Silence ! Les "crimes" d'apostasie et de blasphème comme machine de guerre contre la liberté - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Silence ! Les « crimes » d’apostasie et de blasphème comme machine de guerre contre la liberté

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À chaque occasion où Benoît XVI parle du dialogue avec l’islam ou s’adresse directement à des musulmans, il ne manque pas d’insister sur la reconnaissance de la liberté de conscience et de religion, préalable et non conclusion à tout dialogue. Le nouvel ouvrage de Paul Marshall et Nina Shea « Silenced, how Apostasy and Blasphemy Codes are Choking Freedom Worldwide » (Baillonnés, comment les règles relatives à l’apostasie et au blasphème étranglent la liberté de par le monde) pointe une évidence dramatique, la distance effarante avec ce préalable au sein de nombreuses nations à majorité musulmane.

« Silenced » est un livre indispensable, référence incontournable pour quiconque voudrait soutenir l’idée de liberté de conscience, de parole et de religion. Il est profondément bouleversant dans son survol des pays à majorité musulmane, l’analyse des restrictions à ces libertés, et l’influence que ces pays tentent d’exercer, parfois efficacement, sur les discours de l’Occident à propos de l’Islam.

Si vous souhaitez comprendre la signification de la machination contre le bout de film (quatorze minutes) par ailleurs bien médiocre “The Innocence of Muslims,” (Innocence des Musulmans) il vous faudra chercher dans le livre de Marshall et Shea. Cet événement récent n’est qu’un des nombreux prétextes employés par une vaste campagne dédiée au baillonnement de l’Occident. Le livre fait état de nombreux incidents précédents qui font partie de ce schéma et ont été exploités avec plus ou moins de réussite.

« Silenced » n’analyse pas les racines de l’intolérance des musulmans, que l’on trouve dans le rejet fondamental du raisonnement par l’islam, mais tente d’en trouver les effets sur le monde actuel. Marshall et Shea exposent la façon dont les principaux pays musulmans traitent ou restreignent les libertés citées ci-dessus. C’est un tableau fort diversifié : l’Arabie Saoudite, par exemple, est très éloignée de l’Indonésie, non seulement géographiquement, mais aussi en termes de culture. Les auteurs sont soucieux de ne pas traiter le monde musulman comme un tout, mais s’efforcent de distinguer les différences entre les pays et les différences qu’on trouve à l’intérieur de l’islam. Ce livre n’est donc pas polémique, il décrit et analyse. Ce qui le rend si attachant, ce sont les nombreux récits de personnes, musulmanes ou non, victimes des lois sur l’apostasie et le blasphème dans ces pays. On connaît quelques récits, mais bien peu. Bouleversant.

Bien sûr, nombre de récits concernent des chrétiens, mais aussi des religions minoritaires telles que les « ahmadis » au Pakistan et les « baha’is » en Iran. Presque partout les musulmans convertis au christianisme ou à une autre religion sont sévèrement pénalisés, si ce n’est par les autorités gouvernementales de leur pays, par la culture musulmane, allant parfois jusqu’au meurtre.

Après l’exposé sur la répression, Marshall et Shea décrivent longuement les tentatives pour la justifier — et, en fait, pour l’exporter — au travers des Nations Unies et autres forums internationaux, essentiellement par l’Organisation de Coopération Islamique. Ces tendances ont encouragé les musulmans et leurs sympathisants dans les pays occidentaux à s’en prendre à la presse, au clergé, au monde politique dont ils soupçonnent l’islamophobie — ils auraient dit du mal de l’islam et de Mahomet.

Alors que les condamnations en justice sont rares, le procédé, tel que décrit par un Canadien qui en fut victime, aboutit à une sanction — un avocat est coûteux, et l’affaire porte atteinte à la réputation de la victime. À côté des poursuites en justice on relève les actions violentes de groupes autonomes, comme les meurtres de traducteurs du livre de Salman Rushdie ou de Theo Van Gogh aux Pays-Bas, ce qui a un effet paralysant sur les éditeurs et les auteurs, et entraîne une forme d’auto-censure.

Marshall et Shea relèvent un autre aspect de la question. Zeyno Baran, Américano-Turc et Musulman s’exprime ainsi: « en tolérant l’intolérance, bien des Occidentaux entravent l’action des musulmans modérés ou réformistes.» En se pliant aux susceptibilités de certains musulmans sur ce qu’on peut ou non dire au sujet de l’islam les dirigeants occidentaux risquent de freiner ce dont les musulmans ont le plus grand besoin: se réformer.
Quelques unes des citations les plus marquantes dans le livre proviennent de feu Nasr Hamid Abu-Zayd professeur Égyptien d’études arabes :

« Les accusations d’apostasie et de blasphème sont des armes de choix dans l’arsenal des fondamentalistes, employées dans la stratégie de blocage des réformes des sociétés musulmanes et, par ailleurs, pour l’enfermement des populations musulmanes du monde entier dans la glaciale prison grisâtre du conformisme socioculturel et politique… De telles lois [anti-blasphème . . .] entre les mains des islamistes radicaux qui tentent d’unifier et politiser les sociétés musulmanes jouent non seulement contre l’Occident mais aussi contre le concept et les principes de la vie actuelle — liberté, justice, droits de l’homme, dignité des êtres humains, tous inséparables du droit à la liberté de conscience et à la liberté de parole .»

Pour de tels propos Nasr Hamid Abu-Zayd fut déclaré apostat et dût fuir l’Égypte.

En d’autres termes, la dernière des attitudes à adopter serait de céder aux demandes de l’Organisation de Coopération Islamique de répandre, si ce n’est d’approuver les lois relatives au blasphème en vigueur dans ses pays-membres Dans la splendide préface édrite par feu Abdurrahman Wahid, ancien président d’Indonésie, et guide spirituel de la plus importante organisation Musulmane du monde (Nahdlatul Ulama) conseille : « Au lieu d’empêcher légalement la critique et le débat — ce qui ne fera qu’encourager les fondamentalistes musulmans dans leurs efforts en vue d’une conception d’un islam spirituellement dénudé, brutal, monolithique dans le monde entier — les dirigeants occidentaux devraient défendre bec et ongles la liberté de parole, non seulement dans leurs propres pays, mais dans le monde entier selon les termes de l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.»

Ce livre remarquable est l’illustration de ce que Wahid recommandait.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/silenced.html

Robert Reilly, ancien directeur de « La Voix de l’Amérique ».