Faut-il aller jusqu’à frapper les hérétiques ? - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Faut-il aller jusqu’à frapper les hérétiques ?

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Quand j’étais enfant, il y avait dans notre église fondamentaliste un homme odieux dénommé Frank qui avait toute une flopée d’enfants mal élevés. Lorsque l’un d’entre eux se conduisait mal, Frank chassait le mécréant du sanctuaire et lui flanquait une beigne. Quand il réapparaissait avec son malheureux rejeton, Frank marmonnait d’un ton moralisateur, « Nous devons parfois administrer de l’amour à nos enfant de cette manière». 1

Ce souvenir me rappelle un autre incident bien antérieur survenu dans une église. Lors du Concile de Nicée, l’évêque Nicolas de Myrrhe flanqua son poing dans la gueule de l’hérétique Arius. Arius avait été prié de défendre sa doctrine selon laquelle Jésus-Christ serait un simple être humain et non Dieu incarné. Le futur papa Noël 2, irrité par ces absurdités, se leva et lui administra « un peu d’amour ». Saint Nicolas est aussi appelé Nicolas le faiseur de miracles. Des miracles en effet et du bon travail.

Nicolas ne fut pas le seul Père de l’Eglise porté aux manifestations physiques de la vraie foi. Saint Jean Chrysostome fut si troublé par des chrétiens qui recommandaient l’abstention de toute boisson alcoolique qu’il encouragea les fidèles à se révolter dans une homélie :

Paul n’a pas honte… en écrivant à Timothée de l’inciter à profiter de la vertu curative du vin. Ne pas boire de vin ? A Dieu ne plaise ! Car de tels préceptes sont ceux des hérétiques… si vous entendez quelqu’un sur la voie publique ou au milieu du forum blasphémer Dieu, allez le réprimander, et si besoin est, infligez-lui des coups, ne vous en privez pas. Frappez-le au visage ; frappez sa bouche, sanctifiez votre main par ce coup, et si des gens vous accusent et vous traînent en justice, suivez-les et quand le juge…vous demandera des comptes, vous répondrez hardiment que l’homme en question a blasphémé le Roi des anges !

La plupart d’entre nous hésiteraient à suivre l’avis énergique de saint Jean Chrysostome. Expliquer au shériff que nous avons frappé un chrétien progressiste parce qu’il « avait blasphémé le Roi des anges » n’est pas notre méthode. Notre nouvelle béatitude, c’est « bienheureux les mollassons car ils auront une vie tranquille en héritage ». Nous préférons nous battre avec des mots plutôt que des épées, car nous sommes sûrs que frapper les touches d’un clavier peut s’avérer plus efficace que flanquer son poing dans la figure d’un individu.

Néanmoins, des critiques virulentes, des vitupérations et même la violence à l’égard des hérétiques font partie des Ecritures. Saint Paul tonne contre les légalistes qui insistent pour que les Gentils qui se convertissent soient circoncis, en disant qu’il souhaite qu’ils aillent jusqu’à la mutilation. (Gal. 5,12).

Quant à Saint Pierre, il a écrit ce morceau d’anthologie contre les hérétiques :
« Il y aura aussi parmi vous de faux docteurs qui introduiront des sectes pernicieuses… Beaucoup suivront leurs débauches, et la voie de la vérité sera blasphémée à cause d’eux. Par cupidité, au moyen de paroles trompeuses, ils trafiqueront de vous… eux qui, comme des animaux sans raison… blasphémant ce qu’ils ignorent… estiment délices la volupté du jour ; hommes souillés et flétris, ils mettent leur volupté à vous tromper, en faisant bonne chère avec vous. Ils ont les yeux pleins d’adultère et insatiables de péché, ils allèchent les âmes mal affermies et ils ont le cœur exercé à la cupidité, êtres maudits !… Ce sont des fontaines sans eau… l’obscurité des ténèbres leur est réservée… Il leur est arrivé ce que dit le véridique proverbe : Le chien est retourné à son propre vomissement et « La truie à peine lavée se roule dans le bourbier ». » (IIe Epître de Saint Pierre)

Et en fait, si le Nouveau Testament chante avec douceur la joie de suivre le Christ, il lance également de très sévères imprécations contre les légalistes et les faux docteurs débauchés. Les apôtres ne recommandent peut-être pas la violence physique contre les hérétiques, mais ils ne s’abaissent certainement pas aux compromis, aux paroles sournoises, et méprisent l’immoralité et les pseudo-vérités sentimentales qui déguisent les mensonges et prétendent que les divisions n’existent pas.

