Foi et sentiments - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Foi et sentiments

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La principale controverse de la Réforme était entre la foi et les œuvres. Nombreux sont ceux qui pensent qu’elle se trouve aujourd’hui entre la foi et la raison (survenance nocive et récente du principe de la Réforme sola fide). Notre cour suprême semble avoir tout juste décidé qu’il s’agit là de l’irrationalité subjective en opposition à l’irrationalité bienveillante. Il se pourrait bien qu’un jour nous en venions à observer que le principal point de litige de notre temps se trouve entre foi et sentiment. Juste de la manière que vous n’imaginiez pas. La controverse entre foi et raison est fréquemment considérée comme étant essentiellement la même que celle entre religion et science. Mais malgré les fous de scientifiques qui se mêlent de philosophie et de théologie sans avoir la moindre idée qu’ils ont laissé la science derrière eux, cela aboutit à de la pure absurdité. Il n’y a pas de réel conflit entre ces deux formes de savoir. Le « débat public » sur ces grandes questions fait souvent penser à deux ivrognes débattant d’un sujet qu’aucun n’est capable d’exprimer clairement, en des mots qui demandent beaucoup de charité pour les appeler des arguments. Le débat réel entre foi et raison, religion et science, est un processus intellectuel intéressant, qui comme l’a écrit Saint Paul dans « Fides et Ratio », ne se termine jamais, car chaque interlocuteur va défier l’autre perpétuellement pour étudier plus profondément, penser plus avant. Les croyants traditionnels d’aujourd’hui partent souvent du principe qu’ils respectent la raison (dans le sens de la sagesse basée sur les Ecritures, la tradition, la nature, les coutumes) en opposition à la multiplication de purs et simples raisonnements intellectuels ou à l’émotion. Il est vrai que nous avons dû créer l’expression « traditionnel » pour cette même raison, mais elle ne résume pas tout, ou plutôt, je crois qu’il s’agit là de la bonne manière d’exprimer la chose. Le catholicisme orthodoxe lui-même est et doit être une question de cœur aussi bien que de tête. C’est pour cette raison que les Papes récents ont averti qu’il ne fallait pas tourner le Christianisme en une sorte d’idéologie, ce qui serait encore une autre sorte de froide abstraction. Il va de soi que nous avons besoin de la vérité, mais comme le dit le Cardinal Newman, nous visons aussi – tout comme le fit toute saine éducation dans le passé – à transmettre une sorte d’émotion rationnelle : « la connaissance transportée au cœur . » Car presque tout au long de l’histoire humaine (même avant l’ère chrétienne), Dieu (ou les dieux), la nature, et les coutumes enseignèrent aux gens que des choses telles que le mariage entre des personnes d’un même sexe étaient absurdes. Cela ne nécessitait pas de démonstration car certaines réalités sont si proches des principes originels que le simple fait de les voir signifie de les comprendre. Cela a nécessité beaucoup de petits, mauvais arguments, accompagnés d’une modification graduelle des émotions quotidiennes opérée par une subtile propagande pour former des gens qui ne ricanent pas ouvertement lorsqu’ils entendent des arguments comme ceux de Justive Kennedy dans « un nouvel aperçu » de la sexualité. De même qu’à l’instar de sa remarque dans un cas plus récent ou celle-ci déclarait qu’il n’existe pas de « fondement rationnel » pour une opposition au « mariage » homosexuel. Kennedy est un homme intelligent doté d’une grande éducation (mais le type d’intelligence et d’éducation que nous valorisons aujourd’hui signifie souvent d’être habile sans être sage). Monsieur Roberts, juge à la Haute Cour, exprima dans son rapport contradictoire que la culture des Bushmen du désert du kalahari, celle des Hans en chine, celle des Aztèques, en passant par les Carthaginois pensaient qu’elles possédaient une « base rationnelle » au sein de leurs usages. Seule une minorité étroite