Hasard ou volonté délibérée ? C’est le 16 mars, à la veille de la Saint-Patrick, que l’armée birmane a incendié la cathédrale de Banmaw, qui porte le nom du saint patron de l’Irlande. La maison diocésaine attenante, l’école et le presbytère avaient déjà brûlé le 26 février. Auparavant, c’est la cathédrale du Sacré-Cœur de Mindat qui avait été détruite, le 25 janvier.
Ces exactions laissent entrevoir la logique terrifiante de l’armée birmane : non seulement elle ne fait preuve d’aucun respect pour les lieux de culte, mais elle rase systématiquement ceux qui abritent des réfugiés. C’était le cas des bâtiments du diocèse de Banmaw, qui accueillaient plusieurs milliers de personnes fuyant les combats.
Depuis leur coup d’État il y a quatre ans, les généraux au pouvoir tentent de réprimer la guérilla qu’entretiennent plusieurs groupes armés ethniques. Ce coup d’État a mis un terme à une tentative d’ouverture démocratique entamée en 2010. Durant une décennie, les militaires ont accordé la tenue d’élections et autorisé une certaine liberté d’expression. Mais, perdant scrutin sur scrutin, et craignant d’être définitivement évincés, ils ont décidé de recourir à la force le 1er février 2021. À présent, les rebelles gagnent du terrain et les généraux réagissent en terrorisant les populations.
Impasse militaire
La junte n’a pas de limites. Elle s’en prend aux moines bouddhistes autant qu’aux prêtres. Le cycle de la violence n’est pas près de s’achever, selon le Père David Michael, un prêtre birman en exil. Car les rebelles ne peuvent pas vaincre l’armée, qui bénéficie d’une aviation, du soutien matériel russe, de l’argent et du personnel chinois. Mais l’armée ne parvient pas non plus à anéantir les milices qui s’opposent à elle : elle ne contrôle plus que 21 % du territoire birman !
8 % de la population
Dans ce contexte, les chrétiens – 8 % de la population – souffrent. Comme tous les civils, ils sont pris entre deux feux. C’est par des miliciens que le Père Donald Martin Ye Naing Win a été assassiné le 14 février. « Il discutait avec nous de la cérémonie de bénédiction de la réplique de la grotte de Lourdes que nous avions bâtie lorsque dix hommes d’une milice rebelle locale ont fait irruption, rapporte un témoin. Nous connaissions déjà ces hommes, qui avaient menacé le Père Martin à plusieurs reprises auparavant. Le Père avait pris la défense des villageois contre le racket organisé par ces miliciens. » Aux miliciens qui le sommaient de s’agenouiller, il a répliqué : « Je m’agenouille devant Dieu seul ». Il a été tué.
Le cardinal Charles Maung Bo enchaîne les appels à la paix : « Alors que le monde est divisé par la guerre et les conflits fondés sur la religion et les tribus, ce dont nous avons besoin, c’est de l’unité. » Il n’est pas entendu. Les conditions d’un accord de paix ne sont pas réunies. Quand bien même la junte ou l’opposition le souhaiteraient, il faudrait trouver un lieu pour parlementer. Les généraux de la junte, accusés de crimes de guerre par la communauté internationale, ne prendront pas le risque de quitter le pays. Et les rebelles n’accepteront pas de négocier sur le sol birman, de peur d’une trahison.
Enfin, l’hypothèse d’une sortie de crise démocratique paraît inaccessible. Le général Min Aung Hlaing a bien prévu une élection fin 2025, ou début 2026, mais personne ne peut prendre au sérieux cette perspective. Tous les opposants croupissent en prison.
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