Destiné dès sa naissance, à Dublin en 1858, par ses pieux parents – sa mère est normande –, à devenir prêtre, la vocation non choisie de Joseph Marmion n’ira pas sans combat. Il se décrira plus tard ainsi : « Dans mon adolescence, je n’avais aucun attrait pour la piété ; je la pratiquais pour contenter mes parents. » C’est notamment la lecture de la vie de saint Louis de Gonzague qui, de manière soudaine, fait « naître en (son) âme l’idée de la grandeur de Dieu et des choses de l’éternité, avec une inclinaison sensible et forte de quitter le monde et de (se) consacrer entièrement à Dieu dans un monastère », écrira-t-il. Il ne veut plus seulement être prêtre mais également moine ! C’est donc librement que le jeune homme entre à 16 ans au Holy Cross College, à Dublin, avant d’être envoyé au Collège irlandais de Rome pour y terminer sa formation.
Moine irlandais…
Au cours d’un voyage à Naples, alors qu’il loge en chemin à l’abbaye du Mont-Cassin, il ressent de nouveau l’appel de Dieu à la vie monastique. Le désir entendu à l’adolescence est confirmé : il sera moine. En 1881, sur le chemin de retour de Rome, il découvre en Belgique l’abbaye bénédictine de Maredsous. « Ce fut l’occasion providentielle à l’origine de mon entrée dans ce même monastère pour m’y faire moine, six ans plus tard. » Après quelques années comme vicaire en Irlande, pour financer les études de médecine de son frère cadet, il entre enfin à l’abbaye, en 1886, sous le nom bien irlandais de Columba – saint Colomban est un moine irlandais du VIe siècle. Fondée seulement 14 ans auparavant, la jeune communauté de Maredsous est alors composée majoritairement de moines allemands, au caractère assez rigide… Le jour même de son entrée en clôture, un sentiment de solitude lui fond dessus : « J’eus l’impression ce jour-là qu’en entrant au monastère, je venais de commettre la plus grande sottise de ma vie ! » Les débuts au noviciat sont difficiles pour son tempérament sensible et enjoué… Mais il trouve progressivement sa place.
En 1899, alors qu’il est âgé de 41 ans et moine depuis 12 ans, il est envoyé avec quelques moines à Louvain, pour fonder l’abbaye du Mont-César. Rapidement nommé sous-prieur, il est également de plus en plus demandé pour la direction spirituelle. Alors qu’il est le bras droit d’un Père abbé au caractère à l’opposé du sien, Dom Marmion brille par l’humilité de son obéissance. Au futur cardinal Mercier, primat de Belgique – dont il devient le confesseur et l’ami – qui lui demande : « Comment pouvez-vous obéir si facilement à des choses qui contrarient ? », il répond : « Je regarde au-dessus de la tête de mon Abbé et j’y vois le Christ. »
… excellent pédagogue…
Ses dons de théologien le font réclamer pour devenir professeur dans les instituts religieux de Louvain. Sa formation, ancrée dans une très solide connaissance doctrinale et une foi ardente, touche les esprits et les cœurs de ses auditeurs : « Il avait un art consommé de faire entrer Jésus dans le vécu journalier de son auditoire, transformant nos joies et nos chagrins en “louanges d’offrande” », témoigne une élève. « La leçon terminée, les élèves s’efforçaient d’en prolonger la résonance et s’en allaient, silencieux, prier à la chapelle », rapporte une autre. Il assure également une abondante direction spirituelle hors de son monastère, notamment dans des communautés féminines, où il est très apprécié pour la douceur, la simplicité et l’exigence de ses conseils. Et pour son caractère chaleureux et joyeux, qui dénote dans cet univers monastique. Sa réputation est telle qu’il est nommé, en 1909, abbé de Maredsous, quoique n’appartenant plus à cette abbaye.
Après neuf années à Louvain, il retrouve une abbaye devenue une vraie cité monastique, abritant une ferme, un collège, une école technique artistique et une bibliothèque d’étude, à l’audience internationale. La devise du nouvel abbé de 51 ans est : « Servir plutôt que présider. » Il témoignera de sa conception de la charge abbatiale dans certaines de ses lettres : « Nous pouvons gouverner les âmes par la force et l’autorité, mais ce n’est que par la douceur et l’amour que nous pouvons les gagner à Dieu. »
… et prédicateur accompli
Les dons de prédicateur de Dom Marmion, nourris par son âme missionnaire et contemplative, se sont très largement répandus, grâce à ses trois ouvrages majeurs – toujours édités – composés, de son vivant, par ses conférences spirituelles : Le Christ, vie de l’âme ; Le Christ dans ses mystères et Le Christ, idéal du moine. Ses écrits se sont propagés jusqu’aux confins du monde, contribuant à édifier la foi de très nombreux moines, prêtres et laïcs.
Dom Marmion ne se replie pas pour autant sur son abbaye. À l’image de tous les grands spirituels, il est parfaitement informé et concerné par les événements du monde, particulièrement en cette période de la Première Guerre mondiale. Il envoie de nombreux moines aider aux soins des blessés de guerre. L’école de l’abbaye est transformée en hôpital de campagne et l’hôtellerie accueille de nombreux réfugiés. Pour protéger les jeunes moines d’une éventuelle réquisition par l’ennemi, il leur trouve un refuge en Irlande, où il s’exile avec eux, entraînant incompréhensions et conflits au sein de l’abbaye. Malgré plusieurs tentatives, il ne pourra rentrer qu’en 1916 en Belgique.
La visite de la reine
Les tensions internes et externes à l’abbaye, provoquées par la guerre, marqueront Dom Columba en profondeur, moralement et physiquement, préparant sa mort précoce. Dans les années qui lui restent à vivre, l’abbé poursuit le développement de son abbaye. En 1920, la reine de Belgique, Élisabeth, lui rend une longue visite amicale. En 1922, poussé par sa profonde piété mariale et malgré sa grande fatigue, il accepte de conduire le pèlerinage diocésain à Lourdes. Un mois plus tard, il préside les cérémonies du cinquantenaire de l’abbaye, où il vit depuis 35 ans, avant de mourir, le 30 janvier 1923, laissant un monastère au sommet de son rayonnement. Rapidement, sa réputation de sainteté se répand et des miracles lui sont attribués, entraînant l’ouverture de son procès en béatification.
Florilège de Dom Marmion
« Une petite chose faite au nom de Jésus, pour son amour, est plus grande aux yeux de Dieu que les choses les plus remarquables faites en notre propre nom. »
« L’humilité est l’aveu pratique et continuel de notre misère, et cet aveu attire les regards de Dieu. »
« L’amour est ce qui mesure en dernier ressort, la valeur de tous nos actes, même les plus ordinaires. »
« J’ai vu aujourd’hui que Marie fut parfaite dans sa foi sublime au pied de la Croix. Oh ! qu’elle nous obtienne cette grâce, insigne d’une foi parfaite, même dans la nudité de l’épreuve ! »
« La connaissance de Jésus et de ses états se puise dans l’Évangile. Heureuse l’âme qui l’ouvre chaque jour ! Elle boit à la source même des eaux vives. »
Le Christ, vie de l’âme, Tome I d’une trilogie, Dom Columba Marmion, éd. Saint-Léger, 380 pages, 22 €.
Dom Columba Marmion, 3e Abbé de Maredsous et Bienheureux. Portraits, éd. Saint-Léger, 26 €.