Le Père Ibrahim Amos, curé de l’église Saint-Gérald-Quasi à Kurmin Risga, au nord-ouest du Nigeria, a été libéré le 30 avril, après quatre jours de captivité. Mais tous n’ont pas cette « chance ». Andrew avait 21 ans. Le 3 mars, il était au presbytère de l’église catholique Saint-Pierre d’Iviukhua-Agenebode, au sud du pays, lorsque des hommes armés ont attaqué le bâtiment. Après avoir fracassé portes et fenêtres, ils ont kidnappé le jeune séminariste, avant de l’assassiner. Un de plus.
12 prêtres assassinés en dix ans
Ce meurtre survenait une semaine après celui du Père Sylvester Okechukwu, dans le diocèse de Kafanchan, au centre du pays, alors que les kidnappings et demandes de rançons ne cessent d’augmenter. En dix ans, on compte plus de 150 prêtres ou religieux enlevés, dont 12 ont été assassinés. « Le diocèse est plongé dans l’angoisse et le pays est plein de colère, a réagi Mgr Julius Yakubu Kundi, évêque de Kafanchan, après la mort du Père Sylvester. Jusqu’à quand nos pasteurs et nos frères seront-ils chassés comme des proies ? Jusqu’à quand nos lieux de culte seront-ils des lieux de peur plutôt que des sanctuaires d’espérance ? »
Une angoisse qui se diffuse tel un cancer au sein de la population. Car au-delà des prêtres et religieux enlevés, parfois massacrés, figurent aussi toutes les victimes silencieuses, les laïcs. « Ce matin même, j’ai appris l’enlèvement de six autres fidèles », poursuivait l’évêque.
Criminels et islamistes
Les auteurs de kidnappings sont légion. Les bandes criminelles recherchent les gains financiers des rançons, alors que les groupes extrémistes comme Boko Haram et l’ISWAP agissent pour des motifs religieux, avec la volonté d’imposer leur vision islamiste. On retrouve aussi des éleveurs peuls, majoritairement musulmans, cherchant à accaparer les terres des agriculteurs majoritairement chrétiens.
Parfois, les motivations se mélangent les unes aux autres. Certains bandits vont ainsi se servir de la cause religieuse pour justifier leurs actes. Les origines de ce macabre marketing sont donc multiples et l’absence
d’un gouvernement fort favorise la prolifération d’une faune de mercenaires et terroristes en tout genre.
Le hijab pour les chrétiennes
Chrétiens et musulmans subissent ensemble cette persécution, mais les chrétiens vivent en plus une oppression systématique. Cela se traduit par l’impossibilité d’accéder à certains postes dans la fonction publique ou, dans les 12 États du Nord qui pratiquent la charia, l’obligation de porter le hijab, y compris pour les étudiantes chrétiennes. En mars, quatre États ont imposé la fermeture de toutes les écoles pendant le Ramadan. Cette nouvelle exigence a fait réagir l’Église locale. Dans un communiqué, les évêques ont exhorté les gouverneurs à reconsidérer cette décision qui impacte 2 500 élèves et 8 écoles catholiques, arguant qu’elle « porte atteinte au droit à l’éducation, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ». Le gouvernement fédéral est resté silencieux.
Être chrétien au Nigeria demande donc beaucoup de courage, et être séminariste ou prêtre, encore plus. Pourtant, les vocations ne cessent de croître dans ce pays martyr, notamment dans les États du Nord. à tel point que l’évêque du diocèse de Kaduna a dû refuser cette année deux tiers des candidats ! Si la réalité du quotidien ressemble souvent à un Chemin de croix, les visages lumineux de ces nombreux séminaristes reflètent déjà la Résurrection de demain.
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