Songeries d'un dinosaure sur la famille et le mariage - France Catholique
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Songeries d’un dinosaure sur la famille et le mariage

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Il n’est pas bien difficile de nos jours d’être qualifié de dinosaure – vous pouvez l’être même si vous connaissez les spécificités du dernier smartphone ou la plus récente innovation en matière de réseautage social. Tout ce que vous avez à faire est de manifester un rudiment d’attachement à la conception historique de la cellule de base de la société humaine, la famille.

J’ai quatre enfants plus ou moins adultes. (De fait, ils ont tous la bonne vingtaine, bien qu’occasionnellement l’un ou l’autre fait ou dit encore quelque chose qui me remémore la répartie de la fille genre brebis galeuse d’une amie. A sa mère qui lui demandait, exaspérée, « quand te décideras-tu à grandir ? » elle avait rétorqué : « mais j’ai grandi, maman, mais à ma façon ».) A peu près à mi-chemin de leur parcours vers l’âge adulte, j’ai pris un gagne-pain extérieur à plein temps – bien loin du modèle de la mère au foyer, qui chez nous avait même inclus l’école à la maison.

Quinze ans après avoir basculé de ce modèle à celui de la mère « rarement à la maison et toujours débordée », j’ai absorbé une connaissance approfondie de la plupart des unions et partenariats contemporains adoptés par nombre de mes collègues de travail ou leurs enfants. Et je me surprends toujours à faire les bévues les plus élémentaires dans les conversations à propos du mariage et des enfants. La plupart d’entre elles tournent autour de deux hypothèses solidement enracinées : que trouver et épouser un bon conjoint est la tâche la plus délicate du début de l’âge adulte pour la plupart des gens (exceptés bien sûr ceux qui sont appelés à la vie religieuse ou au célibat) et que se marier ou être marié est important et même primordial vis-à-vis des enfants.

Aucune de ces hypothèses n’est évidente pour de plus en plus de jeunes (et moins jeunes) gens. Prenez la première : que trouver, courtiser et épouser un conjoint est le projet le plus important en début de vie adulte pour qui ne se destine pas au célibat. Même les garçons avaient compris cela : une bonne part de leur ambition à avoir de bons revenus était liée à leur désir d’être capables de subvenir aux besoins d’une famille. Même maintenant, la plupart des jeunes des deux sexes espèrent se marier un jour, même plus, ils espèrent un mariage durable. Ce dernier espoir, d’ailleurs, est souvent fort ténu, incertain, pas vraiment attendu. Beaucoup de ces jeunes gens proviennent de foyers brisés, de familles recomposées, et si profondément qu’ils aspirent pour eux-mêmes à un mariage permanent, aimant, préservé – ils en rêvent comme de gagner à la loterie ou d’obtenir un prix Nobel.

Puisque la permanence leur semble improbable, et hasardeux le soutien d’un conjoint pour la vie dans les bons et mauvais jours, cela leur semble risqué, téméraire même, de subordonner les autres projets et décisions d’importance à des priorités romantiques dans l’espoir qu’une relation amoureuse évoluera non seulement en mariage, mais en la grande affaire : un mariage aimant et permanent. Dans cette perspective, il serait irréfléchi, par exemple, de parier gros et de déménager à l’autre bout du pays juste parce que le ou la bien-aimé(e) s’y est vu offrir un travail en or (ou autre alternative, renoncer à un super poste ailleurs parce qu’il vous éloignerait de votre moitié). Après tout, il est imprudent de placer tous ses oeufs dans un même panier – et donc, avec le temps, le panier ‘perspectives de mariage’ risque de rester bien vide.

La seconde hypothèse, que le mariage est important et primordial (assurément du point de vue de la société) relativement aux enfants, n’est plus partagée par de larges pans de la société, pour une foule de de raisons, sociologiques, financières et politiques. Cependant la plupart de ces raisons reposent sur certaines des mêmes préoccupations d’un soutien mutuel fiable et digne de confiance qui hantent les jeunes célibataires quand on aborde l’hypothèse numéro un. Avoir des enfants est un choix, un choix dont les conséquences imprévues apparaissent incommensurablement plus grandes pour les parents potentiels qu’elles ne semblaient autrefois (quand la majorité des événements de la vie étaient imprévus, non planifiés et souvent non désirés). De nos jours, choisir d’avoir des enfants peut sembler particulièrement risqué, car une famille intacte repose sur la base fragile du lien conjugal.

Dans les familles rescapées,avoir et élever des enfants (un ou deux) est généralement financé par deux professions ou « carrières » à plein temps (bien que chaque époux puisse redouter que l’autre contributeur fasse un jour défaut, lui faisant porter l’essentiel du fardeau). Et non seulement les dépenses au profit des enfants sont élevées, mais l’emploi du temps dans les familles bi-actives tend à être un casse-tête.

En somme, bien que pas mal de gens continuent de se marier et (dans une moindre mesure) d’avoir des enfants, le mariage leur semble intrinsèquement peu fiable (plus que les statistiques sur les divorces ne l’indiquent). De plus, remplir convenablement le rôle de père ou de mère semble d’une difficulté décourageante, requérant un Everest d’efforts. L’aisance et le naturel de l’expérience humaine multi-millénaire du passage de la jeunesse au mariage et aux charges de famille (qui s’était peut-être compliquée de nouveautés lors de la révolution industrielle) s’est perdue pour beaucoup voire la plupart des jeunes gens. A un certain degré, c’est probablement le cas pour toutes les couches de population autres que celles attachées délibérément à la tradition.

Lesquelles sont maintenant considérées par tout le monde comme des dinosaures.

Ellen Wilson Fielding est rédactrice en chef de la revue Human Life Review et vit dans le Maryland.

illustration : un mariage catholique traditionnel

Source : http://www.thecatholicthing.org/2014/12/11/dinosaur-musings-family-marriage/