Quelles pistes pour l’école catholique ? - France Catholique
Edit Template
Menaces sur l'école catholique
Edit Template

Quelles pistes pour l’école catholique ?

Enseignants, parents d’élèves, fondateurs d’écoles libres… France Catholique a sollicité divers intervenants qui, tous, ont des propositions à faire pour l’éducation chrétienne des enfants.
Copier le lien

Des élèves de l’Institution des Chartreux, à Lyon. © Gonzague de Sallmard

« Affecter des prêtres à l’enseignement »

P. Jean-Bernard Plessy, supérieur du groupe scolaire des Chartreux (Lyon)

« Les jeunes attendent une espérance. Ils n’ont pas forcément le réflexe de la paroisse quand ils ont 14 ans, mais ils vont à l’école : c’est là qu’il faut les attendre et les accompagner. Saint Jean Bosco l’avait bien compris ! Nos écoles ont besoin de prêtres. Il faut oser faire le choix du sacerdoce dans les établissements catholiques. C’est urgent. Il y a des vocations. Encore faut-il instruire les jeunes du mystère chrétien si l’on veut qu’elles s’épanouissent naturellement. Sans prosélytisme. Ces dernières années, je suis allé à sept ou huit professions solennelles de jeunes filles qui sont d’anciennes élèves des Chartreux. Les garçons, c’est un peu plus long, mais certains l’envisagent. Et à qui pourraient-ils parler de leur vocation, si ce n’est à des prêtres dans la cour de leur école ? Nous emmenons chaque année 70 à 80 jeunes en randonnée au Grand-Saint-Bernard. L’un d’eux, que j’ai baptisé dans la nuit de Pâques, m’a dit : “Je suis monté en païen, je suis redescendu en catéchumène.” C’est magnifique ! Allons au contact des jeunes là où ils se trouvent. Si nous ne le faisons pas, ils nous feront le reproche, dans l’éternité, de ne pas y être allés. »


« Afficher notre identité »

Marie-Béatrice Pérardel, chef d’établissementSaint-Honoré d’Eylau, à Paris

« Il faut être clair avec les familles, dès l’entretien d’inscription de leur enfant. Nous sommes ouverts à tous mais notre projet est catholique. Même si la loi ne définit pas le “caractère propre” de nos écoles, notre statut du chef d’établissement est clair : il nous revient de “veiller à ce que la foi catholique soit proposée à tous et à ce que les chrétiens de la communauté éducative, enfants, jeunes ou adultes, puissent partager leur foi, la célébrer et l’annoncer”. Je dis bien aux familles que nous allons fêter Noël, réciter une prière au moment du Carême, célébrer Pâques… Les enfants qui le souhaitent assistent à la catéchèse, les autres à un cours de culture chrétienne. Certains élèves qui ne sont pas catholiques viennent assister à la messe, et cela se fait dans une grande sérénité. Les polémiques sur l’enseignement catholique me semblent bien artificielles. J’aimerais beaucoup que les évêques nous soutiennent en rappelant la spécificité de nos écoles et notre mission. »


« Oser l’école hors contrat »

Une mère de famille

« J’ai mesuré, en quelques années, l’évolution du privé sous contrat. L’aînée de nos filles, qui a 30 ans aujourd’hui, a fait sa scolarité dans un établissement dirigé par une demoiselle de la communauté apostolique Saint-François-Xavier. Lors de la réunion de rentrée, elle nous a dit : “Je n’ai pas donné ma vie pour que vos filles aient le bac.” L’éducation humaine et spirituelle était pour elle essentielle. C’est justement ce que nous recherchions : un établissement qui dispense une éducation cohérente avec celle que nous donnions à la maison. Onze ans plus tard, nous sommes retournés dans cet établissement dans l’intention d’y inscrire notre dernière. Mais la nouvelle directrice – une laïque – ne nous a parlé que des notes et de l’enseignement académique. C’était très décevant. Nous avons préféré choisir un collège hors contrat, qui avait conservé son âme, et nous en avons été très heureux, bien que le coût de la scolarité y soit plus élevé. C’est un sacrifice pour des familles qui ne sont pas toutes riches, loin de là, mais elles s’y résignent pour le bien de leurs enfants. »


« Oser la liberté »

Hervé Catala, président de l’association des amis de l’abbaye de Bassac (Charente)

« Beaucoup de pays étrangers, culturellement proches de nous, accordent aux écoles privées, confessionnelles ou non, bien plus de libertés qu’elles n’en ont en France. C’est le cas notamment en Suède avec les friskols, au Royaume-Uni avec les charter schools, mais aussi aux Pays-Bas et en Nouvelle-Zélande, par exemple. Aux États-Unis et en Allemagne, cela dépend des États et des Länder, en raison de leur organisation fédérale. Ces écoles, pourtant largement financées par l’État, bénéficient d’une très large autonomie administrative et d’une liberté pédagogique presque totale – à condition que les professeurs aient la certification nécessaire pour enseigner. Elles peuvent recruter librement leurs maîtres, elles peuvent adapter leur pédagogie aux enfants. Ce qui n’est possible, en France, que dans le privé hors contrat, qui ne bénéficie d’aucune aide de l’État, alors que le coût d’une école est important : il faut compter, en moyenne, 600 000 à 700 000 euros pour un collège de 50 à 60 élèves. L’État ignore le bien que nous faisons. En matière de liberté et de subsidiarité, la comparaison n’est pas en faveur de la France… Pourtant, je peux témoigner que les élèves du collège Sainte-Thérèse – fondé par des familles dans le cadre de l’abbaye de Bassac – bénéficient pleinement de l’attention portée à chacun d’eux, dans un cadre éducatif académiquement et spirituellement vivifiant. »

« REFONDER LA FORMATION DES ENSEIGNANTS »

Directeur général du groupe scolaire Saint-Dominique (Le Pecq, Yvelines), François-Xavier Clément est aussi le fondateur d’Alte Academia, qui se consacre à la formation d’éducateurs « libres et responsables ».

« Il serait bon de réformer le recrutement des enseignants du privé. Contrairement à ce que l’on croit souvent, un chef d’établissement sous contrat ne peut plus recruter librement un enseignant. Ce sont des commissions paritaires, composées de syndicats des salariés et de représentants des employeurs, qui affectent les professeurs selon des priorités liées à leur situation administrative. Mais il faudrait surtout refonder leur formation. Beaucoup ne sont plus du tout attachés à l’identité catholique des établissements où, pourtant, ils ont choisi de travailler. L’Église possède une longue et riche tradition de formation – qu’on pense aux oratoriens, aux jésuites, aux Frères des écoles chrétiennes… Mais les Instituts supérieurs de formation de l’Enseignement catholique (ISFEC) qui subsistent dans chaque académie sont désormais arrimés au système public et soucieux surtout d’appliquer les orientations des inspecteurs de l’Éducation nationale. Nous sommes à des années-lumière de l’enseignement de l’Église : “L’éducation véritable doit avoir pour but la formation intégrale de la personne humaine ayant en vue sa fin dernière en même temps que le bien commun de la société” (Gravissimum educationis, 1965). C’est cette préoccupation qu’il faut inculquer aux maîtres, et qu’ils devraient garder à l’esprit. Le droit canon les incite à se distinguer par “la rectitude de la doctrine et la probité de leur vie”. Les évêques ont l’éminente responsabilité de rappeler la dimension évangélique de l’éducation catholique, et ses fondements anthropologiques. »



La voie de l’éducation intégrale. En famille et à l’école : des enfants heureux, libres et responsables, François-Xavier Clément, éd. Artège, 2021, 360 pages, 19,90 €.