Des changements importants viennent de se produire à la tête de l’Enseignement catholique. Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, est nommé président du conseil pour l’Enseignement catholique. Guillaume Prévost, ancien officier de marine et énarque, vient d’être nommé Secrétaire général.
Bien des sujets urgents les attendent : la fermeture de classes imposée par les rectorats, les révélations sur des mauvais comportements dans une école catholique ou encore l’annonce d’inspections au périmètre élargi dans les écoles privées sous contrat… Mais ces perspectives ne doivent pas les détourner de sujets essentiels, au nombre de trois : le contrat simple, le caractère propre et la place des écoles hors contrat.
Depuis quarante ans, l’école libre, dans sa composante catholique – soit 95 % des écoles privées –, fait l’objet de nombreuses attaques provenant des milieux laïques hostiles au financement partiel de ces écoles par l’État. Mais elle a subi aussi une crise interne qui a commencé dans les années 1970. Son identité s’en est trouvée altérée par ceux qui en étaient pourtant les garants. La finalité de l’école catholique a changé.
En 1959, pour faire accepter sa loi éponyme au monde catholique, Michel Debré a dû concéder deux choses importantes : le contrat simple et le « caractère propre ». Son intention était à terme de réunir toutes les écoles – celles qui parlaient du Ciel et celles qui n’en parlaient pas – dans un seul et unique service public. M. Debré était issu des rangs de « la Laïque ». Son idée était de proposer un contrat d’association avec l’État aux écoles libres, comme prélude à une intégration ultérieure consentie dans l’enseignement public. Ce dessein peut paraître surprenant, mais il ne faut pas oublier qu’à cette époque les deux France se retrouvaient sur bien des points. Tout le monde reconnaissait l’existence de la loi naturelle et une morale commune en découlait.
Les vertus du contrat simple
Les évêques étant réticents vis-à-vis du « contrat d’association », Michel Debré a donc également proposé un « contrat simple », bien moins contraignant que le contrat d’association. Avec le contrat d’association, les professeurs sont des « agents » de l’État et le directeur est obligé d’appliquer les programmes officiels. Ceci vaut par exemple pour le programme EVARS sur l’éducation sexuelle, qui sera instauré à la prochaine rentrée. Le contrat simple, quant à lui, permet au directeur de rester l’employeur des professeurs – ce qui est très important pour les « manager ». Et il n’est pas obligé d’appliquer les programmes officiels, seulement de « s’y référer ». Dans le cas du programme EVARS, le directeur est donc libre de traiter le sujet comme il l’entend, y compris d’y associer les parents.
Après le vote de la loi Debré, les évêques ont d’abord privilégié le contrat simple. Puis, petit à petit, le contrat d’association a été préféré, entraînant la transformation de la plupart des contrats simples en contrats d’association. Au point que le contrat simple a été supprimé dans le secondaire en 1980. Il n’existe plus que pour les écoles primaires, et moins de 10 % des écoles privées y ont encore recours. Réintroduire le contrat simple dans le secondaire serait une solution pour l’Enseignement catholique car il rendrait les écoles plus libres, même si le financement public était un peu moins important. La liberté a un prix, les parents d’élèves de l’école libre hors contrat le savent bien.
Des écoles confessionnelles
Autre sujet fondamental : le « caractère propre ». Celui-ci n’a jamais été clairement défini, mais a toujours été compris comme le fait de reconnaître à une école le droit d’avoir une spécificité forte dans le domaine religieux, culturel ou pédagogique. Cette spécificité lui donne une identité particulière que les pouvoirs publics doivent respecter.
Lors du vote de la loi Debré, dans le cas des écoles catholiques, il était clair pour tout le monde qu’elles étaient des écoles « confessionnelles ». Ce qui se traduisait par des cours de catéchisme inclus dans l’emploi du temps et notés comme les autres disciplines, des prières en classe, des messes, etc. Des prêtres étaient présents dans les établissements, des temps de confession étaient programmés. Les programmes étaient respectueux de la foi de l’Église catholique, tout en respectant bien entendu le for interne et la conscience des élèves.
Il y eut un changement de posture à la fin des années 1960.
L’accueil de tous a toujours existé, notamment dans les écoles catholiques, mais l’impact du décret conciliaire sur la liberté religieuse, poussé dans sa logique la plus large, a débouché sur une nouvelle approche : les pratiques anciennes risquaient d’imposer la foi à ceux qui ne l’avaient pas. Il fallait donc devenir officiellement un lieu où l’on propose la foi à ceux qui le veulent, pas un lieu où l’on impose son enseignement.
L’État n’en demandait pas tant
Beaucoup de responsables de l’Enseignement catholique reconnaissent aujourd’hui que l’institution est allée trop loin dans cette direction alors que l’État n’en demandait pas tant. Mais le pli a été pris. C’est ainsi que, lors des événements récents au collège Stanislas de Paris ou à l’Immaculée de Pau, les autorités de l’Enseignement catholique ont demandé que les cours de catéchisme soient placés en dehors de l’emploi du temps scolaire et ne soient plus notés.
Ce sujet est non seulement essentiel, mais aussi existentiel : les écoles ayant un caractère propre – ici confesser la foi catholique – ont-elles encore le droit d’exister dans notre pays ? C’est la survie même de toutes les écoles libres qui est en jeu.
Avec un instinct sûr, la réponse de ceux qui voulaient le préserver a été de créer des écoles hors contrat. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que leur succès vient en partie de là. Alors que le ministère annonce la fermeture de 5 000 classes dans le public à la prochaine rentrée et que l’Éducation nationale fait pression sur l’enseignement privé sous contrat pour qu’il en ferme plusieurs centaines, plus de 400 classes vont ouvrir dans les écoles hors contrat, dont 25 % sont ouvertement confessionnelles.
De la défiance à la bienveillance
Voilà un troisième sujet pour les nouveaux dirigeants de l’Enseignement catholique : quelle place accorder à ces écoles qui sont fondées sur un « caractère propre » assumé et rayonnant et n’entendent pas le voir se diluer ? Le moment n’est-il pas venu de passer de la défiance à la bienveillance ?