Sévères pénitences - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Sévères pénitences

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Lors de l’audience générale du 17 octobre 2012, Benoît XVI disait que nombre de problèmes sont dûs à une compréhension partielle ou erronée des termes précis et de leur signification dans la doctrine, et particulièrement du Credo. Nous pensons qu’avec un bon cœur et vêtus de candeur nous n’avons pas à nous plier tellement à ce qui nous est enseigné. Obéir à une personne, oui, mais à des vérités abstraites ? D’accord, pourvu que nous sentions que la vérité se trouve chez une personne qui soutient ce qui est juste et repousse ce qui ne l’est pas.

La précision de l’expression et des définitions est la base même de notre liberté dans la loi. Le Christ, selon Peter Kreeft dans « Philosophy of Jesus » (La philosophie de Jésus), Se montre penseur et orateur précis. Comprendre « Le Verbe fait chair » a suscité un foisonnement de pensées aux résultats surprenants. Dire « la personne du Christ est Vérité.» ne nous dispense pas de parler en termes exacts pour dire qui Il est et ce qu’Il est. Les mots n’ont pas tous une unique signification.

L’écrivain australien Frank Sheed, fondateur avec son épouse Maisie Ward de la célèbre maison d’édition Sheed & Ward, adorait raconter ses souvenirs de la « Catholic Truth Society » (Association pour la Vérité catholique). Avec ses amis il soutenait les sujets sur la foi avec quiconque se présentait au coin de Hyde Park ou autres célèbres lieux londoniens de discussion publique. La règle du jeu consistait à accorder compréhension et vérité. J’ai découvert récemment un essai de Sheed intitulé « L’Église et moi ». Il y relatait ses souvenirs de discussions de trottoir (Catholic digest, janvier 1975).

Un jour, un de ses collègues fut interpellé et défié par une femme peu avenante à la voix agressive. Ils l’avaient déjà repérée pour ses déclarations pas trop favorables aux pratiques de l’Église. Notre homme parlait de la confession, et cette femme, se moquant, l’interrompit: « Vous, les catholiques, je vous connais; vos jeunes gens vont à confesse dans l’église en face de chez moi. Aussitôt après, ils traversent la rue et viennent chez moi pour faire la chosette.» Il y avait là matière à vive réplique.

Notre homme laissa un instant flotter l’interpellation de la femme. Puis il répondit avec à-propos: « Madame, je n’imaginais pas que, de nos jours, des prêtres puissent infliger une aussi sévère pénitence.» Il faut toujours, disait Sheed, donner une réponse positive. Je pense à la place du mot d’esprit dans la théologie!

Il faut être assez informé des pratiques et de l’enseignement catholiques pour goûter l’humour de cette réplique. Beaucoup de gens ne croient pas au péché, et mettent en doute son existence. Et cependant ils taxent les catholiques d’hypocrisie parce que certains se confessent, font pénitence, puis en dépit de l’admonition commettent à nouveau le péché.

Le Christ à qui Pierre demandait combien de fois il faut pardonner répondit: « jusqu’à soixante-dix-sept fois.» (Mt, 18;22). Le Seigneur semble avoir été moins surpris que nous le sommes par la récidive de nos péchés. Il savait, comme Aristote, combien nous avons de peine à maîtriser nos penchants.
Le Christ disait et répétait que le juste n’a nul besoin de repentir. Il venait pour le salut des pécheurs, qui d’évidence en avaient grand besoin. Le salut des pécheurs implique logiquement :

– a/ que le péché existe (ou, peut-être plus simplement, que nous avons manqué l’occasion de bien agir) ; et

– b/ qu’il existe des moyens pour reconnaître le péché et obtenir le pardon.

Une « pénitence » suit l’aveu de la faute par le pécheur. En outre, le péché n’est pas le simple rejet par un mauvais comportement humain d’une définition objective du bien. Il s’agit également du caractère personnel de tous les péchés. Ils concernent personnellement le pécheur. Et ceci explique pourquoi ni homme ni ange ne peut remettre les péchés, mais seulement Dieu.

Le désordre dû au péché touche même la divinité. Jésus scandalisait les scribes et les pharisiens en déclarant pouvoir remettre les péchés. Ils savaient bien qu’Il revendiquait un pouvoir divin, prouvé implicitement par Ses actes miraculeux suivant Ses déclarations.

En fait, les « sévères pénitences » avaient pour objet de faire sentir au pécheur le désordre causé par ses propres péchés. Elles étaient ainsi le meilleur moyen pour réparer les dégâts à l’ordre moral. Platon avait déjà justement expliqué que nous devrions souhaiter être sanctionnés pour les mêmes raisons.

Pas de pénitence, sévère ou non, signifierait que nous vivons dans un monde où aucun de nos actes ne compte vraiment. Un tel monde serait strictement opposé à celui que Dieu a créé. En ce monde, deux choses peuvent coexister, l’esprit et le péché. Car quand le Verbe se fit chair, ce n’est pas le péché qui a eu le dernier mot.

Et voilà pourquoi, comme nous le lisons dans l’évangile de Luc (Lc, 15;7) « il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir.»

Tableau : Le repentir de Saint Pierre – Georges de la Tour, 1645.

http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/on-severe-penances.html