François et les pauvres - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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François et les pauvres

Étienne Villemain a inspiré au pape François la Journée mondiale des pauvres. Le fondateur du Village de François et des associations Lazare et Fratello se confie sur une relation unique. Entretien.
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Pèlerinage de l’association Fratello à Rome en 2016, le pape rencontre des sans-abri. © Philippe Lissac / Godong

Que retenez-vous du pape François que vous avez plusieurs fois rencontré ?

Étienne Villemain : J’ai en tête une phrase, à la fois simple et forte, qu’il prononçait à chacune de nos rencontres au Vatican quand nous étions un petit groupe à attendre sa bénédiction et que je lui demandais de prier avec nous : « Allez Étienne, vas-y, lance la prière. » Quelle humilité ! Le pape François ne se mettait jamais au-dessus de nous. Par ailleurs il se montrait très accessible, presque familier. Lui qui avait un regard distant vis-à-vis de la France, il m’avait un jour dit : « Ah ! la France et sa laïcité ! Cela me fait penser à une histoire : un préfet exige d’un maire qu’il enlève sa crèche de Noël, installée dans l’espace communal. Le maire rétorque au préfet : “Ce n’est pas possible je t’ai mis dans la crèche.” Le préfet vient découvrir la crèche et cherche son santon. Il ne le trouve pas. “Où suis-je ?” demande-t-il. “Cherche bien, à côté de l’Enfant-
Jésus, répond le maire. Tu vois l’âne ? Eh bien, c’est toi !” » Le pape François montrait cependant un visage plus sérieux quand il s’agissait de suivre les projets que je porte, dont celui qu’il m’a inspiré : le « Village de François » pour accueillir les plus fragiles. Signe de son attachement pour les personnes de la rue, il allait jusqu’à consacrer 40 minutes d’audience aux pauvres qui m’accompagnaient au Vatican pour une audience alors qu’il avait la réputation d’expédier certaines visites diplomatiques…

Comment est née la Journée mondiale des pauvres ?

En 2014, j’étais préoccupé par la façon d’apporter ce que j’ai de plus cher, mon amitié avec Jésus, à ceux que nous laissons à la porte des églises. J’ai réalisé ce projet fou d’emmener deux cents personnes de la rue avec moi à Rome. Ce fut un grand moment de grâce d’autant que lors de la journée d’audience du mercredi sur la place Saint-Pierre, la papamobile s’est arrêtée devant moi ! J’ai alors glissé à l’oreille du pape François : « Saint-Père, il faut faire la Journée mondiale des pauvres. » Il m’a donné le sentiment de ne pas m’écouter mais mon cœur était si brûlant que j’ai su qu’il fallait que je m’engage dans ce projet. En 2016, j’ai été reçu au Vatican avec des membres de mon association Fratello mais là encore le Souverain pontife ne m’a pas donné le sentiment de m’entendre. J’avais pourtant informé son secrétariat de mon projet ! Le lendemain soir, j’assistais à sa Messe au sein de la maison Sainte-Marthe et après l’office, le Saint-Père me confiait : « Étienne j’ai lu votre présentation, elle est très belle, il faut continuer. » Quelques jours plus tard son secrétariat m’informait que la Journée mondiale des pauvres serait désormais instituée le 33e dimanche du temps ordinaire !

Que garderez-vous du pape François et de son pontificat ?

Je suis conscient que je n’ai pas connu toutes les facettes du pape François. Cependant, l’homme que j’ai côtoyé m’est apparu, à chaque rencontre, pétri de paix et de douceur et rayonnant d’un amour pour les pauvres qui étaient pour lui une priorité absolue. Il restera de son pontificat cette volonté de faire aux plus démunis une véritable place dans une Église trop marquée selon lui par l’apparat et la mondanité. Sans doute nous a-t-il souvent bousculés dans notre confort avec des paroles rugueuses, mais ce fut une façon de nous rappeler la vocation de tout baptisé à s’occuper de la pauvreté qui commençait, selon lui, dans nos cœurs. Nous devons connaître la pauvreté pour tout attendre de Dieu et être capable d’accueillir sa présence. Voilà selon moi le testament du pape François.