Recevant récemment une délégation d’élus de diverses tendances du Val-de-Marne, le Pape a rappelé les exigences d’une vision chrétienne de la politique. N’hésitant pas à mettre en question la conception française de la laïcité, il a appelé les élus à la cohérence, en insistant sur le fait que le christianisme ne peut se réduire à « une simple dévotion privée ». Ce faisant, Léon XIV se montre fidèle aux enseignements de ses prédécesseurs, dont François, qui avait exprimé ses réserves sur cette laïcité française refusant l’expression des convictions religieuses dans l’espace public. Jean-Paul II avait aussi insisté sur la nécessaire prise en compte de l’anthropologie issue de la Révélation, précisant qu’il n’était pas possible d’éluder une conception de l’homme dont toute législation doit tenir compte.
Cette difficulté de mettre en cohérence le droit des États et la vision chrétienne de l’humanité se présente à l’échelle internationale, notamment aux États-Unis, avec des débats très nourris qui mettent aux prises idéologies séculières et éclairage théologique. Certes, il convient de prendre la distance nécessaire pour apprécier les difficultés d’une cohérence intellectuelle et pratique dans un contexte complexe. On peut ne pas soutenir unilatéralement certaines positions du vice-président américain J. D. Vance. Du moins celui-ci a-t-il le mérite de rendre compte de ses choix en référence à une tradition intellectuelle qui peut aller de saint Augustin à René Girard. Plût au Ciel que ce fût le cas chez nous, où une lointaine appartenance à la démocratie chrétienne ne provoque pas une telle recherche de cohérence.
Sans doute dans l’univers pluraliste qui est le nôtre n’est-il pas toujours facile de maintenir une claire identité chrétienne qui risque de s’évanouir dans des compromis ruineux. Mais les papes le rappellent : il ne saurait être question que l’Église abdique sa liberté et se fondre dans les idéologies modernes. C’est pourquoi il importe que les règles de la démocratie d’une société pluraliste respectent le mode propre d’existence et de pensée de la tradition chrétienne. D’où la responsabilité particulière des chrétiens qui s’engagent sur le terrain politique. C’est à eux de trouver les formules qui mettent en accord leurs convictions avec le service du bien commun.
Des ressources pour la société
Nous nous sentons, de ce point de vue, en accord avec le Père Bernard Bourdin (La Croix du 3 septembre) qui prend acte de la disparition d’une démocratie chrétienne européenne, qui « n’est au fond qu’une version de la crise globale du politique en Europe et plus largement dans le monde », et dont François Bayrou a été un représentant. Et le religieux de préciser : « L’action politique sans ressources philosophiques ou spirituelles est condamnée à n’avoir aucune perspective d’ensemble pour le pays que les responsables politiques ont l’ambition de gouverner. » Dans un climat délétère, il convient de redéployer un véritable esprit politique chrétien, car l’Église a les ressources pour mettre en valeur tout ce qui convient à nos sociétés. Même les non-chrétiens peuvent s’y reconnaître en y découvrant les conditions d’un renouveau civique.