Les dépenses mondiales en armement ont atteint en 2012 le chiffre impressionnant de 1 trillion de dollars. Et pourtant cette même année, l’économie mondiale était de 85 trillions de dollars ce qui veut dire que les ventes d’armes atteignaient un peu plus de 1 pour cent de toutes les dépenses. C’est encore beaucoup Mais le niveau « juste » des dépenses pour la défense – de même que le budget « juste » pour la police ou les pompiers – ne peut pas être déterminé de façon abstraite, en termes mathématiques. On doit le rapprocher de la nature et de la portée des menaces – qui se présentent par douzaines, à tout moment.
Le budget militaire des Etats Unis ces dernières années s’élevait à environ 800 milliards de dollars, juste un peu moins de 5 pour cent de toute l’économie américaine (17 trillions de dollars/an) Et les ventes US d’armes à l’étranger s’élevaient à 80 milliards de dollars, un demi pour cent du GDP. (Gross domestic product – Produit intérieur brut). Ce sont de gros chiffres, mais en comparaison de tout le reste de l’économie, un somme importante mais pas déraisonnable, surtout pour un pays qui a souvent dû intervenir là où les autres ne le voulaient ou ne le pouvaient pas, parfois dans des missions humanitaires. Par simple comparaison, Apple à lui seul a plus de 100 milliards de dollars de réserve, qu’ils n’arrivent pas à décider où investir dans cette économie mondiale incertaine – c’est plus que le coût des ventes américaines d’armes par an.
Je répète ces chiffres car il y a quelques semaines, au cours d’une interview dans un magazine espagnol, le pape a dit quelque chose de tout à fait bizarre. Tous les papes déplorent la guerre, et tout être humain rationnel est opposé aux ventes d’armes quand elles attisent des conflits inutiles. Mais François a été au-delà, disant que l’économie capitaliste mondiale était un échec et qu’ « ils » savaient qu’elle ne pourrait marcher que si « ils » pouvaient déclencher une troisième guerre mondiale. Mais « ils » n’y arrivent pas, c’est pourquoi il y a des guerres régionales.
On ne sait pas très bien par où commencer devant une telle affirmation. En tant que le plus grand marchand d’armes, les Etats Unis devraient sûrement être comptés parmi les « ils ». Mais est-ce que c’est l’Amérique qui mène les principaux conflits actuels en Syrie, Ukraine, Afrique – et même en Irak et en Afghanistan – pour des raisons économiques ? Pas un seul analyste économique ou politique voulant être pris au sérieux n’affirmerait une chose pareille. Et voilà pourquoi les remarques du pape ont été largement ignorées, même dans des publications comme le New York Times ou MSNBC, où elles ont le plus de chances d’être entendues.
La seule explication plausible des paroles du pape, c’est qu’il est un peu dans une bulle de « paix et justice sociale », et aurait besoin de nouveaux amis, des amis honnêtes. « On m’a dit » a-t-il déclaré dans la même interview, « que le chômage des jeunes est élevé en Europe, peut-être 50 pour cent par endroits ». En effet, il est élevé là-bas. C’est aussi le cas en Amérique. Mais faire un rapprochement entre ce fait – et la pauvreté mondiale – et une espèce de théorie de la conspiration sur les ventes d’armes et les guerres est vraiment bizarre. François tient cela de quelque part, d’une source peu fiable.
Il est clair qu’il est dans une bulle, à laquelle il a essayé d’échapper dans d’autres domaines. C’est pour cela qu’il a besoin de nouveaux amis – à défaut d’autre chose, pour l’aider à se rendre compte qu’il y a d’autres explications, en fait, des explications qui expliquent vraiment.
Qui, parmi ses amis habituels peut entretenir cette bulle ? Le cardinal hondurien Madariaga, le chef du « G8 » de François, qui gouverne le corps des cardinaux, doit être un de ceux-là. Il est celui qui a dit en grande fanfare, lors d’une conférence sur le libertarisme sponsorisé par l’Institut de Recherche politique et d’Etudes Catholiques à l’université catholique américaine il y a juste quelques semaines « L’économie tue. » Peut-être, mais aucune économie depuis la Crise, n’a réussi à faire profiter tout le monde de son activité. De façon plus précise, la globalisation de l’économie a sauvé des millions de personnes de la pauvreté. L’économiste, magazine à tendance libérale, a relaté que l’extrême pauvreté a été réduite de moitié entre 1990 et 2010.
Comment est-ce arrivé ? Les présidents et les premiers ministres occidentaux ont fait des discours grandiloquents sur l’histoire de la pauvreté, les cinquante dernières années. En 2000, les Nations Unies ont annoncé une série de huit objectifs de Développement Millénaire pour réduire la pauvreté, améliorer la santé, etc., L’impact d’une telle initiative a été, au mieux, marginale.
Quelle est la réponse ? « On devrait attribuer pratiquement toutes les diminutions du taux de pauvreté à la croissance économique. »
Dire le contraire serait une grande démagogie morale. Ce ne sont ni les institutions internationales, ni les organisations humanitaires, ni les transferts de revenus qui ont produit ce résultat miraculeux, quoiqu’incomplet. Quand on accuse une personne ou un système de meurtre, les autres ont le droit – l’obligation- de demander : « quelles sont vos preuves ? » Et en l’occurrence, qu’est-ce qui vous fait croire que votre plan (la redistribution) ferait mieux, plutôt que pire?
Il y a des menaces dans l’environnement, des avancées inégales, des ruptures sociales associées à la globalisation, c’est certain. Mais ce sont des problèmes différents, même s’ils sont en lien les uns avec les autres.
François a vécu et travaillé parmi les pauvres, et il a le droit de leur être attentif. Peut-être les autres ne font-ils que parler. Quand les hommes d’église parlent aux responsables économiques, ils font presque toujours preuve d’une ignorance basique. Ils considèrent qu’il y a des moyens connus de soulager la pauvreté et que tout ce qui se met en travers, c’est l’avidité des hommes d’affaires, ou l’inaction des politiciens.
On ne connaît pas de tels moyens – en dehors de la croissance économique. Il y a des hommes d’affaires avides, et des entreprises qui exploitent les gens, mais ce dont les hommes meurent, c’est de l’absence d’affaires. Et cela tient de l’aveuglement, de croire que les politiciens tels qu’on en trouve à toutes les époques et sous tous les climats, sont meilleurs pour résoudre les problèmes économiques que pour se plier aux exigences des électeurs.
Il n’y a pas de honte pour les prêtres, les évêques, et même les papes à ne pas comprendre l’économie, de même qu’il n’y a pas de honte pour un laïc à ne pas connaître grand-chose à la théologie. Mais nous devons tous faire un effort sincère pour reconnaitre ce que nous savons et ce que nous ne savons pas. Ce n’est que de l’honnêteté et de l’humilité.
Jean Paul II a pris la peine d’écouter des gens qui avaient de vraies connaissances en économie, et c’est pourquoi, même après ses avertissements contre un certain type de capitalisme dans Centesimus Annus (42), l’analyse qui suivait (43 – 62) demeure le meilleur commentaire général sur la complexité – les paradoxes occasionnels – des économies modernes.
Lisez cela. Si vous le faites, vous souhaiterez que François se trouve de nouveaux amis. Il a un réel souci des pauvres. Il a besoin d’entendre ce que pourraient lui dire ceux qui peuvent montrer ce qui a été démontré comme une aide à tant de personnes dans le besoin.
Traduction de Pope Francis needs new friends
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