Sans imiter les baptistes de l’Eglise de Westboro, notre époque pusillanime pourrait faire son profit de quelques théologiens pugnaces. Peu d’entre nous prendront le risque de frapper un hérétique, mais avons-nous le choix ? La clarté vient en premier. Il y a un enseignement qu’on peut qualifier d’erroné parce qu’il s’oppose à la vraie doctrine. La foi catholique est la vérité. Elle est par conséquent dogmatique. Elle a des limites. Tout n’est pas permis. Il est possible de se mettre en dehors de l’Eglise, et nous apprenons à connaître les limites grâce à une catéchèse solide et substantielle.

Si nous savons clairement qu’il existe des limites, nous savons tout aussi clairement que de faux docteurs brouillent ces limites, édulcorent la foi et obscurcissent la vérité. Tant au niveau de la doctrine que de la morale. Si nous savons clairement que l’hérésie existe, nous devons aussi la détester. Nous détestons les faux docteurs parce que le destin des âmes est en jeu. Un enseignement erroné mène à de mauvaises croyances et à de mauvaises conduites, et ces mauvaises croyances et conduites entraînent les âmes sur la voie royale qui mène à la destruction.

La clarté vient en premier. La charité en second. Dans le deuxième chapitre de l’Apocalypse, Saint Jean cite les paroles du Christ à l’Eglise d’Ephèse : « Tu as pourtant ceci, c’est que tu hais les œuvres des Nicolaïtes, œuvres que je hais aussi ». (La secte des Nicolaïtes était tristement célèbre pour sa licence sexuelle et sa fausse doctrine). Remarquez pourtant que le doux Saint Jean dit qu’il hait les œuvres des Nicolaïtes. Il faut donc détester l’hérésie et aimer les hérétiques.
La clarté d’abord donc, puis la charité, ce à quoi j’ajouterai une touche d’enjouement. Chesterton était un bon combattant de la foi parce qu’il était un combattant heureux. Les hérétiques sont rarement heureux. La bonne humeur est par conséquent souvent le meilleur antidote au sérieux revêche et pharisaïque de l’hérésie.

Malheureusement, les hérétiques sont souvent aussi odieux que l’hérésie. Il n’est pas facile de séparer le péché du pécheur et il n’est pas facile de distinguer l’hérésie de l’hérétique. La tentation de la gifle demeure donc, de même par conséquent que notre prière aussi : « Ne nous soumets pas à la tentation », et apprends-nous à administrer l’amour avec de meilleures méthodes.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/on-punching-heretics.html

Père Dwight Longenecker : dwightlongenecker.com

Photographie : Nicolas frappe Arius : détail d’une fresque représentant le Concile de Nicée (Monastère de la Panagia Sumela [Meryemana Manastiri] en Turquie)

  1. Note du rédacteur en chef : The Catholic Thing n’a jamais aspiré à matraquer les hérétiques – bien que (comme le père Longenecker l’explique aujourd’hui) la tentation de répliquer avec violence à des mensonges qui rongent l’âme soit forte. Mais nous faisons usage de toutes les armes de l’esprit, de l’âme et de l’intelligence. Et nous avons vraiment besoin de votre aide maintenant pour poursuivre cette lutte spirituelle. Comme beaucoup d’entre vous le savent, cette semaine, je suis allé en pèlerinage à pied à la cathédrale de saint Jacques de Compostelle. (Je vous parlerai de cette expérience dans quelques jours). Pendant tout ce trajet, j’ai prié à l’intention de tous ceux d’entre nous qui sont associés à The Catholic Thing – y compris vous, les lecteurs. Cette période de collecte de fonds a été prometteuse, mais nous devons persévérer encore un peu pour atteindre nos objectifs de printemps. Je vous en prie, si cela vous est possible, donnez encore un coup de collier. Il n’y a pas beaucoup de sites sur l’ensemble de la toile mondiale où vous puissiez trouver des commentaires aussi incisifs et fiables sur la Foi et le monde que The Catholic Thing. Robert Royal
  2. Parce que dans de nombreux pays (notamment orthodoxes) les enfants recevaient des cadeaux le jour de la Saint Nicolas, ce dernier est devenu aussi un « papa Noël » (Noel baba en turc).