Le choix des mots est tout sauf anodin. Surtout de la part d’un juriste comme Léon XIV. « Aujourd’hui, la violence belliqueuse semble s’abattre sur les territoires de l’Orient chrétien avec une véhémence diabolique jamais vue auparavant », a-t-il affirmé le 26 juin. Quatre jours plus tôt, deux islamistes ont massacré 30 fidèles et fait 54 blessés dans une église orthodoxe en Syrie. Au milieu du désert d’indifférence de la communauté internationale, la déclaration n’en prend que plus de force.
« Esprits du mal »
La référence au Malin renvoie à ce que dit saint Paul aux Éphésiens : « Nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les forces invisibles, les puissances des ténèbres qui dominent le monde, les esprits du mal qui sont au-dessus de nous » (ch 6).
Évidemment, l’espérance chrétienne ne permet pas de s’en tenir à ce sombre constat. La lumière vient aussi de l’Orient. S’il est important de connaître la nature du véritable ennemi, il est tout aussi capital de tenir que la victoire finale est acquise. Souvenons-nous des premiers mots de Léon XIV à la loggia de la basilique Saint-Pierre, le 8 mai dernier, jour de l’antique fête de la Saint-Michel de printemps : « Dieu vous aime tous, et le mal ne prévaudra pas. » Une déclaration qui rappelle celle de Jésus à Pierre – et à ses successeurs : « Les portes de l’enfer ne prévaudront pas [contre l’Église]. »
Encore faut-il, pour tenir ferme cette espérance surnaturelle, prendre « l’équipement de combat » dont parlait saint Paul. Car les persécutions sont tout à fait concrètes et menaçantes, dans l’actualité comme depuis 2000 ans. C’est pourquoi Léon XIV a de nouveau loué l’enracinement des chrétiens d’Orient dans la beauté et les trésors de leur liturgie, à travers « des chants séculaires imprégnés de louange, de gloire et de mystère ». Selon le Pape, c’est ce sens du sacré qui donne toute sa force à la foi dans l’épreuve des chrétiens d’Orient, jusqu’au sacrifice ultime.
À cet égard, le témoignage donné à l’agence I.Media par l’archevêque de Téhéran, le cardinal Dominique Mathieu, est édifiant. Durant les douze jours de bombardements sur l’Iran, il a vécu dans une quasi-solitude, sans protection particulière, célébrant la messe avec les fidèles qui n’avaient pas déserté la capitale et consacrant une heure à l’adoration du Saint-Sacrement chaque soir.
Ainsi, le mal ne peut être vaincu que par quelque chose de parfaitement pur, affirmait à sa manière, prophétique, la philosophe Simone Weil… Et qui est vraiment pur sinon Jésus-Christ, répandu et communiqué à travers la messe ? À la messe, Dieu défait le mal, par sa puissance de vie plus forte que la mort. C’est aussi le sens du petit exorcisme qu’avait institué Léon XIII à la fin de la messe, avec la prière d’invocation à saint Michel, et que le pape François a remis en vigueur. On a beaucoup insisté sur le fait que le choix du prénom du nouveau Pape était lié à la doctrine sociale de l’Église de Léon XIII. Il se pourrait que ce soit aussi en raison du combat contre le Malin, assumé par son prédécesseur, et dont Léon XIV perçoit toute l’urgence actuelle.