La Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements a publié le 8 juillet une lettre circulaire concernant l’Expression rituelle du signe de la paix à la Messe; S.S. François l’a approuvée la veille et a ordonné sa publication. La lettre traite du sujet du Signe de Paix, répondant à la question : le Saint Siège décidera-t-il d’avancer le Signe de Paix plus tôt au cours de la célébration?
La décision a été prise de le laisser à sa place actuelle. Explication donnée par la lettre circulaire:
Selon la tradition liturgique romaine l’échange de paix se situe avant la Sainte Communion selon sa signification liturgique spécifique. On trouve son origine dans la contemplation eucharistique du mystère pascal, « Baiser Pascal » du Christ ressuscité présent sur l’autel, contrairement à d’autres traditions liturgiques inspirées par le passage de l’Évangile selon Saint Matthieu « Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis reviens, et alors présente ton offrande.» [Mt 5 : 23-24].
Cette distinction a son importance: le signe de paix à la Messe se rapporte au don de Sa Paix par le Christ Ressuscité, et donc justifie la place de ce rite juste avant le moment où le Christ va nourrir Son peuple avec Son propre Corps et Son propre Sang dans la Sainte Communion. Le Christ est notre paix, et le rite d’échange de paix doit exprimer ce don, et non pas nous distraire alors que nous nous préparons à recevoir ce don de la paix du Christ par la Sainte Eucharistie. Pourtant, l’échange du Signe de Paix est devenu dans nombre de paroisses l’occasion de s’éloigner du Christ présent sur l’autel par l’Eucharistie pour se concentrer sur l’assemblée elle-même, oubliant qu’il s’agit de la Paix du Christ.
La question de déplacer l’échange de paix, soulevée lors du Synode Épiscopal sur l’Eucharistie en 2005, fit apparaître des divergences parmi les Pères du Synode à propos de son côté perturbant selon la manière dont on pratique cet échange de Paix en nombre d’endroits. S.S. Benoît XVI remarquait dans son exhortation apostolique post-synodiale « Sacramentum caritatis »: au cours du Synode on a discuté du bien-fondé d’une certaine restriction à ce geste, qui peut être excessif et entraîner une certaine distraction dans l’assemblée juste avant de recevoir la Communion. Il faut garder à l’esprit qu’on ne perd rien quand le signe de paix est marqué de la sobriété qui conserve l’esprit particulier de la célébration, tel, par exemple, en le limitant aux voisins immédiats.
La lettre circulaire insiste sur l’absolue nécessité d’un échange plein de révérence et de sobriété dans le signe de paix du Seigneur, proposant quelques lignes de conduite …. pour mieux expliquer le fond de l’échange de paix et modérer les manifestations excessives perturbant l’assemblée juste avant la Communion.
La lettre surprit un grand nombre par ces mots: « on prévoit qu’elle ne sera pas compatible avec certaines circonstances ou si son application en certaines occasions ne semble pas pédagogiquement appropriée, ou s’il semble préférable de ne pas en tenir compte. Il faut cependant rappeler que le Missel précise à ce sujet: « Puis le prêtre ou le diacre peut inviter les membres de l’assemblée à échanger la paix fraternelle ».
Le Signe de Paix n’est pas obligatoire. Le Saint Siège est nettement conscient que ce rite optionnel est devenu source de nombreuses sortes de problèmes et de distractions. La Lettre Circulaire cite les « abus » qu’il faut « à tout prix éviter ». Parmi eux, des chants de paix pendant l’échange de paix, le déplacement de fidèles dans toute l’église pour échanger la paix avec les autres, la descente du célébrant de l’autel dans la nef vers les fidèles, et la pratique pas rare lors de messes particulières telles que mariages ou funérailles d’aller dire félicitations ou condoléances.
J’ai assisté à tout ce genre de manifestations, la plus mémorable (et lamentable) étant l’air de « Joyeux anniversaire » joué par l’organiste d’une paroisse pendant le Signe de Paix. Je suis persuadé que mes lecteurs ont assisté à ce genre d’excès et de mises en scène. Les fidèles ont été induits en erreur par l’ignorance généralisée de la signification profonde du signe de paix, don du Christ à nous tous et non don de chacun aux autres. Résultat: désordre dans la maison de Dieu.
L’action du Saint Siège est une intervention bienvenue pour rétablir l’ordre liturgique à un moment de la Messe où le surnaturel est aisément balayé par des aspects humains certes importants comme l’amabilité, la sympathie ou les gestes enthousiastes mais qui n’ont rien à voir avec la liturgie en cours, où la paix du Christ est offerte à tous par le célébrant puis partagée avec le voisin avec la sobriété appropriée. Le fidèle doit se concentrer sur la célébration, et les rites de la Messe sont destinés à orienter une telle attitude, surtout pas à s’en distraire.
Cette lettre circulaire aura-t-elle les effets escomptés? J’ai des doutes. Depuis de trop nombreuses années un esprit de contradiction s’est répandu chez nombre d’hommes d’Église et de fidèles laïcs. La règle est vue d’un œil soupçonneux et avec dédain quand elle contraint l’enthousiasme populaire en modérant ou éliminant quelque chose qu’on sent à portée de la main.
On peut s’attendre à des réactions du genre: « Je ne peux croire que Rome s’en prenne au moment le plus important de la messe,» ou: « On met déjà suffisamment l’accent sur Jésus au cours de la Messe, pourquoi ne pourrais-je pas dire un petit mot sympa à mes voisins.»
Que des gens puissent tenir naïvement de tels raisonnements montre à quel point cette réforme romaine est urgente.
Source : A Letter on Divine Worship
Photo : Une forme de distraction ….
Le Révérend Gerald E. Murray est curé de la paroisse de la Sainte Famille à New York. Il est spécialiste en droit canon.