Entendu l’autre jour aux informations :
Une nouvelle technique de micro-ondes neutralisera les spores pour conserver le pain soixante jours. Les Américains gaspillent 40% de leur nourriture, dont 33% pour le pain.
Le taux de chômage dans la zone Euro a atteint 11,7%, un nouveau record. Mais l’inflation a chuté de 0,3% en novembre.
En Allemagne, le Bundestag a approuvé (473 pour, 100 contre, 11 abstentions) une aide de 44 millions d’€uro pour la Grèce.
La fonte des glaces a fait monter le niveau de la mer de 7,3 à 14,9 millimètres depuis 1992.
Dominique Strauss-Kahn (63 ans) versera 6 millions de dollars à une femme de ménage d’hôtel de New York (33 ans) pour mettre un terme à des poursuites au civil.
Au moins 66 morts dans quatre attentats en Irak.
Et aussi : le taux de natalité aux États-Unis est tombé de 8% de 2007 à 2010, mais de 14% parmi les étrangers, et 23% chez les immigrées mexicaines. Le taux en 2010 est de 63,2 pour 1000 femmes en âge de procréer, contre 122,7 en 1957.
Tout ça pour la BBC. Je n’avais pas encore écouté la revue de presse, faute de temps. Un tas de courriels urgents, un virus à l’attaque sur mon ordinateur, et le téléphone en train de sonner. L’alarme de ma voisine se calme toutes les dix minutes, et çà repart pour des heures. Est-elle partie en Floride, ou bien devrais-je appeler des secours ? Je reçois un pourriel d’un organisme malencontreusement accueilli pour un « index mondial de liberté ».
Ami lecteur, vous aurez sans doute trouvé de l’incohérence non sequitur dans ce qui précède (non sequituri, laissez tomber) — si ce n’est une réaction normale quand on se lève aux petites heures, et ce qui s’ensuit. C’était la Saint André, avant-veille du premier dimanche de l’Avent. Tentons de revenir les pieds sur terre.
L’année liturgique recommence pour les chrétiens. Par analogie avec le Nouvel An civil, j’ai décidé voici quelques décennies de prendre des résolutions chaque année à la Saint André. Mon idée était guidée à la fois par avarice intellectuel, et par esprit pratique: mieux vaut précéder l’Avent que se laisser aller dans l’euphorie de l’année nouvelle. Les résolutions ont alors plus de chances de durer plus qu’une nuit.
Comme bien des gens, je prends chaque année à peu près les mêmes résolutions. Et tout çà, bien que j’aie décidé vers 1992 de ne formuler aucune résolution relative à la boisson, au tabac ou à mon régime. Pour moi, de telles résolutions étaient du toc. Elles rejoignent dans notre culture l’assimilation de culpabilité par le régime alimentaire à la notion de péché.
Les résolutions devraient plutôt se porter sur le comportement personnel, moralement plus que physiquement critiquable. Et ceci aidera à fixer l’esprit sur des sujets autres que socialement répréhensibles. Qui, dans un tel état d’esprit, aurait besoin de l’approbation des autres ?
Un coup de tocsin: on devrait — j’en suis personnellement persuadé, tout comme mon curé — éviter de scandaliser les gens. Car si on est connu comme « Catholique » on devrait pouvoir exercer une miette d’influence sur les gens, quelle que soit leur appartenance religieuse, et rester sur le droit chemin d’une bonne réputation catholique.
C’est hélas à l’opposé de ma nature déplaisante, aimant laisser flotter une impression de scandale même sans le moindre motif. (je la tiens de mon père qui avait la plus grande indifférence pour l’opinion des autres).
Envisageons donc une résolution innocente, pas trop rigide: « L’an prochain, je ne tiendrai pas compte des chiffres. » On ne peut pas en ignorer certains, et le mieux serait l’ennemi du bien. Je dois me rappeler le numéro de téléphone de Belle-Maman; je dois contrôler mes relevés bancaires; je dois tenir compte du calendrier et de certaines dates, de certains rendez-vous.
Il faut préciser le genre de chiffres qu’on peut négliger, qui encombrent la tête, venus des médias ou d’internet: la « vision du monde sans Dieu » où les vérités sont publiées par des statistiques. On se plie à la mauvaise habitude où inconsciemment on résume le monde à l’aide de chiffres, où même la mort est traitée en chiffres.
Dans mon comportement, je vous en épargnerai le pourquoi, je ne peux négliger toutes les informations. Mais leur lecture implique de sauter systématiquement, délibérément, les chiffres, c’est généralement efficace.
En dehors de la distraction de ce que les médias nous apportent ou nous cachent (une façon de faire quotidienne) les chiffres ont une influence néfaste de dépendance : plus on en lit, plus ils nous déforment l’esprit. Pire que l’apéro ou les graisses saturées, ils nous dérangent le cerveau.
En revanche, il faut tenir compte des chiffres indispensables.
Laudes, Prime, Tierce, Sixte, None, Vêpres, Complies — sans compter Matines et veillées nocturnes. Quelque part dans les monastères nous pouvons croire à une information fiable, on y chante encore la Liturgia Horarum, venue tout droit des Pères du désert d’Égypte.
Lorsque j’étais encore anglican, voici bien des années, je suis devenu conscient de ces Heures, mon imagination étant captivée par les Preces Privatae [dévotions privées] de Lancelot Andrewes [1555 1626]. Sa prière universelle intitulée « Le Cadran », bâtie entièrement de citations bibliques et du texte grec ancien Horologion, résume les heures du jour citées dans la vie de Notre Seigneur. Elle tourne encore dans ma tête. Elle commence ainsi, selon la traduction de Brightman 1
« Toi qui tiens le temps et les saisons entre Tes mains: accorde nous de pouvoir Te dire notre prière quand il Te plaira et quand nous pourrons T’implorer, sauve nous. »
Nous ne vivons pas, pour la plupart, dans des monastères ; ni n’assistons à la messe tous les jours. Pourtant, préparant mes résolutions il y a quelque temps et quelques Avents, j’ai découvert qu’on peut organiser sa journée de sorte que les Heures sont des repères, et reconnues comme appels à prier, ne serait-ce que d’une phrase.
Chaque année, me semble-t-il je reprends la résolution d’améliorer mon emploi du temps sur ce thème horaire grâce auquel, même inaudibles, les cloches de la chrétienté peuvent se faire entendre.
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David Warren est ancien rédacteur au magazine « Idler », et encore récemment collaborateur au journal « Ottawa Citizen ».
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/advent-resolutions.html
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Tableau Lancelot Andrewes, école anglaise
XVI2
s.
