Mgr Athanasius Schneider : « Le relativisme est la grande hérésie de notre temps » - France Catholique
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Mgr Athanasius Schneider : « Le relativisme est la grande hérésie de notre temps »

Tout au long de son histoire, l’Église fut confrontée à de nombreuses hérésies mais parvint à les défaire. Entretien avec Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Kazakhstan) et auteur de Fuyez l’hérésie (éd. Contretemps).
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Mgr Athanasius Schneider.

© Fr lawrence Lew / CC by-nc-nd

Comment l’Église a-t-elle surmonté le foisonnement des hérésies propres aux premiers siècles ?

Mgr Athanasius Schneider : Parce que l’Église est l’Église de Dieu ! Et que le Christ a dit : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière » (Jn 16, 13), ainsi que « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). C’est pourquoi l’Église expulse ce qui est faux et clarifie ce qui est vrai, comme l’ont fait les Apôtres depuis le début.

Quelle attitude l’Église observe-t-elle face à l’hérésie ?

Tout dépend de la gravité de l’hérésie mais, le plus souvent, l’Église applique la méthode reçue du Christ lui-même. D’abord, l’avertissement, en admonestant celui qui professe l’hérésie – en général, plutôt des clercs et très rarement des laïcs ! L’Église doit le conseiller avec bienveillance afin de chercher son salut en le sauvant de l’erreur. Ensuite, il faut attendre : s’il persiste dans l’hérésie, l’Église convoque d’habitude une sorte de concile ou de synode pour exposer clairement au peuple et à elle-même les raisons qui lui permettent de qualifier l’hérésie et de rappeler la vérité. Cela donne une nouvelle chance à l’hérétique de professer la foi de l’Église. Mais s’il rejette cela aussi, alors il faut l’excommunier, afin qu’il n’endommage pas le corps tout entier. S’il se repent, il pourra être réintégré au sein de l’Église.

Qui doit combattre l’hérésie ?

C’est la tâche de la hiérarchie de l’Église : le Pape et les évêques. Le fidèle aussi doit agir : s’il entend un enseignement erroné, il est obligé, par la promesse de son baptême, de dire à la personne qui répand une doctrine fausse que ce qu’elle dit n’est pas conforme à la foi, et de professer clairement la foi catholique à son égard.

« Il faut qu’il y ait même des hérésies parmi vous », écrit saint Paul… Dieu veut-il les hérésies ?

Il est certain que Dieu ne veut pas d’hérésies, parce que l’hérésie est une négation de la Parole de Dieu. Un péché contre l’Esprit, d’une certaine manière. L’hérésie est donc un mal. Et de même que Dieu ne veut pas de nos péchés, de même qu’il n’a pas voulu du péché d’Adam et Ève, dans sa grande générosité, sa patience et sa sagesse, il tolère pourtant l’existence du mal. Car, comme l’a dit saint Augustin, Dieu ne veut pas le mal, mais il le permet pour en tirer un plus grand bien. En l’occurrence, l’existence de l’hérésie est aussi une occasion d’affirmer la vérité et de prouver la fidélité des croyants, comme l’explique saint Paul par la suite du verset : « Il faut qu’il y ait même des hérésies parmi vous, afin que ceux qui sont dignes d’approbation, soient manifestés parmi vous. »

Notre époque a-t-elle une grande hérésie ?

De nos jours, nous assistons, je pense, à la plus dangereuse des hérésies, qui n’est pas formellement définie, mais qui existe de facto : le relativisme complet en ce qui concerne la vérité. L’essentiel du relativisme est que la vérité n’est pas permanente, qu’elle peut changer avec le temps. Cette idée a pénétré la pensée de tant de théologiens et d’évêques… Il y a par exemple l’idée selon laquelle l’homosexualité, qui n’était pas acceptée dans les siècles passés, devrait l’être de nos jours car l’époque a changé et que, dès lors, les unions homosexuelles ne doivent plus être considérées comme un péché, contrairement à ce que l’Église a toujours enseigné. Ou encore que toutes les religions sont des voies de salut et que les peuples peuvent être sauvés « à leur manière » : Dieu aurait donné aux uns l’Église, aux autres le judaïsme ou l’islam…

Le relativisme explique-t-il le changement de ton de l’Église face à l’erreur ?

