Vivre en vérité ou grogner comme des démons - France Catholique
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Pourquoi prier pour la France
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Vivre en vérité ou grogner comme des démons

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© Catherine Leblanc / Godong

Une grande partie du monde moderne se comporte comme si « tout était politique ». Et si la politique est l’art du possible, il s’ensuit que pratiquement tout est possible. Pourquoi ? Parce que les êtres humains ont une capacité quasiment infinie à inventer de bonnes raisons pour faire le mal. Si nous ne démarrons pas en reconnaissant un certain nombre d’absolus moraux, c’est-à-dire des limites à ne jamais dépasser, nous serons toujours capables et souvent tentés, de trouver des raisons qui légitiment des actions terribles pour produire des résultats possible – et considérées comme bons.

En vérité, la politique est une petite, mais importante, tranche de l’interaction humaine. C’est la morale qui se rapproche le plus de tout, une morale encadrée par des interdits absolus, au sein de laquelle une grande latitude est laissée aux désaccords dans le domaine des jugements prudentiels, incluant toutes sortes de compromis. A l’intérieur de ce cadre, règne le pragmatisme ; le conséquentialisme exerce son emprise, mais est limité par les choses que nous ne devons jamais faire ou tout au moins jamais volontairement.

Nier cela, éliminer ces absolus et il n’y a plus de limites au mal que les êtres humains ordinaires peuvent se convaincre d’exercer avec une conscience parfaitement claire. Mais tout ceci soulève la question : Comment pouvons-nous arriver à connaître les absolus moraux qui guideront notre chemin et nous épargneront l’ignominie de glisser dans l’erreur morale voire l’atrocité ?

Certaines personnes comme moi feront appel à la loi naturelle construite dans notre nature humaine et discernable par la raison. Le problème est que les textes décrivant l’usage de la raison dans un tel discernement sont souvent longs et difficiles.

Ils me rappellent les règles de saint Ignace de Loyola sur le discernement des esprits, franchement brèves et claires dans les Exercices Spirituels, mais pas si faciles à appliquer dans des circonstances concrètes. Et quand elles sont expliquées par les descendants jésuites d’Ignace, et d’autres, elles sont tellement complexes qu’on désespère de trouver le temps ou l’énergie de prendre une décision sur ce que Dieu veut de nous : et j’en conclue que pour discerner la volonté de l’Esprit sur moi, il me faudrait prier, réfléchir, chercher à être guidé par des conseillers fiables, puis deviner au mieux et confier l’affaire à Dieu

Peut-être n’est-ce pas la plus profonde interprétation d’Ignace, mais cela a le mérite d’être faisable et de ne pas être susceptible de conduire quelqu’un dans un tourbillon de scrupules ou dans la présomption qu’on peut être sûr que ce qu’on fait est la volonté de Dieu.

Mais revenons-en à la loi naturelle, et à la nécessité d’établir des critères moraux, surtout des frontières pour nous guider sur notre chemin. Une fois encore, comment pouvons-nous les discerner ? Il a-t-il un espoir que nous soyons tous d’accord sur ce qu’ils sont ?

Dans le mystère captivant d’Andrew Klavan, Une femme sous terre, son héros, Cameron Winter, ancien employé dans une agence gouvernementale top-secrète, et se décrivant comme agnostique, se trouve confronté à un ami qui avoue avoir une liaison avec une jeune étudiante qui a moins de la moitié de son âge.

Roger, l’ami en question, un homme marié, un père de famille débite une litanie d’excuses pour son infidélité et pour les raisons pour lesquelles il doit abandonner sa femme et son fils pour être vraiment vivant. Finalement Winter ne peut pas l’endurer plus longtemps. Il dit à Roger que ce qu’il a fait est mal. Et quand on lui demande « qu’est-ce que tu veux dire », il répond :

Cela veut dire mal, immoral. Contre les lois de Dieu et des hommes…Tu as trompé ta femme Roger. C’est immoral. C’est ce que veut dire épouse. Une personne qu’il est immoral de tromper. Parce que tu as promis d’être fidèle. C’est cela que signifie le mot promettre, quelque chose qu’il est immoral de casser. Si nous devons changer le sens de tous les mots qui ne nous conviennent pas, nous n’aurions plus qu’à grogner les uns contre les autres et nous conduire comme des démons.

Mais il continue :

Et le pire, la chose la plus immorale que tu es en train de faire, c’est de briser le mariage des parents de ton fils. Pour lui, c’est un désastre. Ton mariage est la planète sur laquelle il vit, et tu vas faire sauter la planète…Cesse de te mentir à toi-même…Ce n’est pas une manière de vivre si tu es un homme. Il existe un autre mot pour toi. Le mot homme a aussi un sens Roger. Alors arrête tes conneries et essaye de te comporter en homme.

Et remarquez que tout ceci vient d’un homme qui est au mieux agnostique et qui a fait des choses terribles dans sa vie. Et cependant d’une certaine manière, parce que ses yeux, son esprit et son cœur ont été ouverts à la réalité, il en est venu à constater que les mots ont un sens, pointant la réalité qui à son tour parle de l’absolu du bien et du mal. Il en est certain, par-dessus tout parce que, peut-être, il comprend que l’alternative est de gronder les uns envers les autres et de se conduire comme des démons.

La population du monde, même de notre nation, semble peu encline, même dans un futur prévisible, à partager une foi commune. Et la raison, du fait de notre nature humaine incorrigiblement égocentrique, est indéfiniment créative dans sa capacité à se trouver des prétextes. Cependant, peut-être que les insanités et méchancetés de tant de personnes dans le monde moderne forceront un nombre croissant à reconnaître non seulement le besoin d’absolus moraux, mais aussi leur enracinement dans la création et finalement le Créateur, source de tout sens et de toute moralité.

À moins que je l’aie mal compris, quelque chose comme cela semble avoir conduit Andrew Klavan, lui-même d’un judaïsme laïc et, dans son cas, agnostique, à une foi chrétienne robuste et provocante. J’aurais souhaité qu’il soit catholique, mais à dire vrai, il est plus catholique que beaucoup de catholiques que je connais. Puissent-ils être nombreux ceux qui suivront le chemin qu’il a pris.

Mgr Charles Fink, traduit par Isabelle

Source : https://www.thecatholicthing.org/2025/09/13/to-live-in-truth-or-to-grunt-like-demons/