La Vita consecrata de Jean-Paul II est une exhortation qui nous parle de la vie selon les “conseils évangéliques”. Il a écrit cette exhortation post-synodale en 1994, qui explique que certaines personnes sont appelées « (à s’) arracher à leur vie ordinaire et à accueillir (le Christ) dans son intimité. C’est précisément de cette grâce spéciale d’intimité que proviennent la possibilité et l’exigence du don total de soi dans la vie consacrée par la profession des conseils évangéliques. Ces derniers, avant d’être un renoncement et même davantage, permettent d’accueillir le mystère du Christ d’une manière spécifique, vécue à l’intérieur de l’Église. »
Le pape a présenté le problème dans son propre contexte christologique plutôt que de le présenter comme une idée abstraite de simple renonciation. Les trois points qu’il identifie reviennent souvent dans l’Eglise : l’abandon de notre vie ordinaire (pauvreté), la grâce de l’intimité avec le Christ (chasteté) et le don total de soi (obéissance).
Pour exposer son enseignement, Jean-Paul II a insisté sur la visibilité de la vie des conseils. Notre saint pape phénoménologiste avait tout à fait conscience des aspects expérimentaux de l’intersubjectivité. Cela implique plusieurs dimensions de l’expérience dans ce qu’il appelle la perception dans la foi. Ainsi : « Grâce à la profession des conseils évangéliques, les traits caractéristiques de Jésus — chaste, pauvre et obéissant — deviennent « visibles » au milieu du monde de manière exemplaire et permanente et le regard des fidèles est appelé à revenir vers le mystère du Royaume de Dieu, qui agit déjà dans l’histoire, mais qui attend de prendre sa pleine dimension dans les cieux. »
La visibilité signifie tout d’abord qu’il faut participer à l’incroyable, mais souvent discréditée, histoire des organisations de la vie consacrée. Celles-ci sont les éléments d’une « présence constante de cet élément dans l’histoire de l’Église, le cortège de fondateurs et de fondatrices, de saints et de saintes qui ont choisi le Christ dans la radicalité évangélique et dans le service de leurs frères, spécialement des pauvres et des délaissés. Ce service montre à l’évidence combien la vie consacrée manifeste l’unité du commandement de l’amour, dans le lien indissoluble entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain. » Les conditions d’une personne dans l’histoire sont cruciales pour que l’humanité continue d’avancer. La fidélité s’appuie sur la participation consciente à une histoire particulière. Les croyants peuvent notamment démontrer cet aspect de fidélité.
Tout ceci a aussi une valeur historique : la création d’une communauté spécifique où « en favorisant constamment l’amour fraternel, notamment sous la forme de la vie commune, elle a montré que la participation à la communion trinitaire peut changer les rapports humains et créer un nouveau type de solidarité. » Une telle communion diffère énormément d’un simple groupe d’hommes ou de femmes, qui est ce que la culture nous offre aujourd’hui. Certaines familles pourraient apprendre beaucoup en voyant cette communion active et réelle de la vie (bien que certains croyants aient aussi besoin d’apprendre la même chose).
De plus, « dans la vie communautaire, la force de l’Esprit qui est en une personne se communique à tous en même temps […]. On y bénéficie de ses propres dons, on les multiplie en les communiquant aux autres, et l’on jouit ainsi des dons d’autrui comme des siens propres. » Cette force a aussi besoin de s’intégrer dans les familles, le voisinage, les pays qui attendent cette force dont ils ont besoin.
Ensuite, il a des conseils spécifiques : l’obéissance est fondamentale car l’obéissance dans l’Eglise est « de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre (cf Jn 4 :34). » C’est la liberté transcendante plus que la liberté en tant que fin en soi (l’incompréhension désastreuse de la liberté qui nous forme dans le monde moderne).
En pratique, cela entraîne l’obéissance à la loi naturelle, et par conséquent l’opposition à l’avortement (tristement, beaucoup de croyants soutiennent l’avortement lorsqu’ils votent). Cela signifie obéissance au Christ et à son Eglise, comme la Direction des Conférences des Femmes Religieuses (the Leadership Conference of Women Religious) a découvert récemment lorsqu’on leur a dit que ces publications « seront examinées par des théologiens compétents, comme un moyen de préserver l’intégrité théologique de la Conférence. L’obéissance implique aussi qu’on s’en remettre à « une seule bouche » (Romains 15:6), ce qui mène à l’intégrité étonnante de la révélation de Dieu.
Cela contredit totalement l’idéologie populaire de suivre le cœur de quelqu’un. Même un mari et sa femme, par exemple, pourraient obéir au même concept d’ordre supérieur de la famille et le mariage.
La pauvreté : la pauvreté réelle illustre la dépendance qu’on a en les sources surnaturelles en ce qui concerne la signification totale de la vie plus qu’avoir une vie privée faite de restaurants et de brandy délicieux. L’amusement est défini d’une manière différente. C’est la joie de la plénitude de la vie en Christ plus que de « s’en «écarter » : « Dieu est l’unique vraie richesse de l’homme» (JPII). Malheureusement, l’image de la pauvreté est constamment ternie parce que « l’Eglise est très fermement ancrée dans l’histoire du monde comme pour en devenir partie intégrante » (von Balthasar). Le clergé et les personnes laïques peuvent apprendre de cette réelle pauvreté religieuse et voir cette image ternie.
Et enfin, il y a la chasteté. Une vie chaste mène à une ‘une éducation comprenant la formation à la chasteté, vertu qui favorise la maturité de la personne et la rend capable de respecter le sens « sponsal » du corps. » (Evangile de la Vie). La chasteté montre que les hommes et les femmes qui mènent des vies célibataires ou mariées chastes sont possibles et louables. Les croyants qu’ils soient hétéro ou homosexuels auront des difficultés avec la chasteté et les relations intimes s’ils sont immatures. Le phénomène de l’adolescence éternelle gâche beaucoup de relations.
En somme donc, les conseils visibles sont là où « la simple existence de l’homme juste affecte le pêcheur à sa juste place. » (von Balthasar). C’est la visibilité réelle et efficace.
Dimanche 6 mars 2016
PHOTO (L’homme de l’année 1994)
https://www.thecatholicthing.org/2016/03/06/making-the-evangelical-counsels-visible/
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Le Père Bevil Bramwell, OMI, Docteur en Théologie, est l’ancien doyen du premier cycle à la Catholic Distance University (Formation Universitaire Catholique à Distance). Il est l’auteur des ouvrages suivants : Laity Beautiful, Good and True ;The World of the Sacraments ; et, tout à fait récemment, Catholics Read the Scriptures : Commentary on Benedict XVI’s Verbum Domini.