dans quelques pays occidentaux semble être soudainement devenue aveugle à des choses qui sont évidentes pour tous, en tous les temps et pour toutes les autres cultures, et qui pour cette raison considèrent le reste de la race humaine comme des idiots immoraux, et même comme des montres. Des illusions intellectuelles qui nous séparent de la réalité ne sont pas un phénomène complètement nouveau. A la fin du 19ème siècle, Gérard Manley Hopkins écrivit au sujet de la perte de la notion de Dieu et de nature : Tout est corrompu par le commerce : troublé, nappé de travail ; et tâché par les hommes partageant leur odeur : le sol est dépouillé, aussi bien que le pied ne le ressent plus car il est chaussé. Notre torpeur actuelle provient cependant moins du commerce et du labeur que de la technologie qui nous a donné un sentiment illusoire de maîtrise sur la nature, dont nous nous sommes séparés. C’est à peine si nous en sommes encore conscients. C’est seulement lorsque la nature n’a plus d’importance que les différences physiques entre corps males et femelles n’apparaissent plus comme une « base rationnelle » pour accroire que le « mariage » entre personnes de même sexe est erroné. Ceci ne peut durer car c’est autodestructeur. Et cela apparaîtra tôt ou tard. Hopkins ajoute : Et pour tout cela, la nature ne passe jamais : C’est là que vit la plus vraie des fraîcheurs profondément sous les choses… Car le Saint Esprit est sur la lande… Le monde couve chaudement en s’exclamant hautement ! Ailes translucides. C’est là que l’espoir réside. Mais la tâche du renouveau sera compliquée, délicate et longue. Je suppose que peu d’entre nous en verrons le succès au cours de leur vie. Depuis la découverte de la philosophie dans la Grèce antique, il est clair que la plupart des gens ne peuvent pas faire de la philosophie. Aquinas dit : ils n’en ont ni l’aptitude, ni le loisir, et ces questions sont difficiles et sujettes à de nombreuses erreurs. Mais les simples citoyens peuvent encore être conduits jusqu’aux vérités concernant Dieu, la création, notre rôle dans le grand plan de la vie. Les idées sont essentielles, mais il en est de même pour une éducation consciencieuse des personnes au sein de nos familles et de notre société. Education, qui depuis des temps immémoriaux, est délibérément effectuée en vue que nos émotions spontanées s’accordent aux vérités les plus grandes de la foi et de la raison. Dans un célèbre extrait de L’abolition de l’Homme, C. S. Lewis écrit :
« Platon nous l’a dit il y a bien longtemps. Comme le roi gouverne par son pouvoir exécutif, de la même manière la Raison doit régir les appétits primaires de l’homme par sa force d’âme. »
La tête dirige le ventre au travers de la poitrine — c’est le siège des émotions qui organisées par des habitudes produisent des sentiments stables… ceux-ci étant l’indispensable officier de liaison pour faire communiquer « l’homme cérébral » avec « l’homme viscéral ». Nous pourrions même dire que c’est par cet élément central que l’homme est Homme : car par son intellect il est simple esprit tandis que par son appétit il est simple animal. Dans les temps modernes, les régimes totalitaires tentèrent de remanier l’esprit et le cœur des gens avec brutalité, et le discours chrétien de faire quelque chose de semblable soulève de la méfiance. Mais les chrétiens ne devraient pas se laisser intimider. Les écoles gérées par l’état sont vigoureusement au travail afin de faire passer l’idée du mariage gay –et bien plus- pour une chose normale, et tout en s’attendant que les sentiments suivront. Il n’y a pas de doute qu’il nous faut des arguments sensés et percutants, sans oublier plus de véritable sagesse. Mais il nous faut aussi délibérément viser à rendre le grand public à nouveau émotionnellement convaincu que nous ne sommes pas notre propre maître, que nous ne pouvons pas ignorer Dieu, la nature et l’expérience – sans encourir de conséquences catastrophiques. http://www.thecatholicthing.org/2015/07/09/faith-and-feeling/