Au Haut-Karabagh, l’histoire arménienne est niée ou revisitée - France Catholique
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Léon XIV et saint Augustin
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Au Haut-Karabagh, l’histoire arménienne est niée ou revisitée

Entretien. Le 19 septembre 2023, l’Artsakh – le Haut-Karabagh – tombait aux mains de l’Azerbaïdjan. Deux ans après, France Catholique fait le point sur la situation avec Benjamin Blanchard, directeur général de SOS Chrétiens d’Orient.
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Monastère de Gandzasar, Haut-Karabagh. © Mediacrat / CC by-sa

Pouvez-vous revenir sur les faits ?

Benjamin Blanchard : La fin de l’Artsakh est une tragédie terrible, qui s’est jouée en cinq actes.
Le premier, c’est la guerre des quarante-quatre jours. En 2020, l’Artsakh est envahi par l’Azerbaïdjan qui s’empare des deux-tiers du territoire. L’Arménie subit une cinglante défaite et laisse 4 000 soldats sur le champ de bataille. Seule une médiation russe permet d’éviter un désastre encore plus grave.
Deuxième acte, en décembre 2022, l’Azerbaïdjan impose un blocus de neuf mois à la République d’Artsakh, en coupant la dernière route qui la reliait à l’Azerbaïdjan. Plus rien ne rentre ! Le pays est saigné à blanc.
Conséquence, la troisième partie du drame ne dure que 24 heures. Le 19 septembre, les chars azéris entrent en Artsakh. Le lendemain, tout est fini…Pour les Arméniens d’Artsakh, le choix est simple : la valise ou le cercueil. Vient alors le temps de l’exil. C’est le quatrième acte. La totalité de la population arménienne – 120 000 personnes – quitte le pays, sans aucun espoir de retour. Le monde entier assiste, impuissant, à un véritable nettoyage ethnique. Accueillis en Arménie, les déplacés d’Artsakh sont immédiatement répartis aux quatre coins du pays, par peur qu’ils s’organisent en groupe de pression.
Enfin, le dernier acte, c’est celui de l’abandon et de l’oubli. Deux ans plus tard, nous en sommes là.

C’est-à-dire…

Tout le monde a oublié l’Artsakh ! Vingt-trois responsables politiques et militaires arméniens d’Artsakh, emprisonnés à Bakou depuis deux ans, sont actuellement jugés dans des conditions lamentables en Azerbaïdjan. Ils sont accusés notamment de crimes de guerre et de nettoyage ethnique. Or, en Azerbaïdjan, la Justice est aux ordres du pouvoir ! Et le pouvoir azéri veut justement en finir avec les Arméniens d’Artsakh. D’ailleurs, depuis 2023, on assiste à un nettoyage culturel de l’Artsakh. Les villes ont désormais des noms azéris, certaines églises sont transformées en mosquées, le patrimoine est endommagé, des cimetières profanés… L’histoire arménienne est niée. L’Artsakh est pourtant une terre arménienne depuis 3 000 ans et chrétienne depuis 1 700 ans. Ces trois sujets – les déplacés, la préservation du patrimoine arménien et la situation des dirigeants artsakhiotes emprisonnés à Bakou – sont les trois grands tabous du gouvernement arménien et les trois oublis du pré-accord signé le 8 août dernier entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide des États-Unis.

Quel est l’objet de ces accords ?

Il s’agit, en réalité, d’une déclaration d’intention en vue d’un éventuel traité de paix. Concrètement, l’Arménie ne gagne pas grand-chose, contrairement à l’Azerbaïdjan qui voit son souhait de création d’un « corridor de Zanguezour » se réaliser. De quoi s’agit-il ? D’un axe de transport, d’une route, permettant à l’Azerbaïdjan de rejoindre le Nakitchevan, son « exclave » située de l’autre côté de l’Arménie. C’est une vieille revendication azérie, refusée jusqu’alors par l’Arménie. Cet axe va s’appeler « Route Trump pour la paix et la prospérité internationales » et il devrait être sous souveraineté arménienne et sous la responsabilité d’entreprises américaines. Mais dans les faits, pour l’Azerbaïdjan, c’est une vraie victoire !

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