Fin de vie : l’Assomption, source d’espérance - France Catholique
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Fin de vie : l’Assomption, source d’espérance

Alors que la loi sur la fin de vie a investi le débat public, quel enseignement peut-on tirer de l’Assomption de la Vierge Marie, fêtée le 15 août ?
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L’Assomption de la Vierge, 1637, Guido Reni (1575–1642).

L’Assomption de la Vierge, 1637, Guido Reni (1575–1642).

Comment affronter la mort ? Notre époque ne sait plus comment faire, c’est entendu. Mais ça n’a jamais été facile, ne racontons pas d’histoire ; la mort est un scandale, nous ne sommes pas faits pour elle. De tous les animaux, nous sommes d’ailleurs les seuls à aspirer à l’immortalité et, donc, à souffrir de l’anticipation de la mort : « Chez les bêtes, écrit saint Thomas, on ne trouve pas le désir d’une existence perpétuelle, si ce n’est sous la forme de l’instinct générique de perpétuation de l’espèce […]. La bête n’appréhende rien de tel qu’une existence individuelle perpétuelle, car le désir des bêtes se règle sur leur mode d’appréhension de l’être. Or l’appareil sensoriel des bêtes n’appréhende l’être que sous le mode de l’ici et du maintenant. Il est donc impossible que les bêtes aient l’idée de la perpétuité, ni par conséquent qu’elles en forment le désir » (Somme contre les gentils, II, 82, 4).

Apprivoiser la mort

Mais il est vrai que par les rites, par les croyances, par la foi, les hommes ont su apprivoiser la mort, lui donner une espèce de sens, capable d’en rendre la perspective, et même la vue, plus tolérables. Par l’approfondissement de la vie morale, ils ont pris conscience que cette vie n’est pas le dernier objet de nos désirs. Qu’il y a autre chose, qu’on peut au moins l’espérer. Ainsi la mort a-t-elle pu apparaître comme le rite de passage ultime, le rite de passage absolu, celui qui mène vers la contrée divine.

Le malheur est qu’en Occident, la disparition quasi complète de tout cadre métaphysique, de toute sacralité, de toute foi en l’immortalité véritable, de toute espérance, et, partant, de tout rituel significatif, a transformé la mort en tabou absurde et indicible. Au milieu d’une existence aplatie, elle est comme un trou noir irregardable. Le seul but étant la maximisation du bien-être matériel dans le supermarché mondial, la mort apparaît comme un arrêt brutal des programmes, une malfaçon du constructeur, confirmant que la vie n’a pas de sens en dehors du divertissement permanent – puisque, précisément, il faut se distraire de « ça », de cette horreur au bout du couloir, et s’en distraire à fond.

La réaction du corps social s’ensuit logiquement : il ne faut pas penser à la mort, ne pas la montrer, ne pas même la nommer – on dira : « disparition », « décès », « soin ultime » – ne pas l’attendre, ne pas s’y préparer, ne pas la rencontrer. Et par un mécanisme de prévention radicale, l’idée commence à germer que la meilleure façon d’ôter son pouvoir à la mort, c’est de s’y précipiter, de « se terminer » ou de « se faire terminer » avant qu’elle n’arrive.

Une mort acceptée

Au milieu de ce désarroi se dresse un contre-exemple pour tous les hommes, et une voie d’espérance. C’est l’Assomption de Marie. Rappelons d’abord que la Vierge est bel et bien morte – morte comme vous et moi nous mourrons – après une vie transpercée par les douleurs et les joies que lui donna son fils. Cette mort, elle l’a acceptée comme tout le reste, en disant « qu’il me soit fait selon ta volonté ». Mais, comme le proclama Pie XII, « ayant achevé le cours de sa vie terrestre, Marie a été emportée – assumpta – avec son corps et son âme pour la gloire céleste ». Pour elle, en effet, la résurrection intervint sans attendre ; son corps n’eut pas à connaître la dégradation du tombeau. « En ce jour, écrit saint Jean Chrysostome, le trésor de la vie, l’abîme de grâce, – je sais à peine comment on peut oser l’exprimer sans frémir – est recouvert d’une “mort vivifique”. Mais c’est sans crainte que Marie s’en est approchée, elle qui avait donné naissance à celui qui a détruit la mort » (Homélie sur l’Assomption). Ce que nous contemplons dans l’Assomption de Marie, c’est bien la signification chrétienne de la mort, qui est d’être à la fois une épreuve et l’ouverture d’une espérance. Et c’est parce que Marie, après son Fils, nous donne l’espérance, que nous pouvons supporter l’épreuve.

Sans cela, il est normal de vouloir sombrer dans l’inconscience et, en quelque sorte, mourir avant de mourir. Mais si l’on regarde Marie avec confiance, il est infiniment préférable de mourir à son heure, conscient de ce qui se passe, car cela permet de préparer son âme. Je citerai ici saint François de Sales : « Comment est-ce que Notre-Seigneur, qui aimait si tendrement et si fortement sa sainte Mère, ne lui donna pas le privilège de ne point mourir ? Puisque la mort est la peine du péché, et qu’elle n’en avait jamais fait aucun, pourquoi est-ce qu’il la laissa mourir ? Ô mortels, que vos pensées sont contraires à celles des saints, que vos jugements sont éloignés de ceux de la divine Majesté ! Ne savez-vous pas que la mort n’est plus ignominieuse, mais qu’elle est précieuse depuis que Notre-Seigneur et Maître se laissa attacher par elle sur l’arbre de la croix ? » Ces paroles ne sont pas faciles, mais elles donnent la clé : mourir, ce n’est pas disparaître, ce n’est pas crever comme une bête, ce n’est pas sombrer dans le néant, c’est s’attacher à Jésus-Christ sur la croix, s’agripper à lui comme au seul vrai Passeur, car il a connu la mort, il l’a traversée – et il l’a vaincue pour l’éternité.