Le bréviaire pour le mardi de la Semaine sainte contient une lecture de St Basile sur le Saint Esprit : « Quand l’homme s’est séparé de Lui par sa désobéissance, Dieu, notre sauveur, a conçu un plan pour nous relever de notre chute et nous rendre son amitié. » Dieu a conçu un plan ? Pourquoi ? « A cause de notre « désobéissance.» Quelle désobéissance ? Il est clair que Basile fait référence au Jardin, où Adam et Eve ont mangé le fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Basile parle d’une amitié perdue avec Dieu.
Qu’est-ce que cette « désobéissance » a à voir avec nous ? Nous sommes tous reliés ensemble de telle façon que tout ce que nous faisons de bien ou de mal à un autre nous touche tous. Supposons que Dieu nous ait donné un monde dans lequel nous serions complètement insensibles à ce que font les autres. Logiquement, Dieu devrait alors nous enfermer tous dans des boîtes séparées. Rien, sinon Dieu, ne pourrait nous atteindre. Nous n’aurions pas besoin des autres. L’homme ne serait pas par sa nature un « animal social ».
Dans le monde où nous vivons, cependant, ce que nous faisons ou ne faisons pas aux autres fait une différence, une différence fondamentale non seulement pour les autres, mais aussi pour nous-mêmes et pour Dieu. Ceci met en relief la haute dignité accordée à l’être doué de raison que nous sommes. La manière dont nous agissons fait une différence pour nous-mêmes, les autres, et Dieu.
Basile explique encore que « Selon ce plan, le Christ s’est fait chair; Il nous a montré la manière de vivre selon l’évangile. Il a souffert, est mort sur la Croix, a été enterré, et Il est ressuscité des morts.» Ces événements, explique Basile, sont advenus selon un plan.
Mais pourquoi donc Dieu a-t-Il conçu un tel plan ? Pourquoi devait-Il supporter tant de souffrances pour ressusciter ensuite ?
« Pour que nous puissions être sauvés en L’imitant, et recouvrer notre état premier de fils de Dieu par adoption.» Basiel fait entrer beaucoup de choses dans ce petit paragraphe. Il assume que nous savons que le Christ est le Verbe, qu’Il vient du cœur de la Trinité, qu’il est vraiment Dieu, vraiment homme. Le plan comprend la vie intime même de Dieu et notre rapport d’ « adoptés » avec elle.
Mais quel est cet « état premier ? » Evidemment, nous avons un plan avant un plan. Qu’est-ce que cela pourrait signifier ? Dieu change-t-Il d’idée tout le temps ? Cela ne serait pas digne de Dieu. Il s’en tient plutôt à son propre plan plus digne de Dieu.
Il est évident qu’un drame est en train de se dérouler à l’intérieur de ce plan. Dieu est représenté comme une figure centrale du drame. Cependant, dans les drames classiques, les acteurs n’écrivent pas l’histoire. Ils se trouvent déjà mêlés à une action qui se déroule et qui a un commencement, un milieu, un point culminant et une fin.
Ce plan rétablit un « état premier d’adoption » perdu. Mais ce retour à l’état premier ne pouvait pas être obtenu par la force. Il devait lui-même être choisi par le Verbe et par la créature raisonnable impliquée dans la désobéissance initiale qui nous tourmente. Nous appartenons à la même race humaine dans laquelle chacun est relié à tous les autres.
Le rétablissement une fois fait par le Christ ne peut pas être abstrait ou impersonnel pour chacun de nous. C’est pourquoi Basile dit que ce rétablissement se fait par l’imitation. Imitation de qui ? Du Christ, naturellement. Pourquoi « imitation » ? Imitation signifie que nous faisons quelque chose que quelqu’un nous a montré. Et qu’est-ce que le Christ nous a montré ? Il nous a montré la Croix.
Qu’était-ce que la Croix ? Certainement pas un heureux évènement. La Croix était une exécution publique d’un criminel dangereux sous les auspices légaux de Rome. Qu’est-ce que le Christ avait fait qui méritât une mort si horrible ? Il s’était proclamé « Roi des Juifs, » comme l’indiquait l’écriteau en trois langues que Pilate, le gouverneur romain de l’époque fit mettre sur la croix. Pourtant cette crucifixion faisait partie d’un plan dont l’origine venait de Dieu ? Comme c’est étrange !
Y avait-il quelque chose dans le plan qui nous faisait penser qu’un tel résultat était possible ou même intelligible ? Nous cherchons à comprendre ces choses, une fois que nous les connaissons. Le but premier du plan était que nous acceptions librement l’offre de Dieu d’une vie d’un niveau supérieur à la nôtre. Nous avons d’abord été invités. Nous avons été créés hommes, mais invités à être les Fils de Dieu.
Cependant, une fois que nous avons rejeté le plan, Dieu avait l’alternative de parvenir à son premier but sans mettre en cause notre liberté. C’est de cette partie du plan que Basile parle. La réponse de Dieu, la Croix, montre combien notre situation dans ce monde est sérieuse.
Le plan peut être rejeté, sinon nous serions des automates. Nous sommes de nouveau amenés devant la Croix. Ce chemin est le seul que nous ayons pour retrouver le but premier de Dieu en nous créant, c’est-à-dire d’accepter l’invitation de vivre la vie intime, éternelle de Dieu comme le but même de notre être.
James V. Schall, S.J., professeur à l’Université de Georgetown, est l’un des écrivains les plus prolifiques d’Amérique. Son livre le plus récent est The Mind That Is Catholic (L’esprit qui est catholique).
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Image : St Basile par Théophane le grec, c 1400
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-plan.html