L’origine des BRICS remonte au début de ce siècle. Cet acronyme désigne alors un groupe de cinq puissances encore émergentes, mais dont l’économie manifeste un dynamisme marqué : en l’occurrence le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud.
La donne a bien changé depuis. Lors du dernier sommet de l’organisation, qui s’est achevé le 24 août à Johannesburg, il a ainsi été décidé de l’ouvrir à six nouveaux membres : l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran. 41 % de la population du globe, 26 % du PIB mondial, 27 % de l’ensemble des terres émergées : si l’on se contente d’une lecture chiffrée, l’événement est colossal.
Dans le détail aussi, cet élargissement mérite d’être scruté à la loupe. « Qui aurait imaginé, il n’y a pas si longtemps, que les frères ennemis de l’islam, l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite, en viendraient à se réconcilier sous l’égide de la Chine avant de la rejoindre […] au sein des BRICS à onze », s’interrogent ainsi Franck Dedieu et Alain Léauthier dans Marianne (31/08). On n’aura pas manqué d’observer non plus la présence assumée et parfaitement acceptée de Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, sur la « photo de classe » finale. Quoi qu’on en pense dans les démocraties occidentales, le conflit avec l’Ukraine est loin d’avoir isolé Moscou sur la scène diplomatique internationale.
Des fragilités nombreuses
Assiste-t-on pour autant à l’émergence d’un mouvement historique, capable de déstabiliser durablement la suprématie occidentale et le leadership américain ? On en est encore loin. Les sujets de discorde au sein des BRICS sont aussi nombreux que substantiels. Rivalités militaires – en particulier entre la Chine et l’Inde –, irréductibilités religieuses, conflits monétaires, concurrence commerciale… Autant de sujets qui laissent présager de nombreuses discordes.
Aussi la perspective de promouvoir une nouvelle devise pour combattre l’hégémonie du dollar semble plus chimérique que réaliste. Ce qui unit les BRICS, aujourd’hui, relève plus d’une contestation commune. « Ils sont tous d’accord pour condamner les empiètements occidentaux. Mais ils ne sont nullement disposés à partager leur pouvoir. Les BRICS ne sont donc pas une alliance, mais une coalition souple d’États au souverainisme sourcilleux. Chez eux, on ne parle donc pas de droits de l’homme, de corruption ou de démocratie. C’est en cela que réside, pour beaucoup de pays, l’attractivité de cette coalition » note ainsi le politologue Zaki Laïdi dans Le Monde (22/08).
Exception française ?
Faut-il pour autant considérer l’élargissement des BRICS comme une démarche purement symbolique ? Non, estime l’économiste Jim O’Neill qui fut l’inventeur de l’acronyme, utilisé dans une étude qu’il avait publiée en 2001.