Qu’est-ce que le chœur Ephata et comment est-il né ?
Rogatien Despaigne : J’étais alors en terminale, et « maîtrisien » au chœur de garçons Saint-Dominique, lorsque m’est venue l’idée, avec quelques amis, de fonder le Chœur Ephata. Le but : diffuser les richesses de la musique sacrée polyphonique, axées principalement sur le chant et la voix de nos 32 chanteurs actuels.
Pour y parvenir, nous disposons de deux moyens principaux. Tout d’abord, les concerts à entrée libre. La gratuité de nos représentations permet un accès très large à cette musique, et nous entendons souvent de belles histoires chez nos auditeurs, jeunes ou moins jeunes, mais dont la plupart ne vont jamais au concert. D’autre part, le chant de la liturgie, qui repose lui-même sur trois piliers : le chant grégorien, la polyphonie sacrée et le chant d’assemblée.
Le chant grégorien est la source de toute la musique sacrée occidentale, c’est le chant propre de la liturgie romaine. Il occupe donc une place fondamentale dans la formation des choristes qui nous rejoignent. Chaque année, nous chantons la Semaine Sainte et le grégorien y est à l’honneur.
Dans nos concerts, nous tentons d’ourler tout le répertoire de la polyphonie sacrée dans son écrin originel de création, soit la liturgie. De très nombreux compositeurs ont écrit pour la liturgie. Ainsi, nous pénétrons pleinement dans leur intimité et cherchons à saisir leur démarche spirituelle. Et, en tant que chrétien, c’est également participer à la beauté de la liturgie.Enfin, nous accompagnons l’assemblée par des arrangements et des harmonisations, permettant une unité dans la prière et dans le mystère du culte.
Au mois de juin, vous donnerez trois représentations d’un concert de votre invention : Le Chemin de Dismas. Quels sont les grands thèmes abordés et comment avez-vous conçu cette composition ?
L’an passé, nous avons donné La Passion selon Saint Jean en l’église Saint Roch, à Paris. Il s’agissait d’un concert sur toile, appuyé par l’émouvante scénographiede Bruno Desroches. Bien souvent, les auditeurs ne sont pas des amateurs de musique chorale et sacrée. Et leurs retours ont été particulièrement enthousiastes. Grâce à la mise en scène que nous avions choisie, la musique les atteignait d’une manière bien plus concrète.
Le Chemin de Dismas s’inscrit dans une même idée : faciliter l’écoute d’immenses chefs-d’œuvre que le commun des mortels n’a plus l’habitude d’entendre, que ce soit à l’église ou dans la vie quotidienne. Il nous semblait donc important de raconter une histoire. Et c’est dans cette optique que nous l’avons composée. Dismas est un personnage fictif, inspiré de figures de l’Ancien Testament, et même de nos contemporains. Il souffre énormément, il est au bord du gouffre, à tel point qu’on se demande s’il ne va pas mettre fin à ses jours. Tout au long du concert, il nous livre ses réflexions, et remet finalement son espérance en Dieu. Au sein de ce récit chanté en français par un soliste ténor, nous insérons de grands chefs-d’œuvre du répertoire classique, et en particulier des compositions allemandes de la généalogie Bach, Mendelssohn, Bruckner et Reger.
Depuis combien de temps êtes-vous sur ce projet ?
Nous avons commencé les répétitions au mois de janvier. Ce concert s’inscrit dans le jubilé 2025, placé par le pape François sous le signe de l’Espérance. Dismas est le prénom que la tradition donne au Bon Larron, symbole même de la miséricorde et de l’espérance. Quoi que l’on fasse, Dieu marche avec nous.
Pourquoi avoir composé ce récit choral en français ?
Tout comme Bach écrivait en allemand, dans la langue de son peuple, la raison est toute simple : briser le plus de barrières possible afin d’attirer un public extrêmement large, proposer à nos contemporains des chefs-d’œuvre du passé et les attacher ainsi à la tradition.
Qui est à l’origine de l’écriture et de la composition ?
J’ai la grâce d’avoir un frère prêtre qui a conçu le récit avec nous. De mon côté, j’ai composé la musique, grâce à ma formation de musicien et de chef de chœur.
En quoi le Chœur Ephata est-il œuvre d’évangélisation, et pourquoi la musique serait-elle l’un des meilleurs moyens d’atteindre cet objectif ?
Je suis convaincu que la musique, qui passe par les sens pour atteindre le cœur, nous lie tous. Celle que nous chantons est tellement belle ! Et tout ce qui est beau est un infime reflet de la grâce de Dieu, source de toute beauté. Ainsi, produire de la beauté ne peut que nous rapprocher du Seigneur. Voilà en quoi nos auditeurs peuvent être touchés. Nous ne faisons pas de discours prosélytes ni de grands sermons. Mais nous chantons, et le Bon Dieu fait le reste.
Nous avons bien un objectif d’évangélisation. Nous sommes un chœur chrétien, et nous ne nous en cachons pas. Nous présentons uniquement des concerts spirituels et de musique sacrée. Mais le but est d’atteindre le plus de gens possible. D’où cette histoire du Chemin de Dismas, qui est en fin de compte très actuelle. Dismas est complètement anéanti et révolté. Chacun peut s’identifier à ce personnage et suivre sa réflexion. Il demande de l’aide mais se sent abandonné par Jésus qui, pourtant, est bien présent.
Avez-vous reçu des soutiens particuliers pour cette série de concerts ? Et comment promouvoir le Chœur Ephata par la suite ?
Nous sommes soutenus par la CVEC (Contribution de vie étudiante et de campus) et par le Crous. La Fondation Notre-Dame est également à nos côtés, tout comme des bienfaiteurs particuliers, somme toute assez peu nombreux. Nous sommes donc désireux de développer des partenariats avec des entreprises et des associations, et de promouvoir l’accès à la musique chorale en trouvant de nouvelles formes de concerts et de compositions. Nous avons également produit un CD, intitulé L’Offrande, publié par Bayard Musique. Nous y avons enregistré une petite vingtaine de chants d’assemblée que nous avons enrichis d’harmonisations originales pour chœur.
Et pour la suite ?
Nous nous produisons cet été en Normandie, à l’abbaye de la Lucerne et à Coutainville. Nous donnons deux dates et chanterons Le Chemin de Dismas, ainsi qu’un autre programme autour de deux cantates de Bach, avec orchestre. Nos projets de l’année prochaine ne sont pas encore définitifs. Nous poursuivons nos recherches en nous tournant vers de nouvelles formes de concerts qui puissent rendre la musique sacrée accessible à tout un chacun et surtout la faire aimer.