Avertissement : ce texte est assez difficile à comprendre. Il semble en partie répondre à un courant de pensée présent aux USA qui considère l’homosexualité comme un bienfait et voudrait persuader que tous ceux qui ont une grande propension à l’amitié avec des personnes de même sexe sont des homosexuels. De quoi faire des ravages dans l’âme et l’esprit de beaucoup.
Dans True Morality and Its Counterfeits (La vraie moralité et ses contrefaçons), Dietrich von Hildebrand examine minutieusement ce qu’il appelle « le mysticisme du péché » de romanciers catholiques marquants, tels que Graham Green. Il a remarqué que les auteurs, réagissant à la vertu morte des hypocrites qui vont à la messe et suivent en apparence les commandements, mais n’ouvrent leur coeur ni à Dieu ni à leur voisin, ont mis en scène un faux dilemme et en ont tiré de fausses conclusions.
A savoir : s’il est « meilleur » de pécher dans les grandes largeurs, comme la prostituée Sonia dans Crime et châtiment, plutôt que somnambuler dans la vie dans un état moral ni blanc ni noir mais simplement médiocre, alors nous devons supposer que de tels pécheurs, plus près de Dieu que les médiocres, sont favorisés de révélations admirables et d’un grand prix sur le bien et le mal. Le péché devient une « heureuse faute » au moyen de laquelle Dieu apporte vertu inopinée et sagesse dans le monde.
Soyons clairs. Cette position n’a pas de justification biblique. Jésus n’a jamais dit : « bienheureux ceux qui ont exploré les abîmes du péché, ils deviendront aussi avisés que des serpents ». Jésus n’a jamais recommandé le péché pour pimenter le buffet. Jésus mangeait avec les pécheurs, il ne péchait pas avec eux. Saint Paul, conscient de son péché et de sa faiblesse, ne dit jamais : « il est bon que j’ai persécuté l’Eglise, parce que maintenant je suis bien placé pour en faire la promotion. » Paul dit qu’il devient tout à tous afin d’en gagner quelques-uns ; il ne dit pas qu’il se vautre dans leurs tentations.
Von Hildebrand est attentif à montrer que le bien que Dieu, dans Sa Providence, peut faire surgir du passé du pécheur, n’est pas attribuable au péché, ni par lui-même ni par ses circonstances. La naïve Sonia, qui se prostitue pour empêcher sa famille de mourir de faim, n’est pas admirable en raison de son péché mais malgré lui. Nous déplorons sa prostitution, nous admirons son amour et son héroïsme. La sainteté lui a été donnée par Dieu malgré la faute et non à cause d’elle.
Les humains à la durée de vie éphémère ne peuvent présumer de la Providence divine. Nous ne pouvons savoir comment Dieu aurait façonné un Augustin qui n’aurait pas vécu une jeunesse dissolue. Nous ne devrions jamais regarder nos péchés pour autre chose que ce qu’ils sont : des péchés qui apportent aridité spirituelle, dureté du coeur, aveuglement et calamités. Ils n’ont absolument aucune valeur. Point final.
Ca s’applique aussi à la tentation ou aux penchants mauvais.
Supposons que John soit tenté de voler. Chaque fois qu’il voit de belles choses qui ne lui appartiennent pas, il commence à les convoiter. Il échafaude des moyens de les dérober et de les emporter. Mais il ne dépasse pas le stade des vols imaginaires. Il sait que la Loi de Dieu l’interdit. <
Quel valeur allons-nous attribuer à l’envie de voler de John ? Asolument aucune – il serait beaucoup mieux sans. Il s’agit d’une altération de son caractère. Supposons que John dise : « regardez, je m’abstiens de prendre les biens d’autrui. Ne suis-je pas vertueux ? Nous devons répondre, non, pas du tout, et le mettre en garde contre la tentation de faire de sa faiblesse un mystérieux objet de fierté. Nous lui dirons : « il est bon d’admirer ce qui est admirable et de se réjouir pour les propriétaires. Ce n’est pas bon de rêver de voler ces choses et d’être fier de ces rêves. »
Supposons que Jerry aime travailler avec des enfants. Il les trouve beaux. Il aime les attirer. Il admire leurs corps menus, leur peau lisse, leur petits muscles. Il est en quête de piscines pour pouvoir en voir. Jerry dit : « je suis un pédophile. Mais ne vous inquiétez pas – je n’ai jamais touché un enfant de façon inconvenante et je ne le ferai jamais parce que je respecte la loi morale. »
Que pouvons-nous bien faire de cette annonce ? Jerry est-il moralement admirable d’avoir cette inclination et d’y résister ? A-t-il quelque chose à nous enseigner concernant les enfants qu’il n’aurait pas découvert sans cette attirance malsaine ?
Nous pouvons admirer son combat contre le mal, nous ne pouvons pas admirer le mal à l’origine de ce combat. Ce serait mieux pour Jerry de ne pas souffrir de cette inclination. Ce serait mieux pour tout le monde. Son abstention à faire le mal n’est pas un bien en soi, pas plus que quand John s’abstient de voler.
Nous pourrions lui dire : « c’est bien d’apprécier vivement la beauté des enfants, mais votre admiration est faussée. Elle serait meilleure si elle n’était pas désordonnée. Cela ne vous fait pas de bien, cela ne nous fait pas de bien. Vous ne devez pas faire un totem de cette attirance. »
Et ainsi de toutes nos inclinations au mal. Elle ne contruisent pas nos personnalités, elles les contrecarrent, les étouffent ou les défigurent. Qaund nous disons « je suis un voleur », si nous voulons dire autre chose que « jai volé », nous sommes dans l’erreur. Nous sommes qui nous sommes, en dépit de et malgré nos inclinations mauvaises.
Et c’est ce que nous devons dire aux gens – blessés, sans aucun doute, parfois isolés, et peut-être effrayés d’une vie sans épouse et sans enfants – qui disent : « je suis gay ». Nous ne nions pas l’existence de la tentation. Nous ne voulons pas la prendre à la légère. Mais nous ne devons pas penser que c’est une chance, ni pour la personne qui en souffre ni pour tous les autres qui n’en souffrent pas.
Et nous devons clairement nier que ce désordre doive être attribué à ceux qui ont une grande capacité à l’amitié, et pour lesquels il n’y a pas l’ombre d’une preuve pour insinuer qu’ils aient jamais jeté un regard de désir vers le mal.
Et quand nous nous demandons si nous devons rendre publiques nos fragilités, quelles qu’elles soient, le seul critère doit être la charité envers les autres – tous les autres.
— –
Anthony Esolen est conférencier, traducteur et écrivain. Il enseigne à Providence College.
— –
Illustration : détail de La descente de Croix, par Rogier van der Weyden, vers 1435
— –
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/temptation-mysticism.html