« Il faut demander à Dieu le salut de notre nation » - France Catholique
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« Les contemplatifs portent le monde »
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« Il faut demander à Dieu le salut de notre nation »

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Le Sacre de Charles VII.

« Il faut demander à Dieu le salut de notre nation »

« Il faut demander à Dieu le salut de notre nation »

À Domrémy, du 27 au 28 septembre, un pèlerinage aura lieu pour célébrer les 600 ans des apparitions de saint Michel à sainte Jeanne d’Arc. Et pour prier pour notre pays. Entretien avec l’un des organisateurs, l’Abbé Jacques Olivier (fssp), du sanctuaire Notre-Dame de Bermont (Domrémy).
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Quels sont les objectifs spirituels et culturels de ce pèlerinage organisé à Domrémy, où Jeanne est née ?

Abbé Jacques Olivier : C’est l’occasion de fêter un événement très important pour l’histoire de la France : les apparitions de saint Michel à sainte Jeanne d’Arc, il y a 600 ans, à Domrémy. Nous allons ainsi rendre honneur à ces deux saints, qui font partie de notre identité. Les Français sont perdus et divisés parce qu’ils ne connaissent pas leur passé commun. Nous avons un besoin urgent de retrouver nos racines communes, notre foi, pour retrouver la paix, l’unité, le bonheur… Voilà pourquoi, à cette occasion, nous allons prier pour la France, dans le cadre du Jubilé de l’espérance, car notre pays est dans une « grande pitié », comme l’était le royaume au temps de Jeanne.

En quoi l’intervention de Jeanne a-t-elle été providentielle pour la France ?

Je pense qu’il faut être prudent en disant qu’elle est venue sauver la France… C’est théologiquement faux de dire que Dieu intervient pour les Français contre les Anglais. Pourquoi aurait-il fait cela ? La guerre de Cent Ans est d’abord un conflit dynastique entre plusieurs familles qui se disputent un territoire, avant d’être un conflit national. On peut dire que Dieu est venu au secours de la France pour que le bien commun soit possible car il ne peut pas y avoir un bien commun cohérent entre une France et une Angleterre unies sous la même domination. Il faut qu’il y ait une cohérence au niveau d’un territoire pour qu’un bien commun soit possible et qu’un peuple puisse vivre ensemble.

Comment expliquer alors la mission de Jeanne d’Arc ?

Sa mission est de rétablir la paix après cent ans de guerre. Et, sur le plan politique, dans cette époque de crépuscule de la chrétienté médiévale, où les puissants ne se battent que pour des questions de légitimité dynastique, elle vient leur dire qu’ils se sont détournés de Dieu, unique source du vrai pouvoir, et le remettre au centre de la politique. Elle ne vient donc pas dire à Charles VII qu’il est plus légitime que l’autre prétendant, mais que Dieu veut bien qu’il soit roi, à condition qu’il reçoive son pouvoir de lui, par la médiation de l’Église qui va lui donner le sacre. Avant de le sacrer, Jeanne lui fait donc reconnaître que son pouvoir n’est pas absolu mais reçu de Dieu. Elle dit aux hommes que, s’ils veulent retrouver la paix et le salut de leur pays, ce sera par ce don délégué du pouvoir de Dieu. C’est pour cela qu’elle a mis sur son étendard : « De par le roi du ciel. » Sa mission vient de Dieu et ramène à Dieu. Alors, oui, on peut dire que c’est en ce sens qu’elle vient sauver la France. Et non pas une dynastie.

Peut-on transposer l’histoire de Jeanne aujourd’hui ?

Cette histoire est riche d’enseignements pour aujourd’hui, notamment au niveau du problème de légitimité des gouvernants. Si le pouvoir vient d’en bas – du peuple ou des partis – cela empêche de reconnaître qu’il vient d’en haut – de Dieu… Jeanne nous dit que la seule manière de retrouver un équilibre sera d’enraciner le pouvoir en Dieu : seul le Christ-Roi donne le pouvoir. Cela paraît utopique ? ça l’était autant du temps de Jeanne ! À vue humaine, il n’y avait aucun espoir.

Quelles leçons tirer de la vie de Jeanne d’Arc ?

La grande leçon, c’est que c’est toujours Dieu qui sauve… mais qu’il ne le fait pas comme nous l’attendons ! Nous ne savons pas comment Dieu veut sauver notre pays. Sans plaquer sur lui nos désirs, nous devons seulement attendre, prier et espérer son intervention providentielle, comme au temps de Jeanne. Laissons-le libre de ce qu’il veut nous donner. Du temps de Jésus, les Juifs attendaient un messie qui les délivrerait de l’occupation et restaurerait la royauté en Israël. Le Christ est bien venu sauver son peuple, mais pas tout à fait de la manière qu’ils attendaient… Il faut simplement avoir confiance : Dieu intervient dans l’histoire des hommes et notre prière favorise son action. Jésus est venu parce qu’il y avait un petit groupe de Juifs fervents qui attendaient ardemment sa venue en priant.

Les chrétiens attendent-ils trop l’homme ou la femme politique providentielle ?

Nous attendons tous tel homme, tel parti ou tel régime qui redonnerait une sorte de grandeur à la France, par des moyens naturels. L’attente de l’extraordinaire est légitime mais la « personne providentielle » que nous attendons, c’est l’action divine ! C’est en Dieu que nous devons mettre notre espérance. Il faut porter notre regard sur Dieu : lui seul peut transformer la situation. Jeanne n’a jamais voulu être d’un parti. Comme elle, il faut sortir de cette logique partisane par le haut.

Que faut-il demander à Dieu ?

Il faut le supplier avec foi, en lui demandant avant toute chose le salut de notre nation. Si notre prière est juste, cela nous donnera une unité : nous ne chercherons plus à défendre notre prétendant, notre candidat, nous serons vraiment dans l’espérance. C’est en cherchant ensemble le bien commun de la France qu’il pourra se passer quelque chose. Le meilleur programme politique est celui du Notre Père : « Que votre volonté soit faite, que votre règne arrive » ! Nous devons vouloir une seule chose pour la France : que la volonté de Dieu s’accomplisse par son règne, et non pas la victoire d’un camp ou d’un autre. L’essentiel est donc de prier pour la France. C’est le but de ce pèlerinage : le samedi soir, au cours de la messe pontificale, une prière spéciale pour la France et pour l’Église sera récitée, en communion avec les sanctuaires de Lisieux et du Mont-Saint-Michel.

Ce pèlerinage sera-t-il justement un moment d’unité ?

Par sa simplicité et sa popularité, en venant apporter le salut dans une situation désespérée, Jeanne d’Arc rassemble des chrétiens très différents, et des non-chrétiens… car les gens sont sensibles au retournement de situation incroyable qui s’est produit à travers cette petite jeune fille. Saint Michel, quant à lui, est le patron de la France et le chef des armées célestes. Il vient aider les hommes à rétablir la paix, dans un contexte de guerre. Le pèlerinage est déjà un lieu d’unité inédite dans son organisation. Autour de quatre évêques diocésains et un émérite, il y aura la communauté des Béatitudes, des religieux de Lagrasse, de Chéméré, etc. Cette unité n’a pas été facile. C’est la bienveillance de l’évêque du diocèse de Saint-Dié, Mgr François Gourdon, qui en a été vraiment le ferment. 

Le Prophétisme politique et ecclésial de Jeanne d’Arc, Jacques Olivier, éd. Cerf, 2021, 804 pages, 29 €.