Le changement s’est opéré avec le pape Jean XXIII, dans son célèbre discours d’ouverture du concile Vatican II, lorsqu’il a déclaré : « [L’Église] estime, plutôt que de condamner [l’erreur], qu’elle répond mieux aux besoins de notre époque en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine », ajoutant « qu’aujourd’hui les hommes semblent commencer à condamner d’eux-mêmes [les doctrines et opinions fausses]. » C’est une sorte de déni complet de la réalité et du péché originel…

Jean XXIII a été victime d’une illusion alors que, de son temps, la société consumériste avait déjà commencé à rejeter le Christ et ses doctrines divines. Imagine-t-on un médecin ou un ministre de la Santé promouvoir la santé, tout en refusant d’avertir sur les dangers des maladies ? Cela ne veut pas dire qu’il faille revenir par exemple au temps de l’Inquisition, qui a été très sévère. Nous pouvons condamner l’erreur sans pour autant renoncer à être patient, de manière claire et systématique, comme un bon père qui aime ses enfants et les avertit des dangers. C’est pourquoi l’Église doit non seulement parler des erreurs et les condamner, mais également déclarer anathèmes ceux qui les professent.

Le mot peut aujourd’hui faire peur…

Quand il est écrit sur la bouteille d’un produit ménager qu’il s’agit d’un liquide dangereux qu’il ne faut en aucun cas ingérer si l’on ne veut pas mourir, qu’est-ce sinon une forme d’anathème ? Si quelqu’un dit par exemple que Jésus-Christ n’est pas Dieu, il est anathème car, en plus de se mettre en danger et de blasphémer le Christ, il met tous les autres fidèles en danger.

Pie IX avait rédigé en son temps un « Syllabus », une liste d’erreurs auxquelles il répondait. Faut-il un nouveau Syllabus ?

C’est plus qu’urgent. Face à la situation actuelle où règnent bon nombre d’hérésies, de négations de la vérité, ou encore des demi-vérités, l’Église doit faire une sorte de profession de foi, où elle rappelle d’abord la vérité et en identifie le contraire, afin de simplement donner aux fidèles une orientation pour les protéger. C’est pourquoi j’espère et je prie pour que Léon XIV publie un tel document, comme l’a fait par exemple Paul VI en 1968 avec son Credo du peuple de Dieu.

Pourquoi la Vierge Marie porte-t-elle le titre de « Destructrice de toutes les hérésies » ?

Parce que la Vierge, selon les Saintes Écritures, est celle qui écrase la tête du serpent, c’est-à-dire du diable. Elle l’a d’ailleurs vaincu dans son Immaculée Conception et nous a apporté la vérité : Jésus-Christ. Par conséquent, tous ceux qui vénèrent Notre-Dame fuiront l’hérésie, parce que cela reviendrait à s’opposer à son Divin Fils. Il ne peut y avoir de contraste plus grand entre l’hérésie et la Sainte Vierge !

Qui est selon vous celui qui fut le plus exemplaire contre l’hérésie ?

Saint Athanase, bien sûr, parce qu’il a été une figure rare dans les 2 000 ans d’histoire de l’Église qui s’est battue uniquement pour sa fidélité à la vérité totale, alors que de nombreux évêques voulaient faire des compromis avec la foi arienne. Il a refusé, rappelant que Jésus était pleinement Dieu. Il n’inventait rien ! Il disait être simplement fidèle à la vérité reçue dans son enfance de son évêque. Pour cela, il était prêt à tout perdre – il s’est exilé cinq fois ! C’est alors qu’il prononça sa célèbre phrase : « Si le monde entier est contre la vérité, alors je serai contre le monde entier. » Il était prêt à tout perdre, sauf la vérité. Je souhaite que chaque évêque le prenne comme exemple et protecteur. 

Fuyez l’hérésie. Un guide catholique des erreurs anciennes et modernes, Mgr Athanasius Schneider, éd. Contretemps, avril 2025, 256 pages, 20 €.