Ce samedi 26 avril à 10 heures, comme les bras d’une mère accueillant ses enfants, la colonnade du Bernin, place Saint-Pierre, enserre les fidèles venus du monde entier rendre un dernier hommage à leur pasteur, et prier pour son âme. Ils sont plus de 250 000 sur la place et dans l’avenue qui mène à la basilique papale. Pendant les trois jours précédents, 150 000 sont allés se recueillir une dernière fois à l’intérieur, devant la dépouille du 266e successeur de Pierre, décédé dans la lumière du lundi de Pâques.
Parmi eux, de très nombreux groupes de jeunes et familles, venus pour la canonisation de Carlo Acutis, reportée sans doute à l’été. « Finalement, c’est un signe de la Providence, de nous retrouver ici pour prier pour l’âme du Saint-Père, confie Reynald, père de famille de Lisieux qui encadre un groupe de jeunes. Dans cette octave de Pâques, nous voulons vivre dans la joie de l’espérance du Ciel. Je trouve aussi très beau que le Pape ait pu dire adieu au peuple chrétien la veille de sa mort ! » Parmi les jeunes de son groupe, Louis, 14 ans, témoigne : « J’étais venu pour Carlo mais je suis heureux d’être là pour prier pour le Pape, comme il a prié pour nous. C’est fort aussi de voir autant de catholiques ensemble ! »
Un désir de simplicité
« Requiem æternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis » : « Accordez-leur le repos éternel, Seigneur, et que brille sur eux la lumière sans déclin », entonne le chœur de la chapelle Sixtine pendant que le cercueil sort lentement de la basilique, porté par quatorze hommes, les sediari, et suivis des cardinaux. 750 évêques et archevêques et près de 4 000 prêtres sont déjà installés près de l’autel. L’émotion est palpable, dans le soleil matinal, tandis que le cercueil est déposé devant l’autel, à même le sol. Ce symbole émeut Marie-Thérèse. Cette Irlandaise, venue spécialement pour ses obsèques, conserve du Pape François « son enseignement des béatitudes, par lequel il nous a appris à être des pauvres de cœur ». Un désir de simplicité que le Pape a exprimé jusque dans son testament, demandant à être enseveli dans un unique cercueil, au lieu de trois.
Les cérémonies romaines ont respecté ce souhait, tout en conservant leur solennité. Par leur majesté, elles ont rappelé au monde entier que le but n’est pas d’honorer la grandeur d’un homme mais bien Dieu, fait homme pour le Salut de tous.
Mais le Pape est aussi un chef d’État et le pasteur universel, auquel le Christ a confié « le pouvoir des clés » – celui de lier et de délier les âmes. Cent-quarante délégations officielles se sont pressées à ses funérailles, installées à droite de l’autel.
« La voie du don »
Au cours des deux heures de célébration, rythmées par le chant grégorien et les oraisons en latin, langue de l’Église universelle, le cardinal Giovanni Battista Re, doyen du Collège cardinalice, a prononcé une homélie panégyrique, plusieurs fois interrompu par les applaudissements de la foule. Le prélat a salué le courage de ce pape qui, « malgré sa fragilité dernière et sa souffrance », a choisi de « suivre cette voie du don jusqu’au dernier jour de sa vie terrestre ». À la veille du dimanche de la Miséricorde divine, le cardinal Re a aussi mis en lumière le souci du pape François de ramener « au centre l’Évangile de la miséricorde », soulignant que « Dieu ne se lasse pas de nous pardonner ». Tout en ajoutant que cette miséricorde est accordée « à qui demande pardon et revient dans le droit chemin »… Le pape François, conclut-il, aura contribué « à réveiller les énergies morales et spirituelles » des catholiques.
La litanie des saints
Parmi les fidèles venus nombreux en famille, Tanneguy, de Saint-Malo, confirme que ce pape « nous a beaucoup fait avancer dans notre foi ». Il a été touché par « son désir d’accueillir les personnes éloignées de l’Église, les pauvres, les périphéries, à l’intérieur de l’Église ». « François était comme un père pour moi, ajoute Sœur Inocencia, une religieuse du Nigeria qui travaille au Vatican. Il nous a toujours exhortés à la foi et à l’espérance, dans toutes les circonstances. »
À l’issue de la messe, l’ultima commendatio – « ultime recommandation de l’âme à Dieu », avec l’aspersion d’eau bénite et l’encens – et la valedictio – « le dernier adieu », ont été prononcées, accompagnées de la grande litanie des saints et suivie par l’émouvante « supplique des Églises orientales », chantée en grec selon la liturgie byzantine. Par leur hommage au successeur de Pierre, ces représentants des Églises catholiques orientales manifestaient ainsi que le pape est vraiment le garant de l’unité de l’Église.
Près de l’icône mariale
À la fin de la messe, au son du glas, le cercueil est reparti dans la basilique, avant d’être installé dans la papamobile pour un dernier voyage, passant devant quelque 150 000 personnes qui l’attendaient le long des 5 km séparant Saint-Pierre de la basilique Sainte-Marie-Majeure. C’est là que le défunt Pape a rejoint sept de ses prédécesseurs, déjà enterrés en ce lieu saint. Sa tombe se situe dans une alcôve près de la fameuse icône mariale Salus populi romani, que le Saint-Père est venu vénérer au départ et au retour de tous ses voyages.
Il faudra désormais du temps, et au moins la fin des novendiales, les neuf jours de prière prévus par le rituel et qui s’achèveront le 4 mai, pour voir émerger ce qui restera des douze années de pontificat.
Pendant ce temps, les cardinaux poursuivent leurs congrégations générales, pour préparer l’avenir de l’Église. Pour le Père Blaise Patier, venu avec un groupe de collégiens de Boulogne-Billancourt, François aura été « celui qui m’a appris à parler plus simplement, en particulier en confession, notamment avec les jeunes ».