En apparence, rien ne semble avoir entamé le bouillonnement romain. Les vespas bourdonnent toujours autant et les touristes continuent de sillonner la ville en tous sens, de la place Navone au Colisée, du Capitole à la villa Borghese. « C’est un peu étonnant, mais cela ne change pas vraiment notre quotidien, confie même Sergio, un chauffeur de taxi. D’une certaine manière, tout continue comme avant… » Pourtant, le souvenir du pape François demeure bien présent dans la Ville éternelle. À Sainte-Marie-Majeure, la tombe discrète du défunt pontife est fleurie par les pèlerins venus s’y recueillir. Et sa photo surplombe toujours les comptoirs de certains cafés, à côté d’une Madone ou d’un saint Antoine. Mais à Saint-Paul-hors-les-Murs, où l’on peut voir la longue frise des successeurs de Pierre, le médaillon de François est désormais éteint. Les yeux des visiteurs se fixent déjà sur le suivant, dans la pénombre…
« Unis par la prière »
Pour les fidèles de la Ville des Papes, ces derniers jours ont été vécus dans la prière.
À l’église Saint-Louis-des-Français, où se trouve l’aumônerie des étudiants français, le Père Stéphane-Marie, de la communauté Saint-Jean, a donné une conférence sur le conclave, avant une veillée d’adoration. C’est l’occasion de témoigner de sa foi, raconte Sophie, étudiante en sciences politiques : « C’est un moment très spécial. On est unis par la prière pour le Pape, pour l’Église. Des amis de passage à Rome m’ont posé beaucoup de questions, ils ont même voulu venir à la messe. »
À la Trinité-des-Monts, lors de la veillée de prière hebdomadaire, la « Serrata », beaucoup de fidèles sont venus déposer des intentions pour le prochain pontificat au pied du Saint-Sacrement. « Les cardinaux ont besoin de nos prières, explique Baudoin, un étudiant belge. Le choix qu’ils doivent faire est si important ! Nous prions pour qu’ils sachent écouter le Saint-Esprit. Je crois que nous pouvons vraiment les aider, c’est le mystère de la communion des saints ! »
À la Trinité-des-Pèlerins, les trois jours qui ont précédé l’ouverture du conclave ont rassemblé les fidèles chaque jour pour adorer le Saint-Sacrement et prier le rosaire. Le 6 mai, une messe solennelle a été célébrée pour le prochain pontife.
L’Europe, épicentre de la chrétienté
L’élection du Souverain pontife n’est pas une élection comme une autre. Pour tous les fidèles, elle porte de nombreux espoirs. « À mon avis, ce n’est pas “qui” est choisi qui compte, mais simplement que le nouveau Pape fasse le pape : qu’il endosse sa charge comme un service – c’est-à-dire qu’il soit le gardien de la foi », confie Pierre-Alban, père de famille lyonnais. « D’ailleurs, c’est la foi qui est garante de l’unité de l’Église. Il n’y a que quand la foi est une, affirmée et enseignée sans ambiguïté que l’Église peut vraiment profiter de sa richesse et de sa diversité, sans se déchirer » ajoute Rémi, lui aussi venu de Lyon.
Pour certains pèlerins, Rome est aussi un phare de la civilisation. Une dimension que le prochain Souverain pontife ne devrait pas négliger selon Charles, étudiant en philosophie : « Il faut espérer que le Saint-Père saura répondre à la crise que traverse l’Europe. Ce n’est pas parce qu’elle compte moins de fidèles aujourd’hui qu’elle est négligeable. Elle est l’épicentre historique de la chrétienté » souligne-t-il.
Mais certains espèrent aussi un Pape qui saura rester accessible et qui ne se perdra pas dans la technocratie. Mario, sacristain romain, confie : « J’espère que le Pape ne perdra pas le sens des réalités. C’est le danger de l’administration vaticane, à mon avis. Il faut qu’il garde le souci des pauvres. »
Entre le souci de l’unité et de la diversité, celui de l’universel et du particulier, l’équilibre semble parfois difficile à trouver. Mais pour Marie, étudiante en sciences politiques à Rome, « il faut surtout qu’il ait le souci des âmes. S’il a vraiment le souci des âmes, le reste suivra ».