« C’est une guerre qui nous est menée » estime le directeur de l'Immaculée-Conception de Pau - France Catholique
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Menaces sur l'école catholique
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« C’est une guerre qui nous est menée » estime le directeur de l’Immaculée-Conception de Pau

Le directeur de l’Immaculée-Conception, à Pau, avait été suspendu par le rectorat. Une décision annulée par le tribunal administratif en juin. Il raconte son épreuve.
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Célébration de la fête de l’Immaculée Conception, le 8 décembre, dans l’établissement de Pau. © Immaculée-Conception à Pau

De quoi vous accusait-on ?

Christian Espeso : On m’a reproché plusieurs « crimes » : d’oser faire du catéchisme dans un établissement catholique, et donc de « piétiner » la liberté de conscience des élèves. On m’a accusé aussi de ne pas respecter la liberté pédagogique des enseignants. Mais où est la liberté si l’on oblige l’école catholique à se cantonner aux programmes de l’Éducation nationale ? Ces programmes, nous les avons toujours appliqués avec scrupule – nous veillons à respecter les termes du contrat d’association avec l’État. Mais ils ne sont qu’une borne inférieure : rien ne nous interdit d’aller au-delà, dans l’intérêt des élèves qui méritent le meilleur. Ce faisant, je ne crois pas avoir été infidèle à l’esprit de la loi Debré, ni à celui des fondateurs de l’école républicaine dont mes accusateurs semblent avoir oublié l’ambition d’excellence, bien qu’ils s’en réclament…

Ne vous reprochaient-ils pas, surtout, d’être « trop » catholique ?

Trop catholique, je ne sais pas ce que cela signifie. Nous respectons le principe de laïcité. Mais la laïcité, ce n’est pas la neutralité. Certains voudraient bannir Dieu de nos établissements au nom d’une étrange conception de la liberté. Or nous sommes catholiques. Il n’est pas question d’esquiver la question de Dieu – sans doute la plus importante que la raison soit appelée à affronter. Nous le faisons, hors temps scolaires, en proposant aux élèves qui le souhaitent de vivre pleinement leur foi. Dans l’Eucharistie, dans la prière. Mais nous évoquons aussi la religion catholique dans un enseignement où nous abordons également le judaïsme, par exemple. Et cette instruction religieuse est évidemment dispensée dans le cadre scolaire, pour que tous les élèves puissent en bénéficier, dans le cadre de la « laïcité d’intelligence » chère à Régis Debray.

Pensiez-vous subir un jour cette épreuve ?

L’intolérance et l’ignorance à l’égard de la foi catholique se sont accrues. Au point que nous sommes aujourd’hui conduits à répondre de notre travail et de nos convictions devant les tribunaux. Les attaques que nous subissons sont de plus en plus vives, et coordonnées. Nous sommes en face d’une offensive dont l’Enseignement catholique commence à prendre la mesure. Je me suis retrouvé bien seul face au rouleau compresseur du rectorat qui s’est mis en branle pour contrôler mes décisions et tenter de me prendre en défaut, sur le fondement de trois témoignages anonymes, aussi vagues que subjectifs. Des prêtres, travaillant à l’Immaculée-Conception, ont été entendus. On a cherché à nous criminaliser. Même SOS Racisme s’en est mêlé ! Heureusement que j’avais à mes côtés un avocat compétent qui a consacré l’essentiel de son temps à la défense de cette cause d’intérêt public. Mais quelle épreuve ! J’ai relu récemment L’Archipel du goulag. Je comprends mieux ce qu’a décrit Soljenitsyne.

Une certaine presse ne vous a pas non plus épargné…

L’« affaire » a commencé par un article de Libération, qui colportait les accusations portées par certains syndicats. Puis Mediapart s’en est mêlé, reprenant les mêmes mots, les mêmes tournures que celles du rapport d’inspection. Sans oublier Charlie Hebdo… Ce que j’ai subi, d’autres chefs d’établissement le subissent maintenant : l’orchestre joue encore l’air de la calomnie. Il faut que nous puissions nous défendre contre ces campagnes de diffamation. Les médias sont une pièce importante de ce puzzle.

Y voyez-vous une forme de persécution ?

C’est une guerre qui nous est menée : certains veulent abattre l’enseignement catholique. Derrière des formulations vagues et des témoignages subjectifs, le rapport de l’inspection ne révèle pas de manquements réels au contrat d’association mais témoigne du refus d’accepter la spécificité de l’enseignement catholique, pourtant garantie par la loi. Or nous sommes souvent trop tièdes. Nous sommes à la remorque de ce que décident les « laïcistes » au mépris du « caractère propre » de nos établissements. Quand Vincent Peillon [ancien ministre de l’Éducation nationale, NDLR] publie sa Charte de la laïcité en 2013, le Secrétariat général de l’Enseignement catholique lui emboîte le pas et diffuse aussitôt un texte de la même eau… Nous adoptons leur conception quasi religieuse de la laïcité. Or la laïcité n’est pas une religion de substitution. J’espère que le nouveau secrétaire général mènera le combat qu’on nous impose. Le bon combat. Il est temps de rappeler l’enseignement de l’Église en matière d’éducation, d’ailleurs fondé sur une longue expérience.

Que faut-il faire pour endiguer cette offensive ?

Au niveau local, ne nous laissons pas intimider par des inspecteurs dont certains outrepassent leurs pouvoirs. Osons, au contraire, des propositions pastorales audacieuses, comme nous y invite Mgr Aillet dans son dernier livre, L’Église face au monde moderne. L’école catholique n’est pas une école comme les autres, mais un lieu où l’Évangile est proposé comme une lumière. Il ne nous est pas permis de la mettre sous le boisseau. Ce qui suppose aussi que l’équipe éducative soit cohérente, et les enseignants convaincus de leur mission. La formation des maîtres, et celle des chefs d’établissements, méritent d’être réformées.

Au niveau national, le Secrétariat général devrait rappeler clairement que la loi garantit le caractère propre de l’école catholique. Cette offensive met en danger le pluralisme scolaire. Il faut s’armer pour y répondre. Ce qui passe par la mise en place d’une veille juridique pour livrer les combats que certains veulent nous imposer. Que peut-on faire dans le cadre de la loi ? Comment garantir la liberté d’enseignement qui a valeur constitutionnelle ? Cela suppose aussi que les chefs d’établissement indûment attaqués bénéficient d’une assistance juridique : c’est notre liberté qui est en cause. Et notre dignité. Le jugement rendu à Pau rappelle que la justice demeure une garantie essentielle contre les attaques infondées. Loin d’être un instrument idéologique, la laïcité est confirmée par le tribunal comme un principe d’équilibre et de liberté que certains voudraient travestir en dogme d’exclusion.

Qu’attendez-vous des évêques ?

Mgr Aillet, l’évêque de Bayonne, ne m’a jamais lâché. J’aurais aimé que la Conférence des évêques de France monte elle aussi au créneau. Nous avons besoin de l’assistance juridique du Secrétariat général, et du soutien spirituel de nos évêques. Je veux aussi remercier le sénateur Max Brisson, ancien inspecteur général, qui a pris la parole au risque de déplaire, en restant fidèle à une certaine idée de l’école et de la liberté d’enseignement.