Après les attentats de Paris en novembre, la réaction d’un politique nous interroge. M. Macron a dit : « Avons-nous fait tout ce qu’il fallait ? » Ce qui aurait dû être fait, et qui n’avait pas été fait sur les plans social, économique et politique. J’ajouterai, m’adressant d’abord aux chrétiens, et par-dessus eux à tous en France : « avons-nous assez aimé ? »
Et maintenant, c’est le temps d’aimer.
Pour la plupart d’entre nous, nous nous préoccupons de mesures de protection, oui. De mesures d’exclusion, non. Mais ce n’est pas assez de refuser l’exclusion a priori. Quel regard positif, aimant, portons nous sur des hommes, des femmes qui sont musulmans, et qui vivent parmi nous ? Que nous rencontrons dans le quotidien. Des prochains ?
« Nous passons sans te voir » dit un cantique. Quand nous arriverons là-haut, Jésus nous dira peut-être : « J’étais parmi des musulmans, et tu ne nous as pas regardés. Tu étais indifférent. Pourquoi ? »
Oui, c’est maintenant le temps d’aimer. Mais comment faire ?
Ils sont des centaines de milliers, et même des millions qui vivent parmi nous en France, en Belgique, en Europe. Comment ne pas les catégoriser ? Comment leur donner un signe d’amour ?
Des exemples
Un jour un jeune employé d’une société de messagerie livre à un de nos amis un colis de brochures « Je veux mourir dans la dignité ». Ouvrant aussitôt le paquet cet ami montre au livreur un exemplaire de la brochure, et le lui offre. À la fin de la journée, ce dernier téléphone pour remercier et dit qu’il a trouvé la brochure formidable. Lors d’une livraison suivante, on lui donne plusieurs brochures pour ses amis.
Ce qui avait frappé le jeune, c’était ceci parmi les premières lignes du texte : « La dignité fondamentale de l’homme c’est d’être reconnu pour un homme sans exception … Il n’y a pas d’homme qui devrait être traité comme un non-homme parce qu’il est Rom, ou Manouche. Ni parce qu’il est diminué mentalement, parce qu’il ne se souvient plus de son nom… » Ajoutons : ni parce qu’il est musulman.
Il y a trois ans, quelques jours avant Noël, à une bouche du métro parisien, nous distribuions des petites images de Noël représentant la crèche. Une jeune fille s’arrêta et dit comme à regret « Mais c’est que je suis Musulmane ! » On lui répondit : « Mais vous pouvez la prendre, le Dieu des Chrétiens bénit tout le monde. » Et elle la prit. Pour que cette rencontre ait pu avoir lieu, il avait fallu que nous allions au-devant et proposions cette crèche à tous dans la rue.
Avec des amis de l’Emmanuel nous essayons depuis quelque temps de nous arrêter lorsque nous rencontrons un artisan ou un ouvrier en train de travailler dans la rue, de le saluer, d’encourager son travail et de lui dire : « Que le Seigneur vous bénisse ! » Et le plus souvent ceux qui nous répondent chaleureusement semblent être des croyants musulmans. Une serveuse de bar, un peu surprise, m’a même répondu « Inch Allah ».
J’ai été hospitalisé il y a six ans dans un hôpital d’une ville d’Ile de France. Après quelques jours d’observation en soins intensifs, on me jugea en forme et je fus mis avec un régime plus détendu dans une chambre à deux. Mon voisin était un croyant musulman, et même l’imam de ce quartier difficile où était situé l’hôpital. Nous échangeâmes prudemment d’abord, puis cordialement. Il fut surpris lorsque je lui expliquai les vraies opinions des chrétiens sur certains sujets, l’avortement par exemple. Le lendemain, on vint pour me donner le sacrement des malades. Il accepta qu’on le fît dans notre chambre même, et pria son chapelet musulman pendant ce temps-là. À la fin, il demanda qu’on prie pour lui.
Plus récemment, après les attentats de Paris, avec quelques amis nous avons organisé dans notre petit village du Béarn une prière « pour que les terroristes musulmans tournent leur cœur vers l’amour ; pour la paix ; pour de bonnes relations entre Chrétiens, Musulmans et Athées. Cette rencontre œcuménique avait été annoncée dans la page locale de Sud-Ouest. Trente personnes y ont participé un soir de pluie et de vent.
On a lu le message de K… S… professeur d’université aux Etats Unis, musulman rencontré au marché quelques semaines avant qu’il ne retourne là-bas : « À l’heure où vous serez en prière dans l’église de Sallèspisse, je ferai mes prières ici à Richmond. »
Comment aimer ?
Pour aimer, le plus simple et le plus sûr, comme le disait Pierre Goursat, c’est d’accueillir Jésus dans son cœur, à l’eucharistie ou à la prière d’oraison, comme Saint Jean lors de la dernière Cène. Alors c’est Jésus le Dieu d’amour qui vient aimer en nous, d’un amour infini. Il sera en nous la compassion.
Les uns et les autres, partageons aussi nos petits témoignages : nous construirons ainsi une zone sociale de lumière qui dissipera les ténèbres de la peur, de l’indifférence, de l’hostilité. Car c’est le temps d’aimer, avec Jésus, nos frères musulmans – d’un amour infini.
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