Pourquoi avoir fait le choix du hors contrat ?
Hubert de Saizieu : Tout simplement pour être libres. Libres d’affirmer notre caractère catholique. Et libres de dispenser un enseignement classique, structuré, qui réponde au désir des parents d’éduquer leurs enfants de façon cohérente, dans l’unité de l’être. Les parents sont les premiers éducateurs, et notre œuvre n’est qu’une œuvre auxiliaire, comme l’enseignent la loi naturelle et l’Église pour aider les familles dans leur tâche d’éducation. Or les écoles vraiment catholiques sous contrat subissent des contraintes qui peuvent aller à l’encontre de la cohérence que recherchent les familles qui inscrivent leurs enfants dans notre établissement.
Comment cette volonté de cohérence se traduit-elle ?
Nous plaçons notre enseignement sous la lumière de la foi catholique. La foi et la raison ne s’opposent pas, au contraire elles se complètent. Jean-Paul II l’a d’ailleurs souligné dans une encyclique d’une grande clarté. Bien sûr, il n’y a pas de mathématiques « catholiques » – même si la foi peut éclairer la science, comme le prouve l’histoire de l’Église qui compte d’immenses savants. Mais, chaque fois que c’est possible, nous établissons des ponts entre la foi et la raison, notamment dans les matières littéraires, et des correspondances entre les matières, puisque « tout est lié ». Le but d’une éducation chrétienne n’est pas seulement d’instruire, mais de former la personne : dans son intérêt – il apprend à connaître les voies du Salut – et dans celui de la collectivité, car nous l’intéressons au bien commun.
Chez nous, le catéchisme – assuré par des institutrices ou des prêtres au collège – n’est pas facultatif, l’assistance aux offices non plus. Ceux de nos élèves qui ne sont pas catholiques – il y en a quelques-uns – ne vont évidemment pas communier, ils ne vont pas non plus se confesser, mais la règle est claire et cela ne pose aucun problème. Il y a un temps de prière le matin, un autre le soir. Des messes très régulièrement. Un cours de culture religieuse au collège, distinct du catéchisme. Les élèves de 6e passent une semaine, en classe verte, à l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, dans le Vaucluse. Et ceux de 3e font une récollection de trois jours au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon, dans l’Orne. Cet enseignement bénéficie à tous.
Le hors contrat garantit cette cohérence et cette liberté pédagogique ?
Absolument. Nous sommes libres de choisir nos enseignants et de nous en séparer si cela s’avérait nécessaire, dans le respect du droit du travail, évidemment. Ce qui ne signifie pas que l’État n’exerce pas un certain contrôle, mais dans un cadre bien moins contraignant que celui du sous-contrat. Nous sommes tenus de respecter le socle pédagogique, il y a un programme à tenir, ne serait-ce que pour présenter nos élèves aux examens – en l’occurrence le brevet des collèges – mais ce n’est pas un problème car il s’agit pour nous d’un minimum.
Nous avons, par exemple, instauré des cours d’histoire de l’art dès la fin de l’école primaire, pour ouvrir les esprits et les cœurs à la beauté de notre civilisation. Cela permet aussi de faire le lien avec l’enseignement d’histoire qu’ils suivront : par exemple en 6e sur l’Antiquité grecque et romaine, mais aussi avec le Moyen Age, la Renaissance, l’époque moderne et l’époque contemporaine dans les années suivantes. Nous avons aussi des cours de dessin, de chant et de musique. Parce que la formation de la personne passe par l’apprentissage des choses belles et concrètes. Nous portons un intérêt réel à la dimension artistique et aux activités manuelles et physiques. L’idée, c’est de former des hommes et des femmes complets. C’est pourquoi tous les collégiens font aussi du latin, dès la 6e et du grec, dès la 4e. Pas dans un but élitiste, mais pour qu’ils aient un contact avec ces civilisations dont nous avons tant hérité.
Depuis la rentrée, les écoles sous contrat doivent appliquer le nouveau programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) de l’Éducation nationale. Abordez-vous ce sujet dans votre établissement, et comment ?
Nous avons un enseignement sur ce thème, des intervenants extérieurs qui l’abordent, mais toujours à la lumière de la foi catholique – ce qui n’est malheureusement pas le cas du programme EVARS. Les parents sont prévenus, c’est normal, et ils peuvent demander à ce que leur enfant n’y assiste pas, mais aucun ne le fait. Je pense qu’ils sont heureux, au contraire, que nous évoquions ce sujet dans une optique chrétienne, de façon respectueuse. Cela fait partie de la formation intégrale de la personne.
Quelles mesures jugeriez-vous utiles pour développer un enseignement authentiquement catholique. Faut-il offrir aux familles la faculté de créer plus d’écoles hors contrat ?
Ce que nous avons réalisé répond à une nécessité, en tous cas à un besoin exprimé par des parents. Ce n’est qu’une partie de la solution, mais qui peut être transposée. Il faut un peu d’abnégation – et même beaucoup ; croire en la Providence ; et conserver toujours une approche très professionnelle. Un établissement comme le nôtre est une petite entreprise, à but non lucratif bien sûr, mais qui compte quand même 35 salariés.
Par ailleurs, je ne comprends pas que l’Église ait cédé, dans trop d’endroits, sur le caractère spécifique de l’enseignement catholique. Il y a cependant d’excellents établissements catholiques sous contrat, avec des enseignants dévoués – preuve que l’on peut affirmer sa vocation, à condition de le vouloir. L’enseignement de l’Église, sa tradition, son histoire : tout cela constitue un trésor absolument fascinant ! Il faut vouloir le transmettre. Il faut oser ! Nos évêques ont, dans ce domaine, une éminente responsabilité. Ils ont un fabuleux instrument dans les mains, et ils ont du temps – beaucoup plus, en tout cas, que n’en a un chef d’entreprise. Et croyez-moi, bien des parents et des enseignants suivraient ! Il faut être clair dans sa tête, savoir où l’on veut aller. Et oser.