindre qu’il soit recouvert par des invectives plus dignes d’une campagne électorale que d’une réflexion salutaire sur nos enjeux de civilisation. Il faut noter aussi que ce n’est pas la seule classe politique qui est interpellée par l’ancien journaliste. Ce sont aussi les responsables de notre Église catholique, singulièrement ceux qui sont en charge des relations interreligieuses, notamment avec l’islam.
Parenté originelle
Tout part de ce concept de « judéo-christianisme » qui est entré dans le langage courant et qui réclame une sérieuse élucidation. Il vient d’ailleurs d’être vigoureusement remis en cause par Mme Sophie Bessis dans La civilisation judéo-chrétienne. Anatomie d’une imposture (Les livres qui libèrent).
Depuis l’origine, rappelle Éric Zemmour, le conflit entre la mère – le judaïsme – et la fille – le christianisme – n’a jamais cessé. Mais on ne saurait oublier qu’il résulte d’une parenté originelle. De ce point de vue, la déclaration Nostra ætate de Vatican II a produit un tournant, affirmant, en se fondant principalement sur l’épître de saint Paul aux Romains, que les dons de Dieu sont sans repentance et qu’il n’y avait pas eu de désaveu de la Première Alliance.
Mais Éric Zemmour s’insurge à l’égard d’un contresens. Celui qui veut que l’Église prenne à son compte les critiques d’une gauche anticléricale, celle qui n’a jamais renoncé à lutter « contre l’infâme » et mis sur le dos de l’Église la monstrueuse entreprise nazie : « Ses ennemis païens et nazis devaient bien rire sous cape, dans les catacombes où ils se terraient, de voir cette Église qu’ils avaient méprisée, conspuée et persécutée prendre sur elle leurs crimes et leurs péchés dont eux-mêmes n’avaient pas honte. »
« Toujours plus ouvert »
Le président de Reconquête s’adresse alors à l’Église pour la mettre en garde contre une déviation qu’il considère comme périlleuse : « Si l’Église avait péché par insuffisance d’universalisme et de compassion, si le catholicisme européen n’avait pas été assez chrétien, il fallait qu’il en fit pénitence par un surcroît d’universalisme et de compassion, par un catholicisme toujours plus ouvert aux autres, un catholicisme qui tendait encore plus systématiquement la joue gauche à ceux qui lui frappaient la joue droite. »
La grande transhumance des peuples du Sud vers l’Europe, affirme-t-il encore, « fut assimilée fallacieusement à la fuite des Juifs devant les nazis et l’on somme les peuples chrétiens de les accueillir pour se faire pardonner de n’avoir pas su accueillir et protéger les Juifs ».
La nature de l’islam
De fait, il est assez courant, dans un certain secteur idéologique d’assimiler ce qu’on appelle islamophobie à l’ancien antisémitisme. Qu’il s’agisse ou non de posture politicienne, le plus souvent, c’est la nature de l’islam qui se trouve mise entre parenthèses. Comme s’il ne s’agissait pas d’une énorme question à traiter pour elle-même, bien au-delà des soupçons de racisme.
Cette question, Éric Zemmour l’aborde résolument, avec une rigueur que certains ne lui pardonnent pas. Grand lecteur d’Ernest Renan, il assène qu’il s’agit « du règne d’un dogme, c’est la chaîne la plus lourde que l’humanité n’ait jamais portée ». Et d’interpeller les responsables catholiques à propos d’un dialogue interreligieux promis à l’échec. Affaire à suivre, mais qui pèse lourd dans le débat politique. Éric Zemmour sera-t-il le seul à l’envisager ?

La messe n’est pas dite. Pour un sursaut judéo-chrétien, Éric Zemmour, Éd. Fayard, octobre 2025, 128 pages, 10 €.





