Ci-après, un peu de révisionnisme historique de fantaisie, qui mérite pourtant ces jours-ci un brin de réflexion.
Imaginons l’Allemagne, du début des années 1930 jusqu’en 1945, restée attachée au régime démocratique de la République de Weimar plutôt que devenue le Troisième Reich, dictature d’un parti unique. Imaginons aussi que beaucoup de représentants élus démocratiquement, issus de divers partis libéraux ou conservateurs, aient adopté et soutenu la politique anti-Sémites des Nazis et de Hitler. Poursuivons en imaginant que même des parlementaires catholiques de l’opposition se soient unis au parti Nazi, votant en faveur de la prétendue « Solution Finale » pour la question juive, et soutenant publiquement sa mise en œuvre. Supposons, pour appuyer notre propos, que ce furent des faits historiques.
Poursuivons en imaginant que les évêques allemands n’aient rien entrepris pour ramener les politiciens catholiques de rous partis sur le droit chemin, soit par l’excommunication, soit par l’interdiction d’accès aux sacrements. (Nous savons qu’une action disciplinaire a été récemment engagée par les évêques allemands contre les catholiques refusant de payer leur « Taxe d’Église » en ne se déclarant pas catholiques.) Mais supposons qu’aucune mesure n’ait été prise en ces jours maudits, et que les sondages aient révélé que de plus en plus de catholiques allemands étaient troublés par ce sujet moralement grave ou même avaient commencé à soutenir la politique génocidaire raciste.
Quel jugement pensez-vous que les historiens porteraient sur ces évêques et autres dirigeants de l’Église ? Qui penserait que ces évêques ont agi fidèlement en protégeant la foi des tout-petits — et des politiciens catholiques — sans mettre la pression sur les membres du parlement allemand pour défendre les victimes innocentes et faire leur possible pour que cessent les atrocités commises par le gouvernement ? L’Église en Allemagne aurait-elle par la suite à se repentir er implorer le pardon, bien au-delà des excuses exprimées récemment par les papes pour les erreurs passées ?
Les laïcs catholiques peuvent bien s’être laissés prendre par le « zeitgeist » [mentalité de l’époque] et les pulsions de la foule si habilement répandues par la machine de propagande nazie. Et leur culpabilité pourrait être atténuée, ce qui est compréhensible, par le trouble causé par le spectacle de politiciens catholiques importants se dispensant de la soumission aux dirigeants de l’Église, recevant publiquement la Sainte Communion et d’autres sacrements, et se déclarant fidèles catholiques soumis en tout à la ligne de l’Église.
Revenons sur terre, en notre monde actuel. Au cours des cinquante dernières années l’Amérique laïque a entendu ses évêques condamner très nettement le crime monstrueux qu’est l’avortement. Mais en même temps ils ont assisté au soutien public du droit à l’avortement et à l’opposition à des restrictions à ce « droit » par d’éminents politiciens catholiques — certains prenant parti pour soutenir les horreurs du « Planned Parenthood » (Planning familial), dont plusieurs évêques ont parlé, sans guère d’insistance. Et les politiciens enfermés dans leur attitude persistent à se dire fervents catholiques et à recevoir la Communion en public, parfois même des mains de leur évêque.
Plus de 55 millions d’êtres humains ont été massacrés avant leur naissance au cours de ce demi-siècle, ce qui dépasse le résultat monstrueux atteint par le Troisième Reich. Et pendant ce temps plus de la moitié des catholiques de notre pays continue à défendre le « droit à l’avortement ». Faut-il nous priver de voir un lien entre le refus des évêques de ramener les politiciens à la discipline de l’Église et la dégringolade de la vérité catholique et de la pratique morale ?
En fait, on voit souvent les organismes catholiques honorer publiquement les politiciens partisans de l’avortement, qu’ils soient ou non catholiques. Des Universités se déclarant catholiques emploient du personnel ouvertement éloigné de l’enseignement moral de l’Église, et, là non plus, les laïcs n’assistent à la moindre sanction disciplinaire. Est-il alors étonnant que soit aussi répandu, surtout parmi les jeunes, le trouble sur l’enseignement catholique à propos de l’avortement et du mariage ? Les évêques endosseront-ils la respnsabilité de la chute de la foi catholique sur des sujets tels que l’avortement, le mariage, l’euthanasie et autres questions morales à cause du manque d’action disciplinaire envers les politiciens catholiques ? Et que penser des institutions dont certains membres soutiennent ces déviances miorales ?
Quel jugement portera l’Histoire sur cette génération de dirigeants de l’Église quand cessera enfin ce massacre d’êtres humains ? Comment les futures générations de Catholiques jugeront-elles nos guides spirituels si d’un regard en arrière elles constatent qu’aucune sanction n’a frappé ceux qui ont apporté leurs votes et leur soutien non seulement à l’avortement mais, comme actuellement, à la perversion de l’institution du mariage ? Les mêmes « politicos » catholiques qui ont soutenu le droit de mettre à mort des innocents avant leur naissance soutiennent désormais le « droit au mariage » des homosexuels, appelant même l’Église à changer son enseignement. Il est certain que l’euthanasie suivra prochainement, camouflée en « droit à l’acte charitable ».
On dirait que la démocratie est devenue l’atout majeur dominant. L’avortement étant adopté par vote démocratique ou légalisé par des juges agissant au sein de la démocratie, les dirigeants de l’Église semblent paralysés quand il s’agit de sanctionner leurs propres politiciens ou juges. Agissant au nom de la démocratie, ceux-ci auraient tous les droits, n’est-ce pas ? Ne devons-nous jamais sembler porter atteinte à la démocratie en sanctionnant les Catholiques qui votent même pour le droit de tuer des innocents ?
Un avorteur catholique est automatiquement excommunié, mais le politicien catholique qui vote pour le droit d’assassiner par un avorteur est innocent. Si le Juge Anthony Kennedy jette au panier l’enseignement catholique sur le mariage par son étrange sentence sur le « mariage pour tous », lui aussi a tous les droits. Politiciens et juges catholiques sont hors de portée des sanctions de l’Église car protégés par le principe démocratique de séparation de l’Église et de l’État et tout le reste. Ainsi, le Juge Kennedy demeure-t-il un homme honorable, et — de plus — il peut se dire sans risque bon catholique.
Je me demande si à l’avenir un pape non seulement présentera des excuses publiques pour ces hésitations de nos dirigeants actuels de l’Église à prendre des sanctions, et pas seulement en paroles, mais de plus se couvrira de cendres en repentir des timides réactions de ces dirigeants alors que des dizaines de millions, jeunes et vieux, auront perdu la vie à cause, entre autres, du manque d’action de leurs pasteurs ?
19 août 2015.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/08/19/how-will-history-judge-us/
Dessin : L’autruche, la tête dans le sable.
Pour aller plus loin :
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- La guerre secrète de Pie XII contre Hitler
- Les philosophes qui ont permis à Hitler de réussir
- Notre culture catholique : ce qu’elle était, ce qu’elle sera
- Téléphone: Comment les historiens chuchoteurs déforment l’histoire de Jésus