La loi instaurant le droit au mariage entre personnes du même sexe a donc été, après validation par le Conseil constitutionnel, promulguée sans attendre par le Président de la République à la date du 18 mai 2013. On se souviendra que celle-ci marquait aussi le centième anniversaire de la naissance de Charles Trénet dont une affaire, dans les années 60, avait révélé l’homosexualité alors qu’il avait toujours voulu rester très discret sur le sujet. Il en ira certainement très différemment dans les prochains jours où les premiers mariages entre hommes et entre femmes seront médiatisés à l’envie.
Christiane Taubira, ministre de la Justice, l’avait affirmé au début du débat parlementaire: il s’agit d’un changement de civilisation. Elle n’a pas dit que c’était le début d’un tel changement et elle a eu raison car il y a belle lurette que le changement de civilisation a commencé et devrait se poursuivre encore. Car la civilisation à changer n’est autre que la civilisation chrétienne et que celle-ci subit les assauts de ses adversaires depuis pratiquement son instauration.
On peut effectivement faire remonter la civilisation chrétienne à la conversion au christianisme de l’Empire romain en 312 sous le règne de Constantin. A partir de ce moment-là, la foi chrétienne n’était plus celle de communautés isolées et ferventes mais la religion de tous dont beaucoup l’embrassait par commodité ou intérêt sans réelle volonté de changer leurs habitudes et d’épurer leurs mœurs. De fait, les prétendues avancées sociétales dont les mérites nous sont vantés sont en réalité un lent mais inexorable retour à la barbarie. De même que l’abandon des terres agricoles conduit au développement des friches, le recul du monde chrétien laisse la place à la désolation dans laquelle la prévarication le dispute à la violence.
Pour s’en tenir à l’époque récente et à notre pays, il faut se rappeler que le divorce a été autorisé dès la loi du 8 mai 1792 et, après sa suppression, rétabli par celle du 27 juillet 1884. On ne parlait pas alors de changement de civilisation et pourtant, la société tournait le dos à l’un des enseignements fondamentaux du Christ: « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Mc 10, 1-12). Et que dire de la loi du 17 janvier 1975 autorisant l’interruption volontaire de grossesse, contredisant cet autre enseignement vital par nature: « Laissez venir à moi les petits enfants » (Mc 10, 15). Déjà, ce sont les enfants qui étaient les victimes de l’inconstance et de l’égoïsme des adultes, condamnés, dans un cas, à être ballottés dans des familles plus décomposées que recomposées et, dans l’autre cas, à ne pas même voir le jour.
Le soi-disant mariage pour tous n’est donc qu’une étape supplémentaire dans cette longue liste dans laquelle il faut aussi ajouter les manipulations génétiques, la procréation médicalement assistée qui existe déjà et en attendant la gestation pour autrui et toutes les dérives que le progrès scientifique rend possible dès lors que l’homme se veut démiurge.
Dans la Constitution pastorale « Gaudium et Spes », le Concile Vatican II appelait à une prise en compte des signes des temps. Sans contester l’indispensable dialogue de l’Église avec le monde, force est de constater qu’il s’agit bien souvent de contre signaux du monde moderne peu réceptif à l’idéal d’exigence de la foi chrétienne.
Sommes-nous donc condamnés à la barbarie? En fait, si nous voulons des lois conformes à la civilisation chrétienne, et même si nous savons que ces lois seraient profitables à tous, chrétiens comme non chrétiens, mieux vaut disposer, dans nos sociétés, d’un socle chrétien solide et reconnu. C’est ce que le Pape Jean-Paul II avait compris en invitant, dès le début de son pontificat, à une nouvelle évangélisation. Dans un régime démocratique où s’applique la loi de la majorité, il convient que celle-ci ne s’en tienne pas à l’émotion du moment, si bien mise en scène par nos médias, mais soit capable d’un discernement en profondeur que seul un cœur correctement instruit peut réellement effectuer.
Jean-Jacques Rousseau l’avait dit en substance: la démocratie convient à un peuple vertueux.
Qu’en ce temps de Pentecôte, nos élus et nous-même nous laissions caresser par l’Esprit afin de faire voter des lois réellement inspirées. Ce serait pécher contre l’Espérance que de croire une telle perspective impossible.