Du Scepticisme - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Du Scepticisme

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Je l’admets, le réchauffement climatique et la décision de la Cour Suprême font de moi un sceptique. Dans un monde devenu fou, c’est un scepticisme qui naît naturellement. L’idée de détruire toutes les statues de Lee [Héros de la guerre de sécession] et Jackson [un des premiers Présidents des USA] vient comme celle de Daesh de détruire les églises chrétiennes et les monuments assyriens. Existe-il une réelle différence entre les deux ?
Toutes deux proviennent d’une idée abstraite plaquée sur la réalité, avec ses propres conceptions et règles.

On peut faire dire n’importe quoi — et on ne s’en prive pas — à notre célèbre Constitution, sauf, peut-être, de confirmer que dans une famille les enfants sont ceux de leurs parents. À la publication de la sentence de la Cour Suprême [« mariage » homosexuel], le Président Obama a déclaré qu’un nouveau pas venait d’être franchi dans sa démarche vers l’Égalité. S’il y parvient, ce qui est fort possible, on aboutira à la pire des tyrannies que le monde ait connues au nom de principes.

Dans The Man Who Was Thursday (L’homme – Jeudi) Chesterton évoque cet ultime scepticisme sans fond de l’univers. L’expression « ultime scepticisme » me taraude. Mon scepticisme naissant affirme que des limites existent dans l’univers, et qu’on les connaît. On assiste à leur rejet systématique, volontaire. La thèse qu’il n’existe aucune limite dans l’univers nous invite, d’évidence, à établir les nôtres, même si elles n’ont de raison d’être qu’elles-mêmes. Pour moi, être sceptique signifie douter de la validité des nouvelles « limites » établies, qui s’appuient uniquement sur le rejet délibéré de normes établies sur le comportement que nous devrions avoir.

Dans Orthodoxie, Chesterton parle de deux types de scepticisme. L’un garde l’idée que tout a en fait un commencement et une fin. Mais une autre forme de scepticisme plus « terrible » est décrite : «  C’est l’idéalisme qui rejette la réalité qui lui est extérieure ». Cette dernière forme de scepticisme est considérée comme pire que le matérialisme dogmatique. La phrase : « rejeter une réalité qui lui est extérieure » mérite réflexion.

La chrétienté, tout comme précédemment Platon et Aristote, soutient l’existence d’une réalité extérieure à nous-mêmes. Alors que St. Augustin, lorsqu’il regarde en lui même, peut trouver Dieu déjà présent, l’homme moderne insiste sur le fait que, par l’introspection, il ne trouve que ce qu’il veut. Il bâtit le monde sur cette idée. Nous ne débutons pas par ce qui nous est extérieur — par exemple, l’enfant à sa conception : « quel besoin a-t-il d’être ce qu’il est ? »

Nous prétendons plutôt que nous sommes égaux. Notre égalité, nos droits l’emportent sur tout ce qui nous est étranger. Un véritable bébé force ses parents à se surmonter, pour son bien comme pour le leur. Un bébé a besoin d’un papa et d’une maman qui l’ont engendré et mis au monde. Priver un enfant de ce besoin naturel au nom d’une « égalité » et d’un « droit » d’avoir ce qu’on veut, c’est refuser une vérité extérieure à soi-même pour définir le regard à porter sur autrui, qui ne nous concerne pas.

La sentence de la Cour n’évoque pas les enfants, mais les « droits » de personnes qui, par nature, ne pourraient en avoir. En fait, on ne peut « redéfinir » le mariage. Le mariage demeure en vérité ce qu’il est. Le mariage, en vérité, ne peut pas être « redéfini ». La réalité du mariage reste ce qu’elle est. La seule chose que nous pouvons faire, et c’est ce que nous faisons, Et dans ce mensonge, nous imposons une souffrance inhumaine et une perturbation dans la vie innocente de ces enfants qui deviennent des victimes de « droits » imaginés par quelqu’un d’autre.

Où est- ce que cela mène pour les sceptiques comme moi, qui, pour reprendre une phrase de Hegel, sentent ici une perturbation des esprits au niveau mondial ? Nous le saurons bientôt. En fait, nous le savons déjà. Nous ne sommes pas simplement ici en train de discuter d’un jeu inoffensif d’étranges spéculations. Il s’agit d’hommes sérieux, peu portés à la plaisanterie, face à une grave mission qui leur a été confiée. Seules leurs opinions seront admises. Seules les idées de leur petit monde sur l’écologie, le mariage, l’égalité seront acceptables pour les autres.

Il fut un temps où nous pensions que la Constitution nous protégeait. Après ce 4 juillet [fête nationale de l’Indépendance] nous saurons qu’il n’en sera plus ainsi. L’universalisme est implicite dans la Déclaration [d’Indépendance] qui semblait donner de l’espoir pour tous, une « assise » — protégée par Dieu — où reposerait la dignité de l’homme. Cependant cette « assise » est désormais fondée sur un idéalisme égalitaire-écologique indépendant de la réalité même. La réalité est remplacée par un monde imaginé par des esprits débridés, qui ont l’intention de nous imposer des théories à l’opposé de ce que nous sommes et avons l’intention de demeurer.

Nous découvrirons bien assez tôt que non seulement nous ne pouvons pas éviter ces choses, mais que nous ne pourrons même pas en public mettre en doute leur validité. Le « scepticisme radical » aujourd’hui n’est pas celui qui ne voit pas de limite à être ou qui ne voit pas de réalité, mais des idées. Le sceptique radical est celui qui doute de la vérité ou de la validité de telles idées qui nous sont imposées, souvent avec notre consentement, sinon avec notre accord.

7 juillet 2015

Statue en danger : place du Général Lee à La Nouvelle Orléans.