« La matrice des totalitarismes » - France Catholique
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« La matrice des totalitarismes »

1789 veut faire table rase du passé, 1793 prétend créer un « homme nouveau » – bien différent de celui qu’évoque saint Paul. La logique révolutionnaire se déploie dès son début, explique l’historien Claude Quétel.
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La Terreur a-t-elle été la matrice des totalitarismes ? Claude Quétel : Pour ce qui est du communisme, la parenté est claire et bien établie : la Russie des bolcheviks et, avant elle, la Russie des intellectuels de gauche du début du XXe siècle, vouent un véritable culte à une Révolution française très idéalisée. Ils s’en emparent pour légitimer intellectuellement et historiquement leur propre révolution. Les bolcheviks se considèrent comme les nouveaux jacobins ! Après l’attentat contre Lénine du 30 août 1918, la proclamation de la « Terreur rouge » illustre la filiation entre la Révolution française et la révolution bolchevique. Qu’en est-il des autres totalitarismes : fascisme et nazisme ? La filiation est moins apparente car on imagine mal un Mussolini ou un Hitler se réclamer d’une Révolution dont le maître mot était le mythique « Liberté, Égalité, Fraternité ». Pour autant, on peut identifier un point commun : la Révolution française, tout comme ces régimes, proclame « l’homme nouveau », c’est-à-dire l’homme régénéré par la Révolution. À quoi ressemble cet homme nouveau selon la Révolution ? Pour le discours jacobin, il est l’homme pétri des Lumières, de l’égalitarisme, de la liberté, des Droits de l’homme… Cette idée provient directement de la philosophie des Lumières, prémisse de la Révolution, qui véhiculait une utopie égalitariste. Mais quand on en arrive à Robespierre, cette notion se radicalise et l’homme nouveau devient l’homme de la vertu révolutionnaire. L’homme nouveau ne surgit jamais par hasard, il n’y a pas de génération spontanée : la notion conduit directement au totalitarisme, puisque l’homme nouveau ne peut être forgé que par un appareil totalitaire. Doit-on faire la part des choses entre Révolution d’un côté et Terreur de l’autre ou, comme le disait Clemenceau, considérer qu’il s’agit d’un bloc ? Clemenceau affirme certes que la Révolution est un « bloc », mais dans son esprit, c’est un bloc qu’il faut accepter. Quant aux historiens « orthodoxes » de la Révolution, ceux des manuels scolaires, ils ne veulent retenir de la Terreur que de rares journées de violence. Mais tout a été violence ! 1793 n’est que l’aboutissement logique des années qui précèdent. On a fait de l’Assemblée constituante (1789-1791) le « bon élève » qui forge la France nouvelle, qui proclame les Droits de l’homme… Mais cette Assemblée, bien avant la Convention, est une foire d’empoigne où les députés ne parlent que sous la pression d’une foule politisée qui les insulte et menace de mort les « monarchiens », ces députés qui défendent l’idée d’une monarchie constitutionnelle. Les modérés finissent par ne plus oser se rendre à l’Assemblée, où il ne reste que les extrémistes… Aujourd’hui, ces historiens en sont à pratiquement défendre la Terreur elle-même, à la réhabiliter, à la relativiser, en disant par exemple qu’elle n’est que la conséquence de la guerre civile et de la lutte contre les contre-révolutionnaires. Dans quelle mesure l’antichristianisme était-il un carburant de la Terreur ? C’est un des moteurs de la Révolution. Ce qui motive le jacobin ou le sans-culotte n’est pas l’amour de la future République, mais la haine. C’est là un autre point commun avec le totalitarisme. Ainsi, le révolutionnaire hait le roi, considéré comme un despote, ainsi que son plus grand allié – croit-il – : la religion. C’est la raison pour laquelle le catholicisme est tout aussi dénoncé et haï que la monarchie elle-même ! Il faut toutefois rappeler que les Lumières, par leurs écrits libertaires, avaient déjà contribué à une déchristianisation relative, que la Révolution n’a fait qu’accentuer. Mais une question demeure : les jacobins ont-ils agi par machiavélisme politique ou par conviction  antireligieuse ? Difficile à dire. Je crains que cela ne soit par conviction. Le résultat reste le même. Le croyant de l’époque n’était pas un grand théologien, mais la foi, même simple, soudait les Français entre eux. La Révolution française a cassé cela pour détruire la monarchie. Le laïcisme d’aujourd’hui est-elle la fille de la Terreur ? J’aurais tendance à dire oui, même si je suis plutôt un laïque, car je considère que l’on doit protéger les religions, à condition qu’elles ne fassent pas de politique. Je constate toutefois que les laïcards d’aujourd’hui sont des idéologues avant tout anticatholiques. Il y a là l’héritage de la Terreur et de la Révolution. On en est à interdire les crèches dans l’espace public ! Il est évident que la laïcité est en danger, mais ces actions montrent bien qu’elle est en même temps devenue une nouvelle religion et que les laïcards sont d’abord des antichrétiens qui combattent non seulement la foi, mais aussi la chrétienté dans son essence, sa culture et sa tradition.
—  crois_ou_meurs_revolution_francaise.jpgCrois ou meurs ! Histoire incorrecte de la Révolution Française, Claude Quétel, éd. Tallandier, 2021, 544 pages, 11,50 €.