« Il y a un projet politique d’islamisation au Nigeria » - France Catholique
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Nigeria, le génocide oublié
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« Il y a un projet politique d’islamisation au Nigeria »

Entretien avec le Père Clément Emefu, professeur de droit canonique au Spiritan International School of Theology à Attakwu, au sud-est du Nigeria.
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Séminaire au Nigeria. © Aide à l’Église en détresse

Quelle analyse faites-vous de la situation ?

Père Clément Emefu : Des prêtres sont enlevés, assassinés, des églises brûlées, des villages dévastés. Ces actes terroristes se déroulent aux yeux de tous, sans que leurs auteurs soient punis. Et pas seulement dans les campagnes. Lors du procès des individus accusés d’avoir brûlé vive une jeune chrétienne, des émeutes ont éclaté dans toute la ville, les juges ont été menacés, et les coupables ont été relâchés. Cela se passait dans le nord du Nigeria, où les musulmans sont majoritaires, mais ce phénomène se répand petit à petit dans tout le pays. Il y a bel et bien un projet politique d’islamisation du Nigeria. Le sud-est était jusque-là préservé mais, l’an dernier, l’un de nos frères spiritains a été enlevé ici-même, pendant quatre jours, par des islamistes armés.

Certains y voient surtout un conflit opposant des éleveurs nomades aux agriculteurs…

Ce n’est pas vrai. C’est un projet calculé : il s’agit d’obliger les chrétiens à quitter leurs terres – ce qui explique d’ailleurs qu’il y ait autant de camps de réfugiés dans notre pays. Et ce projet se déploie avec l’assentiment, ou au moins la sympathie des leaders politiques du pays, qui sont en majorité islamistes. L’ancien président, Muhammadu Buhari, n’aimait pas du tout les chrétiens. Il voulait étendre la charia à tous les États du Nigeria et favorisait clairement l’islamisation du pays. C’est moins le cas de l’actuel chef de l’État, mais son entourage reste acquis à ce projet politique. En début d’année, l’évêque de Makurdi, Mgr Anagbe, a failli être arrêté après avoir témoigné des épreuves des chrétiens devant la chambre des représentants des États-Unis… Mais nous devons continuer à dénoncer ces atrocités. À dire la vérité.

Quel est l’état d’esprit des fidèles ?

Ils vivent leur foi de manière très fervente. Nous formons une communauté soudée par l’histoire, fidèle à la foi transmise par les Pères spiritains qui ont évangélisé le sud du Nigeria. Il y a beaucoup de vocations ici ! Plus de 110 séminaristes, rien que dans la communauté des Pères du Saint-Esprit. Des vocations fleurissent aussi dans le nord, même s’il y est beaucoup plus difficile de pratiquer sa foi catholique, ne serait-ce qu’en raison des incendies d’églises.

Qu’attendez-vous de la communauté internationale ?

Je constate, hélas, qu’elle est bien silencieuse ! Tout le monde veut sa part du gâteau pétrolier… J’attends donc qu’elle dise les choses telles qu’elles sont. Telles que nous les vivons. Chacun sait ce qu’il se passe ici ! Que les Nations unies, l’Europe, les États-Unis condamnent et combattent le terrorisme et le génocide que nous subissons !

Et qu’attendez-vous des lecteurs de France Catholique ?

Qu’ils soient nos porte-parole. Les chrétiens sont-ils persécutés dans le monde ? Oui ! Sont-ils persécutés au Nigeria ? Oui, oui, oui ! Donc qu’ils témoignent de ce que nous endurons. Et qu’ils prient pour nous. Qu’ils nous tiennent et nourrissent notre foi par la prière.